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La ville ferme peu à peu ses paupières alors que des marchands ambulants arpentent les rues sous les lanternes diaprées et que la plupart des gens pressent le pas pour fuir la nuit tombée. Tant qu'ils ne traversent pas les grandes avenues, ces colporteurs doués d'ubiquité profitent de pouvoir crier leurs articles, l'odeur de la faim suspendue à une perche sur leurs épaules. Certains restent au même endroit tant que l'ombre et les affaires leur sont favorables tandis que d'autres cheminent les allées où fument viande et poisson.

Deux petites marches mènent jusque dans une étroite boutique où s'empilent disques et vinyles. Dans le coin de la pièce repose un distributeur de boissons, souvent escroqué par la jeunesse et ses penchants pour l'alcool et quelques plantes ravissent les murs, de quoi rendre l'endroit plus agréable entre les piles de magazines et les divers présentoirs. Un ou deux adolescents en uniforme paradent dans la fin d'après-midi, échangeant quelques pièces pour un peu de tabac. La clochette tinte à leur sortie et la chaleur persiste même à travers les persiennes du magasin. Quant au ventilateur, il s'essaie à faire voleter les feuilles des journaux, plus qu'à rafraichir l'intérieur. 

Il n'y a pas d'heures pour se balader ici et les routes sont toujours bondées de transports quelque soit le temps. Les passants préfèrent les grandes places où juchés au dessus de leurs têtes, se baladent des lampions colorés plutôt que dans les impasses où la sûreté est en péril et l'arnaque se vend chère.

Pourtant, ce bazar a toute la confiance du quartier et son propriétaire peut en vanter la tranquillité. Hongjoong est d'ailleurs adossé au comptoir, une clope aux lèvres alors qu'au dehors les néons se fraient jusque sur sa silhouette, l'adulant de toute sorte d'éclats. Un des coudes appuyé près de la caisse, jamais bien loin du poste radio, il guette les allées et venues de la foule, renversant la tête en arrière de temps en temps pour exhaler la fumée. 

Son téléphone jetable vient soudainement troubler la quiétude de son esprit vaquant à quelques pensées incongrues et sa main libre l'attrape sans même qu'il n'ait besoin de lever les yeux. Familier à la procédure, il lit les instructions envoyées avant de les supprimer pour ne laisser aucune trace. 

Tout en composant un numéro, il s'avance dans l'arrière-boutique, s'empare d'une veste et d'un flingue posé là, puis sort par la porte de derrière. Manquant de percuter un étranger, il pivote au dernier moment avant de bondir sur un muret. Puis, agrippant une barre en fer provenant d'un échafaudage entre deux immeubles, il parvient à sauter sur la plateforme lui faisant face et grimpe les marches jusqu'au toit. Là, surplombant les ruelles enflammées par milles et unes lumières, il saisit l'oreillette dans sa poche et l'allume pour joindre son unité. 

𝓝𝐄𝐎𝐍𝐒Où les histoires vivent. Découvrez maintenant