Chapitre 13

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Il y avait des sons lointains, étouffés. Des voix, basses, des chuchots à peine audibles qui devenaient de plus en plus clairs. Me sortant désagréablement de mon sommeil.

Je gardai les paupières closes, par entêtement. Je voulais dormir. Mon corps était lourd. Mon esprit embrumé. Et des douleurs martelaient ma tête... comme un réveil avec une grosse gueule de bois.

Ennuyé par les gens qui m'entouraient, je grognai. Très vite, quelqu'un accourut vers moi.

— Gavyn !

La voix stridente de ma mère me fit grimacer davantage. Je tentai de me plaindre mais la soif m'empêcha d'émettre le moindre son. Résigné, je déglutis désagréablement avant d'ouvrir les yeux.

D'abord aveuglé par la lumière des néons, je plissai les yeux. La silhouette floue du visage de ma mère devint de plus en plus distincte. Ses yeux rougis semblaient larmoyants, et ses joues étaient maculées de traces de larmes, séchées depuis peu. Je bus le verre d'eau collé sur mes lèvres, confus. Je remarquai enfin les murs blancs qui m'entouraient, et cette odeur de désinfectant.

— Maman ?

Mon esprit s'éveillait lentement et la situation dans laquelle je me trouvais finit par me sauter aux yeux.

— Ma-Maman ?

Je tentai de me lever mais, pris d'un vertige, je retombais aussitôt sur mon oreiller.

— Maman, pourquoi je suis là ?
— Sh...
— Qu'est-ce... Qu'est-ce que je fais là ?

Pris de panique, je saisis sa main posée près de mon flan. Je sentis l'aiguille de la perfusion plantée dans l'intérieur de mon coude dès que je levai le bras.

— Il n'y a rien, ne t'inquiète pas, me rassura-t-elle.

Je la fixai un moment, avant de soupirer et de me détendre réellement. Uriel entra à ce moment. Ses traits semblaient s'être allongés d'épuisement. Des cernes et des poches noires lui mangeaient la moitié du visage, et, comme ma mère, ses yeux étaient rougis et gonflés d'avoir trop pleuré.

— Uriel ?

Il secoua la tête, un sourire triste sur les lèvres avant de venir se poster de l'autre côté de mon lit. Il prit ma main libre dans la sienne puis posa son front sur mon épaule.

— Ok, qu'est-ce qu'il se passe ?

Je les entendis juste soupirer, sans jamais croiser mon regard.

...

— Je... Je suis mourant ?
— Ne parle pas de malheur, s'il te plaît, réagit aussitôt ma mère.

...

— Du coup... Je le suis ou je ne le suis pas ?
— Non, Gavyn, sourit Uriel.
— Bah je n'en sais rien ! Je viens de me réveiller dans un lit d'hôpital et vous avez des têtes de personnes en deuil, c'est franchement flippant ! grognai-je d'une voix enrouée.
— Je vais prévenir les infirmiers que tu as ouvert les yeux, nous informa ma mère avant de quitter la pièce, réticente.

Je hochai la tête et l'observai s'éloigner. La porte se referma derrière elle et je me tournai aussitôt vers Uriel.

— Bon, dis-moi ce qu'il se passe.
— Rien, Gav.
— Tu es sûr ?

Il hocha faiblement la tête.

— Alors qu'est-ce que je fous ici !
— Je ne sais pas... On t'a trouvé inconscient devant chez Jacob et on t'a amené ici.

Un sentiment me soufflait qu'Uriel ne me disait pas tout. Mais, trop épuisé pour lui tirer les vers du nez, je remis cette discussion à plus tard.

— Dis, Gav...
— Hm ?

Je me rallongeai lourdement, lâchant un soupire d'aise quand mon corps rencontra enfin le matelas. Les paupières closes, je profitais du calme et du silence qui nous entouraient un temps, attendant qu'Uriel poursuive.

— Tu... Tu te rappelles ce qu'il s'est passé ?

Je fixai mon ami avec des yeux ronds. Je n'y avais pas songé jusqu'ici mais, maintenant qu'il mettait le sujet sur le tapis, je me rendis compte que rien ne me venait. Le trou noir. Plus je tentais de me remémorer la soirée, plus une migraine s'intensifiait. Je me crispai, les yeux fermés, cherchant aussi loin que ma mémoire me le permettait, essayant de passer le bouillard qui semblait masquer une partie de mes souvenirs.

— Gav ? Gavyn !

J'ouvris les yeux sur Uriel qui serrait ma main, inquiet.

Basta.
— Je-Je ne me souviens de rien ! paniquai-je. Je ne vois rien... Je ne sais rien... Putain Uriel !
— C'est bon, Gav, cálmate. Ça va aller.

Sa paume libre essuya la sueur de mon front.

— Dis-moi juste ce dont tu te souviens, ajouta-t-il sur le même ton calme qu'il avait depuis que je m'étais réveillée.
— Je... Je t'ai vu à la soirée ? Et-Et on a parlé... Et tu es allé danser.
— Oui, ensuite ?
— Ensuite... J'ai heurté quelqu'un ? Un ami d'Andrew je crois... Darrell, oui, c'est ça. On a discuté un peu mais on s'entendait mal alors on a décidé de sortir. On a continué à parler, on a ri et...

...

— Et ?
— Et je ne sais plus.

Uriel soupira discrètement, les sourcils froncés, avant de regagner l'expression réconfortante qu'il avait.

— Et il ne t'a rien donné ?
— Non... répondis-je, haussant une épaule.
— Tu es sûr ? Pas même un gâteau ? Une pilule ? De la poudre ?
— Tu me crois assez naïf pour prendre une pilule ou autre de la part d'un inconnu.
— Non mais ça aurait pu être n'importe quoi ! Un truc à manger, à boire, même une chips, je ne sais pas !
— Ah oui, une cannette !
— Tu as bu ?
— C'était un soda, Uriel, soupirai-je, avant de lui offrir un sourire rassurant.
— Tu as vu d'où elle venait ?
— Ouais... D'une commode de la maison. Pourquoi ?
— Elle était fermée ?

Je hochai la tête.

— Et quand il te l'a donnée, elle l'était aussi ?
— Oui...
— Tu es sûr ?

Je le regardais, incapable de le lui confirmer.

Querido, essaie de t'en souvenir. Était-elle ouverte ? Ou as-tu remarqué un trou dessus ? Ou autre ?

Je tentai de me rappeler dans quel état était la boisson qu'il m'avait tendue mais rien ne vint.

— Je ne sais plus, Uriel, me résignai-je, frustré.

Que je ne me souvienne de rien m'angoissait au plus haut point. La gorge serrée, je ravalai mes larmes difficilement.

— Je ne m'en souviens plus, sanglotai-je.
— C'est ok, Gavyn.

Son pouce essuya la seule larme traîtresse qui avait coulé sur ma joue.

— Tu veux de l'eau ?
— J'ai faim surtout, grimaçai-je, ce qui lui tira un petit sourire.

Il me tendit mon verre que j'attrapai de ma main libre, et je le remerciai d'un signe de tête avant de porter le verre à mes lèvres. À cet instant, je remarquai que pas une seule fois sa main avait quitté la mienne depuis qu'il était entré dans la pièce un peu plus tôt. Nos paumes moites restaient collées l'une à l'autre sans que l'un de nous ne pensâmes à les séparer. Je cachai un sourire derrière mon verre, sous le regard bienveillant de mon ami ignorant.

Anyone Except UOù les histoires vivent. Découvrez maintenant