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Nora roulait sous le ciel grisâtre de ce jeudi, pas le moindre rayon de soleil n'arrivait à percer l'épaisse mer de nuage qui s'étendait au-dessus d'elle. Le paysage défilait sous ses yeux sans qu'elle n'y prêta vraiment attention, de vagues taches de couleur apparaissaient et disparaissaient, lui laissant deviner à quelle vitesse était lancé sa petite voiture rouge. Nora jeta un rapide coup d'œil dans le rétroviseur pour regarder ses quelques cartons qui se ballottaient sur les sièges arrière.
— Liberté, enfin.
Son murmure raisonna dans l'habitacle avant d'être absorbé par le ronronnement du moteur. Elle était partie en catastrophe deux semaines avant le début des cours pour commencer à travailler dans un bar, sur le port de New Haven. Millie, la propriétaire du Jo's lui avait envoyé un mail deux jours auparavant pour lui demander si elle pouvait finalement commencer dès ce vendredi soir, une de ses serveuses lui aurait apparemment fait faux bond. Nora avait évidemment accepté, qui dirait non à deux semaines de salaire en plus ? Et, mieux encore, à deux semaines en moins avec sa mère ? Néanmoins la jeune fille ne pouvait pas dire qu'elle avait pris la situation très calmement. L'angoisse avait rapidement gagné sa poitrine, rendant sa respiration difficile pendant qu'elle dressait à toute vitesse dans sa tête la liste monstrueuse de toutes les choses qu'elle allait devoir préparer en deux jours au lieu de deux semaines.
Elle avait fini par emporter le moins d'affaires possible, une valise de vêtements qui feront très bien l'affaire pour la fin de l'été et l'automne, elle ferait un échange à Thanksgiving  pour l'hiver. Dans ses cartons il y avait également quelques photos de famille, quelques trophées, ses livres de cours ainsi que ses bouquins préférés, son casque de musique et quelques affaires de toilette. Le reste elle pourra l'acheter sur place si jamais elle en avait besoin.
La petite voiture rouge prit une bretelle pour s'insérer sur l'autoroute, le GPS annonça une ligne droite de vingt-trois kilomètres, la jeune fille régla son limitateur de vitesse et laissa son esprit divaguer. Celui-ci s'arrêta sur le souvenir de Claire, sa mère, son cœur avait semblé se déchirer lorsque Nora lui avait annoncé son choix pour l'université de Yale, à plus de 4000 km de Phoenix. Elle avait d'abord pleuré, puis paniqué, crié, avant d'essayer de la faire changer d'avis, Nora s'était comme d'habitude vexée avant de reprocher à sa mère de vouloir contrôler sa vie et de ne pas lui laisser de liberté. La mère et la fille s'étaient ensuite fâchées, entraînant de longues semaines de tension à la maison, rendues encore plus critiques après que Nora eut envoyé son dossier d'inscription.
Puis un soir, elle l'avait rejoint sur le perron de leur maison à Phoenix alors que Nora lisait sur la balancelle et l'avait serrée dans ses bras.
« Comment vais-je bien pouvoir faire pour te protéger, si tu es si loin de moi ? » avait-elle murmuré. Nora avait doucement rit et lui avait rappelé qu'elle savait s'occuper d'elle-même. La jeune fille travaillait depuis ses quatorze ans, elle avait commencé par des babysitting puis elle avait trouvé un petit boulot au centre commercial. En clair, elle avait dix-huit ans et voulait vivre sa vie comme elle l'entendait et surtout, pour elle-même. Nora avait l'impression d'avoir toujours fait ce que sa mère avait attendu d'elle, à présent elle ne le voulait plus.
Gabrielle, sa sœur, avait crié de joie et avait sauté sur son lit toute la matinée, chantant et dansant, si heureuse qu'elle aille dans une des universités les plus prestigieuses du pays mais Nora la soupçonnait plutôt de manigancer pour récupérer sa chambre. Il fallait bien avouer qu'elle était plus grande et mieux exposée. Son père l'avait prise dans ses bras et l'avait fait voltiger en l'air comme si le poids de la jeune fille n'avait aucune importance. En clair, sa mère était la surprotectrice et son père et sa sœur étaient à eux deux le soleil personnifié.
Nora était plutôt le genre de personne à rester à l'écart, à observer, de nature calme, mais ça c'était avec les autres. Avec sa famille et ses amis elle était tout à fait différente, plus sociable et plus spontanée, elle profitait à fond de sa vie d'adolescente.
Le GPS l'extirpa brusquement de ses pensées, lui indiquant qu'il ne lui restait que 15 minutes avant d'arriver. Nora allait vivre chez un ami de sa mère, enfin dans sa résidence secondaire où il ne mettait apparemment jamais les pieds, cela allait lui éviter des frais supplémentaires. Pour couronner le tout, c'était exactement entre l'université et le bar où elle allait travailler. Sa mère le lui avait assuré : c'était LA bonne affaire pour ses années de fac. Vivre sur le campus lui aurait sûrement plu également, des jeunes partout, de l'agitation, des soirées, mais vu son parcours au lycée, Nora savait très bien que cela relevait plus du fantasme que du réalisable. Pour une raison qu'elle ignorait, elle rêvait de s'ouvrir aux autres, de se mêler à eux, mais elle n'y arrivait jamais, du moins pas comme elle l'aurait voulu. Rares étaient ceux qui la voyaient telle qu'elle était réellement, pas même Stacy, son ancienne meilleure amie, ni Trévor son ex petit-copain. Son père lui disait souvent que les gens ont peur de ce qu'ils ne connaissent pas, ce qui est différent dérange et cela crée un malaise dans notre société car peu sont ceux qui utilisent cette différence comme une force. « C'est le mieux à faire Nora, accepter qui tu es, les autres ne le feront pas à ta place, bien au contraire. », voilà ce qu'il lui avait répété sans cesse, et avec énormément de patience. Mais Nora avait fini par ne plus l'écouter et avait changé, de petite fille timide et différente elle était devenue une adolescente populaire et fêtarde, le regrettant amèrement par la suite. Les seules choses qu'elle n'avait pas changé étaient son application dans ses études et son sens du devoir envers sa famille, elle était restée malgré tout une jeune fille pleine de principes et de responsabilités.
— Dans 150 mètres, tournez à droite et vous serez arrivé à destination. Tourner à droite.
Nora s'exécuta et tourna à droite, dans une longue et étroite allée bordée de pins. La lumière automnale traversait le feuillage des arbres qui commençait à se parer de reflets orangés. C'était magnifique.
Nora franchit un immense portail en fer forgé noir, et la demeure apparue devant elle.
— Ce n'est pas possible ... souffla-t-elle en observant la scène.
Le chemin de gravier beige se divisait devant une fontaine digne du jardin du château de Versailles, laissant apparaître derrière elle un immense manoir en pierres blanches.
La bâtisse semblait à la fois très ancienne et quasiment neuve, ses pierres étaient d'une blancheur éclatante et pourtant l'énergie qui s'y dégageait était très ancienne et puissante. Nora pouvait le ressentir, il y avait énormément d'énergie dans cet endroit.
Le manoir s'étalait sur plusieurs centaines de mètres carrés et s'élevait sur 3 étages, il était majestueux, impressionnant.
Les yeux encore écarquillés de stupeur, elle attrapa son téléphone afin de vérifier l'adresse, une fois qu'elle constata deux fois de suite que l'adresse était la bonne, elle composa le numéro de téléphone de sa mère. Elle décrocha après la première sonnerie.
— Oui chérie ? Il y a un problème ? Tu es arrivée ?
— Salut maman, je viens d'arriver mais je ne suis pas sûre d'être au bon endroit. Je suis devant une espèce de gigantesque manoir...
— Ah oui, je ne t'ai peut-être pas prévenu mais mon ami possède un manoir, mais ne t'inquiète pas tu n'auras accès qu'à la partie centrale, les pièces des ailes sont fermées. Tu n'auras rien à faire une femme de ménage vient tous les lundis et puis c'est charmant, c'est très bien protéger et surtout c'est gratuit ! Tu verras ça sera génial ! s'enthousiasma Claire.
— Ça m'a surtout l'air désert, murmura la jeune fille pour elle-même. Mais maman tu aurais dû me prévenir ! Je ne me sens pas à ma place là-dedans, et puis je ne le connais pas ton ami, je suis hyper mal à l'aise de m'inviter dans cette demeure...
— Bon écoute, Nora, tu ne vas quand même pas faire ta difficile ! lui lança-t-elle d'une voix stridente, signe de son agacement.
Nora sentit bien qu'elle commençait à perdre patience avec elle et décida de ne pas insister.
— Oui maman tu as raison, je suis juste un peu surprise.
— Je comprends. Sa voix s'adoucît. Mon ami m'a dit qu'il avait laissé ouvert pour toi, les clés sont à l'intérieur sur la table de la cuisine. Elle prit un air sérieux. Et, Nora, on est bien d'accord, pas un mot à ton père et ta sœur, c'est compris ?
— Quoi ? Mais pourquoi ?
— C'est comme ça.
— Je ne comprends pas, en quoi le fait que j'habite chez ton ami doit rester un secret ?
— Fais ce que je te dis un point c'est tout. Ton père ne doit rien savoir.
— Qui est cet ami maman ? Tu m'en avais jamais parlé, c'est franchement étrange. Si c'est un ancien petit ami papa pourra comprendre, c'est un adulte, il n'y a rien de mal.
— Ca suffit Nora ! Tu fais ce que je te dis, c'est compris ?
— Oui j'ai compris mais maman c'est bizarre ça aussi je ne comprends pas pourquoi...
— C'est comme ça c'est tout Nora, la coupa-t-elle d'un ton autoritaire. Promets-le moi.
— C'est promis.
— Super. On se rappelle plus tard. Je t'aime.
Et elle raccrocha avant même que Nora n'ai eu le temps de lui répondre.
— Moi aussi maman...
Ne rien dire à son père la dérangeait énormément, mais en même temps ça n'allait pas être bien difficile, il suffisait de ne pas aborder le sujet.
Son téléphone bipa au même moment. C'était son père : Coucou ma puce, maman m'a dit que tu étais arrivée ! J'espère que tout va bien, on se fait un appel vidéo ce soir pour que nous montre comment c'est chez toi ! J'ai hâte de voir ça !
Bon finalement ça allait être plus dur que prévu...
La jeune fille rédigea un texto à sa mère : Je ne dirais rien à papa mais débrouille toi pour me trouver une excuse pour ce soir. Il m'a demandé de faire un face time pour que je lui montre où je suis.
Nora resta encore quelques minutes dans sa voiture en attendant une réponse de sa mère. Elle en profita pour s'observer rapidement dans le rétroviseur intérieur, ses banals yeux noisettes étaient cerclés d'épais cernes noirs. Elle avait conduit quasiment d'une traite, s'arrêtant seulement quatre fois lors des trente-sept heures de trajet. Trois jours de conduite pour traverser le pays forcément, c'était fatiguant. Elle avait désespérément besoin d'une bonne nuit de sommeil.
Ne recevant pas de réponse de la part de sa mère, elle attacha ses longs cheveux châtains en une queue de cheval avant de retirer les clés et de sortir de la voiture afin de faire face à l'immense bâtisse qui allait dorénavant être sa résidence.
Le manoir était tout simplement épatant. L'intérieur était comme l'extérieur, alliant parfaitement design contemporain et volumes anciens. Nora était étonnée par la modernité de l'agencement et des équipements : écrans plats au design dernier cri, enceintes connectées, canapés en cuir lisse noir et aux finitions en métal, décoration simple et épurée.
Les pièces étaient immenses, l'entrée devait faire trois fois la taille de sa chambre à Phœnix. En effet, après avoir franchi la majestueuse porte d'entrée elle arriva dans une pièce aux dimensions impressionnantes, face à un immense escalier blanc à double volée qui menait au premier étage, avec une hauteur sous plafond d'au moins trois mètres et demi. Le sol était recouvert de parquet assez clair et les murs étaient blanc, reflétant une lumière dorée magnifique. A droite il y avait une grande cuisine hyper high-tech, à gauche se trouvait la salle à manger, les deux espaces se rejoignaient en un salon. On ne voyait pas le salon depuis l'entrée car il se trouvait derrière l'escalier mais Nora pouvait le deviner en regardant la cuisine. Au rez-de-chaussée se trouvait également deux chambres avec une salle de bain commune aux dimensions insensées.
Nora fit le tour des pièces, émerveillée par l'immensité des espaces. C'était très beau, luxueux mais sans trop de prétention non plus, et malgré le malaise qui s'était d'abord installé face à la demeure, ça lui plaisait beaucoup. Nora longea le couloir menant aux deux chambres, après le séjour, elle tenta d'ouvrir la troisième porte au fond mais celle-ci resta fermée. C'était là la fin de son exploration au rez-de-chaussée, derrière cette porte se trouvait une zone qui lui était interdite, tout comme derrière la porte qui se trouvait dans la cuisine.
Elle continua son excursion au premier étage, découvrant un bureau, une bibliothèque rempli d'ouvrages exceptionnels, des classiques, des éditions originales et limitées, cette bibliothèque était un véritable trésor, il y avait aussi une salle de sport, deux chambres et une salle de bain. Au second se trouvait encore des chambres dont une suite qui retint son attention.
Derrière l'épaisse porte en bois ornée de fines gravures en arabesques, Nora découvrit un grand espace tout ouvert, style loft, avec une chambre, un dressing et une salle de bain.
Comme partout la hauteur sous plafond coiffée de poutres de bois blanc, dont Nora ignorait l'origine, était impressionnante. À la droite de la porte se trouvait la pièce d'eau, à gauche était placée une jolie coiffeuse avec quelques étagères de rangement. Au milieu de la pièce trônait un énorme lit à baldaquin aux draps de lin blanc, derrière, une tête de lit en béton blanc faisait office de délimitation entre la chambre et un dressing en bois brut où la totalité de ses vêtements ne prendraient que le quart de la place.
Le sol en parquet qui paraissait d'origine s'estompait au fur et à mesure qu'il allait vers la salle de bain laissant place à un carrelage blanc en forme de tomette. La pièce d'eau, excessivement grande se composait d'une baignoire, d'une douche aux fonctions multiples, et d'un meuble double vasque avec de multiples rangements.
Le soleil entrait par les deux grandes fenêtres en arc de cercle en de grands faisceaux lumineux dorés, prêtant une atmosphère presque magique au lieu et indiquant à Nora, vu l'heure, que la chambre était orientée à l'ouest.
Après avoir décidé que cette chambre serait la sienne, Nora descendit chercher sa valise et ses deux cartons pour les déposer sur le lit. Elle ne défit pas ses bagages, trop pressée de continuer son exploration. Elle se dirigea vers le troisième étage qui était desservit par un simple et modeste escalier menant sur trois portes, les deux premières menaient à une pièce vide mais la troisième, dont il fallait gravir quelques marches supplémentaires pour y accéder, était fermée à clé.
Ici aussi c'est interdit de passage, d'accord...
Son téléphone vibra dans la poche arrière de son jean, c'était un message de sa mère : «Problème résolu avec ton père, on fera un appel vidéo après ta rentrée. Il faudra que tu sois dans une chambre universitaire du coup. Bisous, repose-toi bien mon ange. ».
Nora souffla, au moins Claire avait trouvé une solution, elle lui rédigea un rapide message de remerciement. Comme si mentir à son père, qui ne le méritait absolument pas, ne suffisait pas, maintenant elle allait aussi devoir se débrouiller pour convaincre un étudiant de bien vouloir lui prêter sa chambre afin qu'elle puisse passer un appel vidéo. Un véritable jeu d'enfant... Nora avait du mal à comprendre sa mère, elle ne voyait pas de mal à ce qu'elle habite ici et que son père le sache. Elle allait devoir éclaircir tout cela, même si elle pressentait que ce qu'elle allait découvrir ne lui plairait sûrement pas.
Comme elle avait fait le tour des endroits qui lui étaient autorisés, Nora décida d'aller dans la cuisine pour se trouver quelque chose à manger.
Elle mangea une pizza trouvée dans le frigo, après avoir vérifié la date de péremption, dans le salon devant la télé, il semblait que quelqu'un ait fait les courses pour elle, puis alla se coucher, exténuée par ces derniers jours. Elle se roula sous les draps moelleux de son lit et s'endormit en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire.
Nora ne se réveilla que le lendemain après-midi après plus de quatorze heures de sommeil lourd et profond. Le lit était moelleux et les draps si doux qu'elle ne les sentait quasiment pas, il allait être difficile d'en sortir pour aller en cours. Pour le moment, il fallait qu'elle soit au bar de Millie pour dix-sept heures, il ne lui restait donc que trois heures avant de partir.
La jeune fille s'extirpa lentement hors du lit en se frottant le visage d'un geste fatigué avant de se glisser mollement sous la douche et de faire couler de l'eau brulante sur ses muscles endoloris. Vingt minutes plus tard elle s'habillait d'un simple jean brut et d'un léger pull à maille à manches longues bleu marine qui la mettait parfaitement en valeur. Elle s'empara de ses bottines à talons marrons et descendit les escaliers en direction du salon.
La pièce donnait sur l'arrière du manoir et les énormes baies vitrées s'ouvraient sur une large pelouse verdoyante. Au fond elle distingua deux autres bâtisses, dissimulée derrière un bosquet, qu'elle décida donc d'assouvir sa curiosité débordante et partit à la découverte du terrain afin de se donner une idée de surface et de ce qui l'entourait.
Le terrain était magnifiquement entretenu, la pelouse était taillée au millimètre près, les rosiers et les sculptures montraient que quelqu'un s'en occupait régulièrement, derrière les deux bâtiments semblait s'étendre une épaisse forêt. Comme elle ne distinguait pas de délimitation Nora supposa que la forêt faisait également partie de la propriété, vu l'immensité du manoir cela ne lui paraissait pas inconcevable. Le bâtiment à sa gauche était en fait une grande verrière qui abritait un jardin d'hiver. C'était magnifique, au milieu de la serre se tenait un petit kiosque avec une table au plateau de pierre et aux pieds en fer forgé, entourée de deux délicates chaises du même fer forgé. C'était bucolique et romantique.
La seconde bâtisse, un peu plus reculée, fut la découverte préférée de Nora. Le bâtiment de pierre était fendu de grandes fenêtres de style ancien et cachait en réalité une piscine de vingt-cinq mètres par dix. Une aubaine ! Elle pourrait s'entraîner même chez elle. La piscine était chauffée et très reposante, elle adorait l'endroit et avait très envie d'y plonger.
Nora resta longtemps assise au bord de la piscine les pieds dans l'eau à réfléchir à toute cette année, à planifier son emploi du temps, à s'imaginer vivre dans cet endroit incroyable et à se demander comment elle avait bien pouvoir mentir à son père pendant les années à venir. La solution la plus simple serait se faire un ami dès le jour de la rentrée et le convaincre de la laisser passer un appel dans sa chambre sans qu'il la prenne pour une tarée. Il fallait qu'elle trouve une solution, mais elle verra bien le jour de la rentrée, pour le moment elle ne pouvait rien faire de plus.
La jeune fille vérifia l'heure sur son téléphone, il était temps qu'elle de se prépare pour aller travailler. Elle voulait arriver en avance pour faire bonne impression pour son premier jour de travail. Elle se rendit donc dans la salle de bain de sa chambre, boucla légèrement ses cheveux sur les pointes puis les attacha en queue de cheval, s'appliqua un peu de mascara, un coup de baume à lèvre et elle fut prête.
Pour arriver au bar elle conduisit environ un quart d'heure en prenant la route principale et en traversant le port. À son arrivée au Jo's, Millie, la gérante, l'accueillie chaleureusement avant de la prendre par le bras et de la tirer vers la réserve, à l'abris des regards des quelques clients.
— Tu es un ange venu du ciel, Nora. Comme j'ai de la chance d'avoir une employée comme toi. Je suis encore une fois vraiment désolée de t'avoir fait venir plus tôt que prévu mais j'ai réellement besoin d'aide. Les fournisseurs ont fait n'importe quoi, il faut tout trier et organiser avant l'arrivée des étudiants. Généralement ils commencent à venir avant le début des cours c'est à dire la semaine prochaine ! Et c'est une catastrophe ! lui lança-t-elle sans reprendre sa respiration une seule fois et avec une telle détresse dans la voix que Nora eut pitié d'elle.
— Il n'y a aucun souci vraiment, je suis ravie de t'aider. Dis-moi comment tu t'organises et je ferai ce qu'il faut. Et s'il te plaît détend toi, on va y arriver il n'y a pas de raison et il n'y a rien de pire que de travailler dans la panique, lui dit-elle de la voix la plus sereine et réconfortante possible alors qu'elle-même ne l'était pas du tout. 
La jeune femme rousse lui expliqua donc tout son système de classement et elles se mirent au travail. En même temps qu'elles rangeaient les boites de conserves et les bouteilles, la gérante l'informa au sujet du règlement intérieur du bar pour que Nora puisse le faire respecter aux clients, et aussi qu'elle travaillerai avec un certain Ethan mais qu'il arriverait seulement la semaine prochaine quand la clientèle se fera plus dense.
Vers dix-huit heures trente Millie la laissa seule dans la réserve pour aller servir les habitués qui commençaient à arriver. La jeune fille enfila ses écouteurs et lança sa musique pour l'accompagner dans sa tâche car même si elle ne lui semblait pas pénible mais elle allait être longue et la musique allait lui permette de faire passer le temps plus confortablement.
Nora était restée seule dans la réserve à ranger les provisions, Millie venait de temps en temps pour voir si elle s'en sortait. A la fin de son service la jeune femme rousse vint l'inviter à boire un verre, une fois l'établissement complètement vide, fermant délibérément les yeux sur le fait qu'elle n'avait pas l'âge légal pour le faire. Elle partagèrent également un repas rapidement concocté par la gérante du bar. Millie était une jeune femme d'environ vingt-cinq ans, au tempérament de feu, très drôle et que rien ne semblait effrayer, surtout pas un marin un peu trop éméché, malgré sa silhouette frêle elle ne se laissait pas impressionnée. Les deux jeunes femmes continuèrent à discuter pendant pas moins de deux bonnes heures, entre deux anecdotes elles convinrent que Nora reviendrait le lendemain matin vers dix heures et demi pour finir de ranger les derniers cartons qui lui restait à ranger. Le planning de la jeune fille se ferait au jour le jour pour les deux prochaines semaines. Millie évoqua vaguement la possibilité de réfléchir à un planning mais sans rien promettre, les semaines précédant la rentrée à l'université étant celles où il y avait le plus de choses à gérer, elle n'était pas sûre d'avoir le temps de s'en occuper.
Nora repartie vers quatre heures du matin, les deux jeunes femmes s'étaient dit au revoir à regret en se disant qu'elles feraient peut-être mieux de dormir sur place étant donné le peu de sommeil qui les attendait. Nora était particulièrement contente de son premier jour de travail, Millie était adorable et se comportait plus comme une amie que comme une patronne ce qui conférait au bar une ambiance de travail des plus agréable.
À son arrivée au manoir, Nora était si fatiguée qu'elle ne pensait qu'au confort de son lit, elle ne remarqua pas les bouquets de pivoines, ses fleurs préférées, qui avaient été placées dans chaque pièce du rez-de-chaussée. Elle ne perçut pas non plus la faible lueur qu'émit le pendentif qu'elle portait autour du cou, lorsqu'elle passa le pas de la porte.

Nora - Lune Bleue *EN RÉÉCRITURE*Où les histoires vivent. Découvrez maintenant