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[ média : Louise ]

Les gens disent que lorsque l'on frôle la mort, notre cerveau nous montre un film de notre vie. C'est faux. Je suis dans cette voiture, cabossée de toute part, probablement retournée, je ne suis pas sûre. Et tout ce que j'ai vu défiler dans mon esprit se résume à une unique journée de mes dix neuf années d'existence. Celle là même que j'avais juré d'effacer de ma mémoire. Le résumé des meilleurs moments, les derniers regrets de tout ce que je n'ai pas eu le temps de faire... foutaises ! Je n'ai rien eu de cela. La conscience est quelque chose de propre à l'être humain, elle est à son image, étrange. La mienne a décidé que le jour de mon seizième anniversaire serait l'ultime souvenir que j'emporterai avec moi dans l'au delà. Je vais vous raconter comment j'en suis arrivé là, et pourquoi ce que vous prenez pour une tragédie, est en réalité le début de ma renaissance.

***

Dix huit heures plus tôt

Je souris en constatant qu'Aria n'a pas éteint les guirlandes du sapin de noël. Ash tâte les petites ampoules colorées du bout de la patte, exprimant son amusement par de petits miaulements aiguës.

- Tu es sûre de vouloir partir dix jours ? me demande Aria, boudeuse.

- Oui, j'ai besoin de me reposer, et puis il faut que je vois mon père aussi.

- Mais pourquoi ne pas le faire venir ici ? Il y a largement la place.

- Aria, il a fait l'effort de venir l'année dernière déjà. Il déteste l'Angleterre tu le sais bien, je ne peux pas lui redemander ça, c'est à moi d'aller le voir. Et puis, tu seras plus tranquille si je te laisse seule avec Julien, non ?

Tiens, ce ne serait pas un petit sourire que je vois là, miss Deveaux ? Deux ans à ses cotés m'ont suffit pour la connaître par cœur. Je me souviens encore du jour où j'ai débarqué à Bristol, j'avais dix sept ans, mille cinq cent livres en poche et un mois pour trouver du travail si je voulais garder l'appartement miteux que j'avais déniché. Et puis je l'ai rencontré, elle, dans un bar par hasard alors que je commençais à désespérer. En fait ça ne s'est pas passé de la façon la plus conventionnelle possible. J'ai finis tellement bourrée qu'elle a dû me faire passer la nuit chez elle, de peur que je ne fasse un coma éthylique, mais aussi parce que j'étais incapable de me souvenir de mon adresse. On a appris à se connaître, à s'apprécier, et on a finit par se mettre en colocation lorsqu'on s'est rendu compte que je n'étais plus retourné chez moi depuis trois semaines. Son père est le propriétaire de l'immeuble, je ne paye qu'un loyer symbolique, ce qui arrange mon petit salaire de barmaid. Enfin, quand je dis barmaid, on se comprend. Mais ce travail est pour l'instant tout ce que j'ai, et il paye. Je ne suis pas riche, mais avec ce que je gagne, j'ai pu mettre de l'argent de coté pour m'acheter un petite voiture. Enfin, quand je dis voiture, on se comprend.

- Louise ? Hey Lou !

Une main m'attrape l'avant bras et me secoue légèrement, m'extirpant de ma rêverie.

Hein, quoi ?

Je pique littéralement du nez devant mon jus d'orange. Bon sang qu'est-ce que je suis fatiguée, je donnerai tout pour aller me recoucher. J'avale mon verre d'une traite et me tapote les joues pour revenir à la réalité. Prête ! Je file à la salle de bain, me lave, m'habille, me maquille et me parfume. J'ai l'habitude d'être en retard, mais là c'est catastrophique. J'ai bien faillis m'endormir debout sous la douche. Maudite fatigue, tu ne m'auras pas !

Décidément, ces dix jours de congés me feront le plus grand bien. J'embrasse Aria et, clé en main, je me précipite dans les escaliers de l'immeuble que je dévale pour rejoindre ma voiture sur le parking.

Collision//ZMOù les histoires vivent. Découvrez maintenant