Ma nouvelle Muse fiction 😊 Quand une jeune femme enfermée dans le monde très étriqué et codifié d'une secte découvre la musique qui changera sa vie et l'incitera à se rebeller...
- Emiane, attends, je vais me lever pour remettre un peu de bois dans la cheminée...
Cela fait un bon moment que le silence s'est fait dans la pièce qui commence à s'assombrir avec un feu qui a diminué d'intensité, tout comme la fièvre de la jeune fille immobile à la tête calée dans le creux du bras du chanteur. Comme Emiane ne lui répond pas, il demande doucement :
- Are you asleep...?
Toujours rien... Il dégage délicatement son bras, se lève et l'observe : elle a donc réellement fini par s'assoupir. Il en est étonné. Elle semblait si perdue et si stressée. Il sourit involontairement : elle a dû trouver une sorte d'apaisement entre ses bras. Comme si elle s'était connectée à ses pensées, elle remue dans son sommeil, tend un bras sur son côté et tâtonne la place vide en marmonnant :
- Matthew... Tu es parti ?
Il s'accroupit, lui prend la main :
- Je suis là Emiane, je vais juste remettre du bois dans la cheminée et je reviens.
Elle fait "Ah... OK..." dans un état visible de demi-sommeil, les yeux toujours fermés, et se tourne en direction de l'âtre.
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Les flammes, crépitant à nouveau avec intensité, éclairent le corps vêtu de rouge perdu dans un sommeil paisible. Matthew s'empresse de retrouver sa place à ses côtés. Puisque lui ne dort pas, un espoir est en train d'envahir littéralement son esprit : celui qu'Emiane dorme jusqu'au matin, laissant passer l'heure où sa famille viendra la chercher dans sa chambre pour la faire préparer pour ses noces. Cette idée l'apaise et il enlace à nouveau la jeune fille, se collant contre son dos... et finit par tomber lui aussi dans les bras de Morphée...
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Emiane sursaute brusquement, prenant conscience qu'elle s'était endormie. Le feu brûle toujours dans la cheminée... et celui de son corps et de son cœur aussi, plus fort même qu'avant ses quelques heures de sommeil. Cette maudite fièvre est-elle en train de la tuer ? Et pourtant, elle lui semble si douce... À moins que cette douceur ne vienne du corps de Matthew collé contre elle et de son bras enlaçant sa poitrine, sa main contre son cœur qui se remet à tambouriner comme un fou... Elle songe aussitôt au contact quelques heures plus tôt de cette main sur sa peau et elle rougit, persuadée que ce ne devait pas être une chose normale à faire, aussi agréable soit-elle.
Elle sort de l'étreinte du beau jeune homme endormi, s'assoit et l'observe, il ressemble à un trop beau piège... Comment se fait-il qu'il se soit trouvé il y a 2 ans juste au pied du Grand Mur et que comme par hasard il y soit revenu encore cette année alors qu'elle était prête à se marier... surtout si comme il le prétendait son monde était si vaste ? N'est-ce pas louche ? Il n'est pas le Malheur, ça elle en est convaincue à présent, mais ne pourrait-il pas être sous influence de ce dernier ? Le Malheur ne serait-il pas en train de la tenter et la piéger à travers lui ? Si elle quitte les siens pour accepter de le suivre, que se passera-t-il dès lors ? Elle le devine très bien en fait : la mort à petit feu dans d'horribles souffrances. Elle s'imagine déjà le cœur qui gonfle petit à petit jusqu'à éclater, la fièvre qui la consume de l'intérieur comme un incendie, les veines de ses tempes qui font exploser son crâne... Elle ne craint pas la mort, une libération pour elle, mais toutes les souffrances infligées par le Malheur à travers Matthew.
Et comme si tout cela ne suffisait pas, à présent, des idées pernicieuses se font jour dans son esprit jusqu'à fourmiller dans le bout de ses doigts : un désir irrépressible de toucher la peau du jeune homme comme lui touchait la sienne et d'avoir sa peau nue contre la sienne. C'est absolument horrible d'avoir des pensées aussi tordues et immondes ! Encore un effet du Malheur qui cherche bel et bien à l'attirer dans un piège, c'est sûr. Et peut-être qu'en plus de chercher à la tuer... ce Malheur veut aussi se reproduire et se propager à travers elle et Matthew... La faire tomber enceinte du jeune homme et enfanter avant de mourir d'un nouveau Malheur encore plus puissant ! Elle ignore si c'est possible ou non, mais son imagination bercée de toutes ses terreurs vient en tout cas d'en concevoir la terrible idée. Un nouveau Malheur qui lui ferait éclater le ventre à la naissance pour aller dévorer toute la population d'Eluville ! Un véritable cauchemar !
Des sueurs froides remplacent la fièvre et la font se lever précipitamment pour retrouver la sortie de la maisonnette. Elle tente de ne pas faire de bruit pour éviter de réveiller Matthew. Il l'empêchera de rentrer chez elle contrairement à ce qu'il a prétendu, c'est évident puisque le Malheur a besoin de lui pour se multiplier.
Elle songe : "C'est pour ça qu'il m'a laissée dormir, il voulait que je rate mon mariage et que je sois obligée de rester avec lui du coup. Si ça se trouve, c'est même lui qui m'a endormie, le Malheur a agit à travers ses bras apaisants, c'est impossible autrement. J'étais en train de réfléchir et tout à coup je me suis enfoncée dans le sommeil comme ça comme par magie..."
De retour dans le froid vif et l'obscurité de l'extérieur, la jeune fille est envahie par des vagues d'effroi qui l'assaillent de toute part. Le Malheur avait conçu son plan sordide de reproduction à travers elle et elle, elle tentait d'y échapper. Oui, il y avait donc bien pire situation que son mariage non désiré avec Emaz !
Elle aperçoit le panneau Eluville et se précipite vers lui en courant. Elle a la sensation de se sentir écrasée par une sorte d'énergie maléfique qui l'empêche de courir aussi vite qu'elle le souhaiterait sur le chemin de terre rejoignant Eluville. Le Malheur cherche à l'évidence à la retenir dans son piège.
Elle finit par arriver essoufflée au pied du Grand Mur, un point dans la poitrine la fait souffrir. Le Malheur perpétue ses attaques contre elle. Mais au moins il ne peut plus se multiplier à travers elle et dévaster Eluville. Son esprit s'apaise un peu.
Elle cherche le pommier sauvage pour retourner chez elle... définitivement. Terminées les stupides idées de fuite avec un beau gratteur de casseroles qui imite les oiseaux ! C'est à cause de ce pseudo métier qu'il a attiré le Malheur en lui ! On n'imite pas les oiseaux, ce n'est ni un jeu, ni un travail, c'est une provocation pure et simple qui finira par le perdre sous les assauts impitoyables de ce Malheur !
