C I N Q

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[ média : Louise ]

Il est huit heure trente-sept, je suis réveillée depuis six heure vingt-deux très exactement. Je tourne dans mon lit depuis plus de deux heures, impossible de dormir, j'ai trop mal. Je dois bien être à huit et demi ce matin. Mon petit déjeuner est servi depuis dix minutes déjà, mais je me nourris difficilement. La douleur et l'attente de mes résultats me coupent l'appétit.

La journée d'hier repasse en boucle dans ma tête, inlassablement. Je rembobine le fil de mes souvenirs, les détaillant les uns après les autres dans mon esprit. Mais une cloison invisible se dresse devant moi dans ma mémoire, m'empêchant de remonter plus loin que mon réveil sur le brancard. Avant, tout est trouble, confus, j'ai beau forcer, m'épuiser, rien ne revient.

Même si cela m'est compliqué, je m'efforce de ne pas enrager contre moi même. Je ne dois pas craquer, il faut que je sois plus forte que l'amnésie. Ne pas la laisser gagner.

Mes souvenirs se rétabliront quand ils l'auront décidé. Tout ce que je peux faire en attendant, c'est résister à cette insupportable voix qui me répète que c'est sans espoir.

Je pense aussi à Adam, pour essayer de me redonner du courage. Il souffre énormément de ma perte de mémoire. Et ce qui m'énerve le plus, c'est que je ne suis pas en mesure de comprendre sa souffrance car je ne me souviens plus de la relation que l'on avait. Combien de proches vais-je devoir réapprendre à connaître ?

Pour l'instant, seules deux personnes sont venues me rendre visite : Adam et l'inconnu-fou. Qui n'est en fait pas fou, ni inconnu d'ailleurs. Je connais désormais son nom : Malik.

Mais dois-je l'appeler comme ça la prochaine fois qu'il me rendra visite ? Je ne suis même pas sûre qu'il reviendra me voir. Pourquoi le ferait-il ? Je ne répondrai pas à cette question aujourd'hui, Thomas vient d'entrer dans ma chambre après avoir frappé.

- Bonjour Camille, comment te sens-tu ?

- Ça peut aller, réponds-je d'un ton nettement moins joyeux que lui.

Il dépose une petite bouteille d'eau et deux cachets sur ma table encore au dessus de mes genoux. Dans ma tête, je fais trois salto arrière avant de lui baiser les pieds.

Il se rembrunit en constatant que je n'ai pratiquement pas touché à ma nourriture.

- Tu n'as rien mangé.

- Oui, je n'avais pas très faim, justifié-je simplement en avalant mes médicaments.

- Tu as bien dormi ?

- Pas vraiment, mon épaule me faisait trop mal.

Je vois à son expression déconfite qu'il n'avait pas du tout prévu ça.

- Je suis désolé, si cela se reproduit, va voir les infirmiers de garde, ils te donneront des anti-douleur.

Effectivement, je n'y avais pas pensé. Il faut dire que je n'avais pas spécialement envie de revoir Barbie non plus. Mais il est hors de question que je repasse une nuit comme celle là. Cela laisse trop de temps pour penser, et dans mon état ce n'est pas la meilleure chose à faire. Il commence sans tarder le bilan matinal, vérifie que l'attelle à mon épaule n'a pas bougé et écoute ma respiration pour s'assurer que mes poumons vont bien.

Quelqu'un frappe alors que nous sommes en plein débat pour savoir lequel de nous deux est le plus fatigué ; moi en ayant eu accident et passé une nuit abominable, ou lui en étant interne depuis deux ans dans cet hôpital.

Chacun argumente et défend son point de vue, mais madame Dupuis entre avant que nous n'ayons le fin mot de l'histoire. Elle nous salue poliment, me demande même comment je me sens avant de réquisitionner Thomas pour une discussion. Ils vont bien évidement dans le couloir, à l'abri de mes oreilles indiscrètes.

Collision//ZMOù les histoires vivent. Découvrez maintenant