Chapitre 19

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Nous nous regardions en silence.

Uriel semblait m'avoir remercié pour quelque chose de plus important, de plus profond que le service que je venais de lui rendre mais j'ignorais encore quoi. Mon attention centrée sur tout autre chose, je fus incapable de lui répondre quoi que ce soit, ou encore d'y penser.

Sa paume continuait de répandre sa chaleur sur ma joue, de me donner des frissons. Et, sans le vouloir, mes yeux s'étaient posés sur ses lèvres. Je savais bien que les couver de cette manière ne m'aiderait ni à cacher mes sentiments, ni à arrêter mes fantasmes, mais je ne pus m'en détourner. La douce respiration qui passait entre sa bouche entrouverte sonnait comme un défi, une tentation devant laquelle ma résolution s'amenuisait.

¿Están bien, niños? cria soudainement Tatia depuis la cuisine, me tirant de ma rêverie.

Je sursautai. Uriel s'en amusa, secouant la tête.

— Oui, mamá! répondîmes-nous à l'unisson.

Cette interruption me permit de tourner la tête mais je fus incapable de le regarder par la suite.

— Hey ? ¿Querido? souffla Uriel.

Son ton était calme, tendre, presqu'affectif.

— Gav ? susurra-t-il une nouvelle fois.

Je décidai de me lever, toujours sans me risquer un regard dans sa direction.

— Gavyn ? me rappela-t-il, amusé.
— Quoi ?
— Aide-moi à me relever, s'il te plaît, rit-il franchement cette fois.

Je soupirai intérieurement. Pourquoi moi ? Mais lui tendis tout de même la main, mes yeux concentrés sur mes doigts autour de son poignet. Je le tirai un bon coup, cherchant à rompre le contact le plus vite possible, mais Uriel me tomba dessus.

Je pensai alors à n'importe qui, n'importe quoi : mes parents, Joy, mes profs, mes devoirs, les gens du bus. TOUT en dehors du corps nu hilare collé contre moi !

— Désolé, rit-il.

Je hochai la tête et l'aidai à se redresser. Encore hilare, Uriel s'éloigna, sa serviette sur les épaules. Je fixai la porte par laquelle il venait de passer ; je ne compris pas ce qu'il venait de se passer. Je frictionnai mes cheveux puis passai mes mains sur mon visage. Y repenser sans arrêt ne m'aida pas à y voir plus clair un seul instant. Rien n'aurait pu expliquer ce que nous venions de vivre, et bien moins encore la réaction d'Uriel durant ce court laps de temps.

Et s'il ne m'était pas compliqué d'observer comment il avait agi, n'était-ce pas alors aussi simple pour lui de me voir ?

Je ne me souvins pas de ce que je faisais mais je me rappelais très clairement n'avoir eu aucune pensée innocente à son égard. Que faire s'il s'en était rendu compte ? S'il me demandait des explications ? C'était déjà un miracle que mon entrejambe ait su rester « inexpressif » mais si autre chose m'avait trahi ?

Un regard ? Un sourire ? Une main mal placée ?

Une pulsation cardiaque mal maîtrisée...

N'importe quoi aurait pu lui paraître suspect, lui mettre le doute. Mais il n'avait pas l'air confus en quittant la pièce, du moins pas autant que je l'étais. J'eus beau tenter tous les moyens à ma disposition, je ne pus au final empêcher mon corps de réagir. De peur qu'on ne me trouve dans cet état, je me précipitai pour verrouiller la porte.

Assis sur les toilettes, mes mains compressaient mon crâne. Putain... Pourquoi moi ? Pourquoi maintenant ! Nous n'allions pas tarder à passer à table et je ne voyais pas comment me débarrasser de cette érection. Enfin si, je savais... Mais je n'avais ni le temps, ni l'intimité requise. J'imaginai alors tout ce qui était susceptible de la faire redescendre mais rien n'y faisait.

À chaque songe se superposait l'image d'Uriel. Et chacun des souvenirs que j'avais de lui se mélangeait à mes obsessions perverses. J'étais un réel novice dans ce domaine. Le peu que je connaissais me venait des histoires de Jacob et des sites pour adultes ; un savoir assez restreint, plutôt fictionnel, et trop hétéro pour ce que je voulais faire avec Uriel. Surtout en ce moment.

L'horloge tournait et toujours aucune solution à l'horizon.

Devrais-je prendre une douche ? Mais j'en avais déjà pris une en arrivant, je n'avais pas la force de réitérer. Me masturber ? Peut-être n'avais-je pas assez de temps et je risquais de me faire surprendre... Taper dessus ? Mettre de l'eau froide ?

...

Devenir eunuque ?

— Gav ? m'appela subitement Uriel, toquant de l'autre côté de la porte, inquiet. Tu es encore dedans ? Tout va bien ?

Je grognai intérieurement.

— Gavyn, tu m'entends ?

Ses coups se faisaient de plus en plus rapides. Inquiet comme il avait l'habitude de l'être ces dernières semaines, je devais absolument ouvrir dans la minute avant que mon ami ne se mette à paniquer dans le couloir.

Je n'avais plus le choix ; il me fallait cacher mon érection du mieux possible et attendre qu'elle ne se calme d'elle-même. Mais le short fluide et le t-shirt en coton que je portais me rendit la tâche difficile.

— Gavyn ! Ouvre-moi, s'il te plaît !
— Ouais, deux minutes !

J'ignorais pourquoi je lui dis de patienter car ce laps de temps n'arrangerait en rien ma situation. J'inspirai profondément, une main sur la poignée, puis ouvris la porte de moitié, ne laissant visible que la partie supérieure de mon corps.

— Pourque tu ne répondais pas ? Tu vas bien ? m'interrogea-t-il, les sourcils froncés, tendant le cou pour voir s'il se passait quelque chose à l'intérieur.
— Je... Je me suis endormi sur les toilettes.

À la façon dont il haussa son sourcil, je sus qu'il n'en crut pas un mot. Il n'insista pourtant pas, se contentant de soupirer.

— Viens, on passe à table.
— Pars devant, je te suis.
— Comment ça ? se méfia-t-il aussitôt.
— J'ai froid ? J'ai besoin de t'emprunter un sweat.
Puedo esperarte.
— Quoi ?
— Je peux t'attendre, traduit-il, doucement amusé.
— Non ! Non, non, vas-y ! Je te rattrape. Ça sera vite fait de toute manière.

Uriel m'observa, arborant encore sa grimace contrariée, avant de se résigner ; il soupira et hocha la tête, me prévenant qu'il m'attendrait à table.

Il s'éloigna, et je sortis en trombe dès que je l'entendis parler dans le séjour avec sa mère. Je fonçai dans sa chambre et ouvris la porte coulissante de son armoire à la volée. Il ne me fallut que quelques secondes pour attraper un des nombreux sweat oversize qui remplissaient son meuble. Enfilé, le sweat m'arrivait mi-cuisse.

Je pus dès lors souffler et me détendre. Une fois en présence de Tatia, et mon attention concentrée sur mon assiette, il me serait facile de me distraire de mes désirs.

Anyone Except UOù les histoires vivent. Découvrez maintenant