R. A. B.

Chapitre 47

Severus et Sirius échangèrent un regard de connivence, pour la première fois de leur existence. Ils se trouvaient réunis autour d'Harry, désirant le protéger.

Sirius murmura aux garçons d'appeler Kreattur pour avoir un petit déjeuner digne de ce nom, pendant qu'ils réglaient quelques détails avec Severus. En entendant son parrain parler sans animosité du professeur de potions, Harry eut un léger sourire, les yeux brillants.
Severus lui pressa l'épaule avec un hochement de tête amical, et quitta la chambre en premier, sans un regard en arrière.

Régulus fixa son frère un long moment, et lorsque Sirius lui adressa un sourire hésitant, presque timide, il lui répondit, acceptant de lui faire confiance.
Le jeune homme soupira et se détendit, acceptant de laisser les rênes à des personnes de confiance. Il enlaça Harry plus fermement et détourna l'attention du jeune homme avec un léger baiser dans le cou.

Sirius laissa échapper un rire amusé et ébouriffa les cheveux de son filleul. N'osant pas se montrer trop familier avec son frère — perdu depuis trop longtemps — il se contenta d'effleurer son poignet. Soudain, il se rendait compte que son petit frère lui avait manqué, plus qu'il n'aurait pu l'imaginer à l'époque.
Il avait eu James, qui s'était révélé être bien plus qu'un ami, mais le vide causé par son éloignement d'avec Régulus n'avait jamais été comblé. Il l'avait juste enfermé au fond de son cœur, persuadé qu'il agissait pour le mieux.

Il marqua une légère hésitation avant de quitter la chambre, comme si s'éloigner pouvait faire exploser cette bulle de complicité qui s'était formée entre eux, mais il voulait avant tout protéger son filleul et son jeune frère.
Il les observa une fois encore alors qu'ils étaient collés l'un à l'autre, front contre front, Régulus murmurant des mots inaudibles à Harry, ce dernier souriant, les joues rosées et les yeux brillants. Il ne put s'empêcher de sourire, attendri, et il sortit de la pièce pour rejoindre Severus Rogue.

Severus l'attendait dans la cuisine du Square, immobile, les yeux dans le vague. Il semblait moins morose qu'à son habitude et il ne se crispa pas lorsque Sirius entra. Ils se dévisagèrent un instant, mais ils préférèrent éviter les sujets sensibles. Ils allaient pour l'instant mettre de côté leurs anciennes querelles pour se concentrer sur le présent.

Sans la moindre animosité, Sirius prit la parole en premier.
— Tu as une idée ?
Severus haussa les épaules brusquement.
— Je n'aurais jamais cru dire ça, mais au moins nous avons plus de marge de manœuvre depuis que Dumbledore est mort. Et je crois que si ce vieux fou n'avait pas succombé à ce maléfice, je l'aurais moi-même tué pour ses manigances.

Sirius hoqueta.
— Tu ne devrais pas dire trop fort ce genre de choses, où les membres les plus extrêmes de l'Ordre se débrouilleront pour t'expédier à Azkaban... Cependant, je ne peux qu'être d'accord avec toi. Le directeur nous a manipulés et utilisés comme des pions. J'avais déjà des... doutes, puisque sans ma mère je serais resté de longues années à Azkaban, mais le récit de Harry offre une nouvelle perspective sur tout ce merdier.

Severus pinça les lèvres, avant de finalement murmurer.
— Nous pouvons toujours rassembler ceux qui nous suivront quoi qu'il arrive. Ceux qui ont plus confiance en Potter qu'en ce vieux fou de Fol'Oeil. Ensuite... attirer le seigneur des ténèbres au lieu de notre choix et l'affronter en priant pour qu'il n'ait pas refait d'horcruxes.

Sirius croisa les bras sur sa poitrine, adossé à la grande table de bois, et s'employa à éviter le regard de Severus avec soin.
— Il y a un livre dans la bibliothèque Black. Au sujet des horcruxes. Je l'ai trouvé... cette nuit, et j'y ai jeté un coup d'œil. Il n'y avait pas autant d'informations que ce que Harry nous a appris, mais j'y ai découvert que l'âme n'est pas infinie. Il y a un moment où il n'est plus possible de la morceler. Où il n'est plus possible de détacher ce qu'il reste de son corps sous peine de finir sous forme d'un corps sans esprit.

— Et bien, ça nous rendrait la tâche plus facile !

Ils échangèrent un regard malicieux, puis Severus se redressa, reprenant son air sérieux et impassible.
— Toutes les conditions sont réunies pour que nous arrivions à mettre fin à toute cette folie. Nous allons devoir trouver des... soutiens pour les gamins ou trouver un endroit pour les cacher. J'ai dans l'idée que Fol'Oeil a un plan bien précis le concernant et que notre jeune ami n'est pas vraiment d'accord.

Sirius laissa échapper un rire désabusé.
— Tu veux parler du fait qu'ils ont bloqué ses coffres ? Ou de cette lubie de vouloir le pousser dans les bras de la petite Weasley ? Je me suis déjà renseigné. Pour le premier point, il lui suffit de se présenter en personne à Gringotts pour être libéré de ce désagrément. Le ministère a peut-être ordonné la nomination d'un tuteur pour s'assurer que Harry ne dilapide pas son héritage, mais les gobelins ont leurs propres lois...
— Potter, dilapider son héritage ? Le gamin n'a pas l'air d'être un panier percé pourtant. Il aurait pu prendre plus d'argent dans ses coffres, non ?

Sirius eut un léger sourire fier.
— Harry est raisonnable. Même s'il était surveillé dès le début, même s'il n'a jamais pu accéder seul à son coffre, il n'a jamais réclamé quoi que ce soit. Le ministère a surtout eu peur qu'il ne vide ses coffres pour s'enfuir après la mort de Dumbledore. Je suppose que c'est une idée de Fol'Oeil, encore une fois, il voit des complots partout.

Severus ricana.
— Ils ont dû tenter de réquisitionner ses coffres, plutôt. Et comme ils ont échoué, ils ont fermé les vannes. Je suis prêt à parier qu'ils débloqueront tout à l'instant où le gamin proposera son or pour l'effort de guerre.

Sirius eut une moue écoeurée, prêt à protester. Cependant, Severus ajouta tranquillement, avec un rictus moqueur.
— Même combat dans les deux camps. La guerre coûte une fortune. Si le seigneur des ténèbres était furieux de la disparition de Régulus, ce n'était pas parce qu'il l'aimait. C'était uniquement parce qu'il voyait la fortune Black lui glisser entre les doigts. Je ne compte même plus les dons en espèces sonnantes et trébuchantes que Lucius a dû faire pour assurer la protection de son épouse et de son héritier bien que le jeune Drago soit une proie de choix pour... lui.