Chapitre 3

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Sophie


Je ne sais pas quoi faire. Je n'ai pas envie de rentrer et de subir les questions, façon Inquisition, de mes colocataires. Si c'est pour me taper leurs moqueries de cour d'école ou leurs tentatives merdiques de me consoler, je peux m'en passer.

Je remarque un coin café et décide de m'y poser un moment, pour réfléchir à mon avenir.

Je commande un chocolat chaud et une viennoiserie aux amandes. Un peu de sucre me fera du bien.

Je m'installe, bois une gorgée, et m'apitoie sur moi-même.

Je comptais énormément sur ce travail pour me sortir de ma vie de merde. Je vis en colocation depuis que je suis sortie de l'université. C'est un moyen économique de vivre en ville, et c'est une réminiscence de la vie étudiante. Seulement, mes colocataires sont du genre gratiné. Entre Katia, celle qui ne lave JAMAIS la vaisselle, ne nettoie JAMAIS sa chambre ni la salle de bain derrière elle. Ses cheveux qui bloquent le drain de la baignoire ne la dérangent pas plus que ça. L'autre, Tristan, qui ne sort de sa chambre que pour aller travailler et aller à la salle de bain. Avec son teint blafard, il me fait peur. Je ne crois pas aux vampires, mais quand je le croise, brièvement, j'ai comme un doute. L'autre, Alice, l'exubérante, toujours à câliner, raconter des aventures impossibles, à ramener un « fuck friend » différent chaque soir. Elle est persuadée d'être discrète en plus. La quatrième, Ella, c'est la pire des trois. La pseudo cuisinière qui travaille sur un concept de restaurant et qui se sert de nous comme cobaye pour tester ses recettes. Ce n'est pas toujours un désastre, si seulement elle pouvait arrêter d'oublier ses trucs en train de cuire qui déclenchent les détecteurs de fumées et de Co2, souvent lorsque je suis sous la douche. À croire qu'elle minute ça exprès. Méchante ! se plaint ma petite voix. Je le concède, Ella, c'est ma meilleure amie. J'aimerai tant qu'elle se lance, mais elle manque de confiance en elle. Et qui suis-je pour lui faire la leçon, moi qui ne suis pas foutue de décrocher un travail ?

Je veux juste quitter ce logement, mais avez-vous seulement conscience du prix d'un logement en ville ? Et sans « réel »boulot, quel propriétaire me ferait confiance ?

Un raclement de gorge me sort de mes pensées.

« Vous êtes encore là ? »

Je relève les yeux, pour croiser ceux de celui qui a anéanti mes chances de travailler pour cette compagnie. Je le regarde s'asseoir en face de moi, un café à la main. Quel beau mâle ! Immédiatement, des frissons parcourent mon corps. Calme-toi.

« Ce n'est pas parce que vous restez dans l'immeuble que l'on vous accordera une seconde chance. »

Le déclic se fait dans ma tête. Une seconde chance. Je ne dois pas la laisser filer. Je dois tout tenter pour obtenir ce poste.

« J'aimerais retenter ma chance de vous convaincre Monsieur.

— Vous n'avez pas froid aux yeux, Madame Martel. »

Il se souvient de mon nom ?

« Je ne veux pas paraître désespérée, mais vous êtes ma dernière tentative avant d'abandonner l'espoir de travailler dans ce milieu.

— Très bien. Je vous accorde le temps de mon café. Je vous écoute. »

Je me lance. Je lui parle de ma vie, de mon enfance. De mon père qui travaillait à la bourse, qui m'a initié, qui s'est suicidé à cause du stress lorsque j'avais six ans. Puis du décès de ma mère dans un incendie un an plus tard. Ma vie en foyer, en famille d'accueil. Ma vie en colocation, mes emplois précaires de caissière et de vendeuse. Il repose sa tasse vide sur la table, lisse le pli de son pantalon et me regarde.

« Je vous entends, Madame Martel. Pour le poste, malheureusement, je ne peux rien faire. Un candidat qualifié a été retenu.

— Je comprends », dis-je une larme coulant sur ma joue. « Merci de m'avoir écoutée, j'apprécie. » Je ramasse mon porte-document et commence à me lever quand il me fait signe de me rasseoir et de m'approcher de lui.

« J'ai peut-être une proposition pour vous. Proposition qui réglerait vos deux problèmes. »

Je fronce des sourcils, me demandant quel marché il va me proposer. Hors de question de signer un document avec mon sang.

« Je peux vous trouver un travail, ici, c'est sûr que ce ne sera pas le poste que vous vouliez, mais au moins vous serez employée par la compagnie et aurez donc accès aux offres d'emplois à l'interne.

« D'accord, dis-je, les yeux pleins d'espoir.

— Pour votre problème de logement, là aussi je peux faire quelque chose. Je possède un immeuble d'appartement, et j'en ai un de libre qui vient d'être rénové. Bien situé, au centre-ville.

— Merci, mais je ne pourrais jamais me payer seule un appartement au centre-ville.

— Je ne vous ai pas encore donné le montant du loyer. C'est 1500, cinq électros neufs inclus, deux chambres.

— Pourquoi un prix si bas ? », m'étonnais-je, curieuse. « Au centre-ville, vous pourriez en obtenir le double ou plus.

— C'est vrai. Mais je fais un deal avec vous.

— Lequel ?

— Une fois par mois, nous couchons ensemble, pour la durée du bail, soit douze mois, renouvelable si vous le souhaitez. »

QUOI ?

Je le pense si fort que j'en ai mal aux oreilles.

Je préfère ne rien dire, je me lève en serrant mon porte-document et je quitte rapidement le bâtiment.

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Myka

Me, my Boss and the othersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant