𝐈𝐗

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On aimerait que les causes personnelles s'effacent derrière les combats. Pourtant, il est impossible pour San de se défaire des injustices qui lui collent à la peau. Il ne peut plus se contenter de fermer les yeux face aux martyrs de son peuple, trop accablé par sa propre impuissance à délivrer sa nation des vices qui la rongent.

Il sait ce qu'impliquent ses actions et combien les enjeux sont grands : il risque gros à défier ainsi l'autorité des dirigeants mais il est temps que les choses changent.

Et s'il y a bien une chose que la société redoute, c'est la solidarité : à plusieurs, on ne se soumet plus à l'emprise du mal, on la combat. D'où la révolte monstrueuse qui assiège la ville. Allant de blocus en blocus, condamnant les rues, obstruant les routes pour que la résistance se propage. 

Ils marchent, avec à la tête de leur cortège, cet homme en vaillant guerrier, menant son armée jusqu'au champ de bataille. San a compris qu'il lui faudrait guider son peuple, quitte à se sacrifier.

À ses côtés, se tiennent quatre hommes dont les visages sont défigurés d'un masque noir et blanc. L'un d'eux, avant que la précipitation des événements ne les sépare, lui murmure quelques mots qui se veulent encourageants malgré le mauvais pressentiment qui lui tord les tripes.

Au pied d'immeubles dressés comme des remparts qui finiront par s'écrouler, ils s'enfoncent dans les entrailles de la ville à n'en plus distinguer le ciel. Cette marche, loin d'être pacifiste, s'étend vers la lutte, par-delà où se discerne la liberté. La paix ne se fera pas sans heurts et si les actes illégaux et rebelles ne semblent plus suffire, ils s'en vont confronter l'état à leurs propres immondices : la révolution s'engage à renverser le gouvernement. 

L'habituel vacarme urbain laisse peu à peu place au silence. Une atmosphère lourde s'installe. Les ombres inquiétantes des bâtiments avalent les étendards à la gloire d'Hongkong mais ils marchent. Ils continuent de marcher.

Les Hongkongais ne sont venus sans rien sinon leur rage, pour implorer des réformes démocratiques et protester contre la misère et l'exploitation. Mais face à eux s'élève une armée de policiers, déployée pour maintenir l'ordre bien qu'il soit ébranlé depuis longtemps. 

Ceux qui ont le devoir de défendre et de protéger, bientôt brandissent leurs matraques, prêts à disperser la foule sans plus de pitié. Mais les manifestants en ont assez de reculer devant l'oppresseur. 


Soudain, le bruit sourd d'une première grenade lacrymogène déchire la foule. La panique s'empare des hommes et fait s'évanouir leur formation stratégique dans des hurlements de peur. Les détonations se succèdent en un grondement infernal. Mais sous cette criblée de balles en caoutchouc, ils ne tardent pas à se ressaisir et des mêlées se forment pour empêcher les forces de l'ordre de gagner du terrain. Si San aboie des ordres pour organiser leur prochaine offensive, il ne manque pas non plus de lancer quelques regards de trop à l'un de ses hommes.

Devant cette répression d'une agressivité démesurée, les citoyens jettent des projectiles qui volent dans tous les sens. Briques, parapluies, bombes à essence : les contestataires sont féroces car on ne peut combattre la violence que par la violence.

Bientôt, des manifestations éclatent dans chaque district. Des pancartes sont déroulées sur les murs, criardes de slogans provocateurs et chacune de leurs banderoles scandent une immense indignation. 

Et si la Chine est déterminée à écraser la dissidence, il lui faudra affronter la colère qui rugit des pores d'Hongkong. Face à la mise à mort de la démocratie hongkongaise, ils ne se tairont plus jamais. 

Esclaves de cette société qui s'efforce de contenir leur fureur, bâillonnée sous le joug de la censure, c'est désormais à qui cèdera le premier. Car tant qu'aucune mesure ne sera prise, ils ne flancheront pas. Non, ils ne veulent plus de cette vie-là. 

Les émeutes contre la tyrannie se font de plus en plus nombreuses poussant la ville à se battre pour venger les mœurs violées et conserver les libertés dont Hongkong jouissait autrefois. Un ultime cri de guerre résonne dans les ruelles étroites de la ville, malgré les coups, malgré les arrestations, malgré les morts.

Au coeur d'Hongkong, le peuple se soulève.

𝐒𝐀𝐍
We are the warriors that build this town from dust.

𝓝𝐄𝐎𝐍𝐒Où les histoires vivent. Découvrez maintenant