Chapitre 2

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Max


L'aube est le meilleur moment de ma journée. Outre le fait que la ville semble m'appartenir, sans bruit ni circulation, j'apprécie le fait d'être seul au bureau. C'est le seul moment où les locaux m'appartiennent réellement.

Je suis programmé à remplacer mon père à la tête de B.O. mon capital. Un fonds d'investissement privé dont le mandat premier est d'investir dans de petites et moyennes entreprises, avec comme objectif premier, bien entendu, de maximiser le rendement et l'investissement.

Aujourd'hui, j'ai bloqué ma journée pour faire passer moi-même les entrevues en vue de recruter un nouvel analyste. J'ai besoin de rencontrer et de connaître qui travaillera pour moi. Jusqu'à présent, ce sont tous des clones les uns des autres. Diplômés de grandes écoles, de bons stages, mais personne, ou si peu, qui ressort du lot. Même les motivations de certains pour travailler pour moi sont un motif de rejet.

« Je suis intimement convaincu que nous gagnerons énormément d'argent, car je sais que je suis le meilleur analyste que vous engagerez. »

Petit con prétentieux.

« Demain, je vous soumettrai des projets d'acquisitions à forts potentiels de rentabilité. Si 10 heures vous convient. »

Arrogant.

Je les passe avec dépit, classant les Curriculum Vitae en trois piles. Les rejets, les possibles si vraiment mal pris, les deuxièmes entrevues.

La porte s'ouvre sur une nouvelle candidate. Je la regarde, elle semble nerveuse.

Premier emploi.

Plus elle s'approche, plus sa nervosité me gagne. Des frissons parcourent mon corps. Je vois les poils de mes poignets se hérisser comme sous le coup d'un champ d'électricité statique.

Qu'est-ce que...

Je regarde celle qui vient d'entrer, elle n'a rien d'extraordinaire, elle est loin des femmes que je rencontre habituellement. Et pourtant, loin de mériter sa place dans le Victoria's secret ou le Sport illustrated, je suis irrésistiblement attiré par elle. J'ai le goût de l'électricité statique sur les lèvres.

À vue d'œil, 1,80, bonnet B, hanches un peu larges. Yeux marron. Bref, basique.

Reprends-toi !

Elle me tend son CV, je le parcours rapidement des yeux. Aucune expérience dans le milieu, juste des emplois de caissière et de vendeuse. Pourtant elle est bien notée, diplômée avec mention.

« Je vous écoute. Vous connaissez le blabla, qu'est qui vous fait croire que vous êtes la personne que l'on recherche ?

Je la vois prendre une grande inspiration. Elle va me débiter son discours appris par cœur.

« Je suis diplômé de...

Je préfère nous faire gagner du temps à tous les deux et je coupe court en l'arrêtant.

« Je sais lire, Mademoiselle. Le compte à rebours tourne. Dois-je répéter ma question ?

— Je suis dévouée, motivée, travailleuse. J'apprends vite et suis rapidement autonome. Je me tiens au courant de l'actualité boursière. Je suis persuadée de rapidement devenir un atout pour...

— Savez-vous combien de personnes sont passées avant vous et m'ont tenu exactement le même discours ? lui demandé-je de façon purement rhétorique.

— 42, Monsieur.

— 42 ?

Elle se fout de moi en plus ?

— C'est la réponse à la grande question sur la vie, l'univers et le reste », dit-elle en souriant.

« Vous trouvez que c'est le moment de plaisanter ? Votre avenir au sein de cette compagnie se joue à cet instant.

— J'en ai bien conscience, Monsieur. Je n'ai aucune expérience de travail dans ce domaine, car peu importe où je postule il faut avoir moins de vingt-cinq ans et dix ans d'expérience. Je ne sais que dire pour vous inciter à m'engager. Je sais seulement que je ferai tout pour avoir la chance de travailler pour vous.

Elle a raison sur ce point, en un sens.

« Tout ? » lui demandais-je, juste pour voir ce qu'elle entend par là, sourire en coin. « Vraiment tout ? »

Je me place confortablement dans le fond de mon siège, la détaillant pour la déstabiliser.

« Quand je dis tout, c'est une façon de parler », se reprend-elle.

« C'est bien ce que je pensais. Merci Madame Martel. Ce sera tout. »

J'attends qu'elle s'éloigne avant de définir où classer son CV. Plus elle s'éloigne, plus un malaise grandit en moi. La porte se referme derrière elle, et je ne peux pas me l'expliquer, mais cette fille me manque. Mon corps m'envoie une multitude de signaux que je n'arrive pas à analyser.

Je me reprends alors que la porte s'ouvre sur un nouveau candidat.

Je prends son CV et commence à le parcourir en diagonale.

« Je vous écoute. Vous connaissez le blabla, qu'est qui vous fait croire que vous êtes la personne que l'on recherche ? »

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Myka

Me, my Boss and the othersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant