R. A. B.

Chapitre 33

Régulus avait entendu les éclats de voix à l'instant où Harry avait ouvert la porte et où le sort de silence avait été brisé.

Aussitôt, des souvenirs lui revinrent en mémoire. C'était une situation habituelle, Sirius hurlant, sa voix se répercutant square Grimmaurd, avant de claquer une porte ou deux. Puis... Sirius avait fui et avait trouvé refuge chez James Potter.
Il grimaça et baissa la tête, pas assez vite cependant pour masquer son malaise au regard acéré de Rogue. Ce dernier soupira.
— Pour ce que ça vaut, Black, le fils Potter n'est pas du genre à t'abandonner si vite. Il est du genre à refuser de plier quoiqu'il en coûte.

Régulus haussa les épaules comme si ça n'avait pas d'importance, mais Severus continua, soudain curieux.
— Donc. Toi et le gosse. Est-ce parce qu'il t'a sauvé la vie ?

Il reçut un regard furieux, et Régulus renifla d'un air méprisant.
— Pour qui me prends-tu ? J'ai juste appris à le connaître et... c'est arrivé.

Le jeune homme venant du passé entendit soudain la voix de son frère se taire brusquement et il se tendit, craignant que Harry ne soit rejeté. Il savait à quel point il tenait à son parrain, et il pourrait tuer Sirius s'il le blessait.
Il commença à s'agiter, tendant l'oreille de toutes ses forces, le silence l'inquiétant autant que les cris. Il hésitait à se précipiter, mais Severus le retint par le bras.
— Ce foutu cabot ne va pas le blesser, Black. Il l'aime vraiment.

Régulus lui lança un regard mauvais et il grogna, furieux.
— Vraiment ? Autrefois, dans cette maison, vivait un petit garçon qui disait à ses parents et à son petit frère qu'il les aimait. Et puis un jour, il a changé d'avis, et s'est mis à hurler sans cesse, et à ne plus parler à personne. Jusqu'au moment où il a quitté les lieux. Les derniers mots que j'ai eus de mon frère aîné, celui que je regardais comme un héros..., ses derniers mots juste avant le moment où j'aurais dû mourir ont été qu'il n'avait plus de frère. Je n'ai absolument pas confiance en lui, quoi qu'il puisse dire.

Severus lui lança un regard compatissant, et soupira.
— Je suis navré pour toi, Black.

Régulus masqua ses émotions, ravalant la vieille colère qui ne l'avait jamais quitté, et il haussa les épaules, comme s'il n'était plus blessé par ce lourd passif entre lui et son frère.
— Il n'y a rien de surprenant pourtant, il n'y avait que James Potter qui comptait à ses yeux. Et Lupin, dans une moindre mesure. Ils étaient proches, mais pas de la même façon.

Severus soupira, refusant de repenser aux Maraudeurs. Il devait côtoyer par la force des choses Black et Lupin, et il ne pouvait pas se permettre de se souvenir de tous les moments où ils l'avaient humilié. Il préféra plutôt tenter de rassurer le jeune homme qui venait du passé d'une autre façon.
— Tu devrais faire confiance à Harry Potter. Ce gosse... Bon sang, même s'il ressemble physiquement à son idiot de père, il est fait d'un autre bois. Je l'ai suffisamment côtoyé pour t'assurer qu'il est capable de tenir tête à son parrain s'il commet la stupidité de te rejeter.

Régulus eut un rire amer, et il fixa Severus un long moment.
— Y'a-t-il quelqu'un qui le connaisse réellement autour de lui ? Pour un espion, tu es plutôt mauvais si tu n'as jamais vu qu'il dissimule ses blessures. Il donnera l'impression de tenir tête, mais ça le brisera...

Severus Rogue sembla soudain mal à l'aise, et haussa les épaules, comme s'il ne croyait pas les mots de Régulus. Ce dernier se détourna, pour s'approcher de la porte, essayant de capter le moindre bruit, essayant de résister à l'envie d'appeler Kreattur pour qu'il aille espionner... Si l'elfe et Sirius ne se détestaient pas autant, il l'aurait fait, mais... autant ne pas risquer de faire dégénérer la situation.

Fermant les yeux, les mains crispées sur l'encadrement de la porte, Régulus s'obligea à respirer calmement, chacun de ses muscles noués, prêt à se précipiter près de Harry si nécessaire. Lorsqu'il avait juré de le protéger, il était sincère et ce n'était pas pour l'abandonner à la première difficulté.

*

Face à Sirius, Harry eut un sourire hésitant. Sirius s'était tu et il le regardait, l'air soulagé, cherchant visiblement s'il était blessé. Puis, il avança vers lui et ouvrit la porte, dévoilant à Harry l'identité de la personne avec qui il se disputait.

Ce dernier eut un léger mouvement de recul, presque imperceptible, mais qui ne passa pas inaperçu aux yeux de Sirius. Pourtant, il ne fit aucun commentaire, observant son filleul avec attention.

Harry n'imaginait pas qu'il puisse se sentir trahi à ce point. Il avait souvent été déçu de ses proches et de ses amis, mais en voyant Molly Weasley, rouge de colère, il eut l'impression que son cœur se brisait. Il avait considéré cette femme comme une mère adoptive dans son passé. Elle l'avait accueilli chez elle, l'avait enlacé et rassuré. Bien évidemment, parfois elle était un peu trop directive à son goût, ou un peu envahissante. Mais... il pensait que c'était dans son caractère vu que Ron se plaignait souvent de cet aspect de sa personnalité.
Il l'aurait imaginé faire face à Fol'Oeil, plutôt que de se ranger à son avis. Mais visiblement, elle était parfaitement d'accord avec ce que le vieil Auror paranoïaque avait dit : son regard empli de colère et de dégoût ne trompait pas.

Harry resta silencieux, tête haute et ne montra pas la moindre culpabilité. Pas la moindre faiblesse. Il sourit juste joyeusement à Sirius, heureux de le voir moins maigre que dans ses souvenirs. Il semblait en pleine santé et il était habillé de vêtements neufs — et non plus de ces loques de prisonnier dont Harry se souvenait.
Molly renifla et marmonna, mais Sirius l'empêcha de dire le moindre mot, la fusillant du regard.
— Maintenant que j'ai votre point de vue, Molly, vous devriez rentrer chez vous. Ni vous ni votre famille n'êtes les bienvenus chez moi, aussi longtemps que vous penserez ce genre de choses.

La matrone se redressa, et Harry se crispa. Il l'avait déjà vue se préparer à hurler, et il préférait se passer de ses cris. Il la trouvait plutôt effrayante lorsqu'elle était en colère et il n'avait pas envie d'être la cible de son ire.

Sirius grogna et Harry se demanda si c'était sa forme animagus qui influençait certaine de ses réactions, ou l'inverse. Kreattur apparut, et Harry lui adressa un sourire soulagé.
L'elfe montra les dents en direction de Molly, prêt à claquer des doigts.
— Dois-je la faire sortir d'ici, monsieur ?

Sirius sembla surpris de la politesse de Kreattur et il le regarda pensivement un instant, avant de hausser les épaules.
— Laisse-lui la possibilité de garder un minimum de dignité, Kreattur. Sinon... eh bien, fais comme il te plaira.

L'elfe s'inclina avec un sourire presque effrayant et Molly ne chercha pas à insister, constatant qu'elle n'aurait pas gain de cause. Elle quitta la pièce en claquant des talons, folle de rage.