Chapitre 26

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Uriel et moi marchions sans nous dire un mot en direction de l'arrêt de bus. Le visage fermé, il trainait des pieds, la tête basse, et je me calquais sur son rythme. Le peu de fois où j'avais tenté de discuter se finit toujours par des réponses brèves de sa part, avant de retomber dans ce silence lourd qui n'avait aucune raison d'être.

— Bon tu as quoi ? craquai-je.
— Comment ça ?
— Tu n'as presque pas décroché un mot depuis qu'on est sorti. C'est à peine si tu me regardes !
— Il n'y a rien, Gav, sourit-il légèrement.
— Tu es sûr ?
— Oui ! rit-il faussement.

Pour appuyer ses dires, il entrelaça ses doigts aux miens et embrassa le dos de ma main avant de la mettre dans sa poche de blouson.

— Comment s'est passé ta journée ? finit-il par lancer.

Je savais qu'il tentait de changer de sujet mais, sans doute trop distrait par le pouce qui caressait mes doigts à l'abris des regards, je ne cherchai pas à en savoir plus. Mon cœur bourdonnait jusque dans mes tympans alors que j'essayai de lui raconter ma dite journée en restant le plus cohérent possible. Je lui confiai notamment mes craintes concernant la compétition car il était le seul avec qui je pouvais m'ouvrir à ce sujet sans avoir la sensation de passer pour une personne faible ou incapable. Ce n'était peut-être pas vrai, il pourrait ne pas être le seul à ne pas me voir ainsi, mais c'était une impression inexplicable que je n'avais qu'avec lui.

Comme à son habitude, il me rassura, m'aidant à rester optimiste, à me focaliser sur les points positifs de mes performances. Mais, contrairement aux autres soirs et comme un peu plus tôt, Uriel avait souvent des moments d'absence. Il fixait un point invisible, le regard vide, avant de reprendre où nous en étions.

— Bon Uriel, qu'est-ce que tu as ? m'exaspérai-je.
— Hm ?

Profondément perdu dans ses pensées, il avait à peine tourné sa tête vers moi.

— Tu...

Je m'étais arrêté et l'observais, attendant qu'il poursuive. Je sentais sa main resserrer peu à peu la mienne, alors qu'il me fuyait du regard. Quand il se décida enfin à me regarder dans les yeux, il les détourna l'instant suivant.

— Tu... Tu as l'air de mieux t'entendre avec Layne ?

...

Putain mais c'est ça !

— Tu es jaloux ?
— Quoi ?
— Tu es jaloux ! ris-je.
— ... Non.
— Je sais que tu l'es.

Ce constat me fit sourire jusqu'aux oreilles, et même son agacement évident ne put m'en défaire. Il me fuyait encore du regard puis finit par rouler des yeux, résigné.

— Peut-être... Oui... Et alors ?

Je haussai les épaules, continuant de jubiler à l'idée qu'Uriel puisse éprouver de la jalousie me concernant.

— Ce n'est pas drôle, Gav, marmonna-t-il, embarrassé.

Je secouai la tête, encore le sourire aux lèvres.

— Tu es jaloux d'un garçon qui a eu 15 ans il y a quelques semaines seulement, raillai-je.
— Tu n'es pas si vieux.
— Je vais quand même sur mes 17, rétorquai-je.
— Wow, deux ans d'écart. Incroyable, fit-il, sarcastique.

Je roulai des yeux, toujours autant amusé par sa réaction.

— Il a clairement des vues sur toi, Gav.
— C'est ce qu'il t'a dit ?
— Il faudrait être bigleux pour ne pas le voir, ronchonna-t-il. Ou alors être toi, ajouta-t-il en me tirant la langue.
— Peut-être parce qu'un colombien m'empêche de penser à qui que ce soit d'autre... ?

Anyone Except UOù les histoires vivent. Découvrez maintenant