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Nous sommes installés à la petite table, devant le mobile home, pour le dîner. Depuis le début des vacances, c'est toujours la même nourriture : celle qui se cuit sur le barbecue. Au gaz, c'est quand même plus rapide.

– C'est normal ce qu'on fait ?

Alexis et moi ne sommes pas surpris. Nous savions que cette question allait surgir à un moment. Quand nous n'étions que tous les deux, nous nous sommes aussi interrogés sur la « normalité » de la masturbation entre potes.

– Vous pensez que d'autres font la même chose ?

– Tu sais, Fabien, il existe des sites pour mettre en relation des hommes qui ont envie de partager ce plaisir.

– Pas étonnant.

Effectivement, sur Internet on trouve de tout et pour toutes les pratiques.

– Vous êtes déjà allés sur ces sites ?

– Oui, on a fait venir des mecs à l'appartement pour être à trois ou quatre.

– C'est quel type de profil ?

– Pas mal de jeunes de nos âges.

– Beaucoup qui, durant l'adolescence auraient bien voulu partager leur masturbation avec des potes mais qui n'ont jamais osé demander.

– C'est un peu le problème. Dès que ça touche au sexe, on hésite à en parler librement. Souvent, les mecs du même groupe de potes ont cette envie et ne le font jamais, juste parce qu'ils n'osent pas aborder le sujet.

Je ne suis pas sûr que notre explication rassure vraiment Fabien. Quelque chose d'autre le gêne soudainement, laissons-le venir.

– Il y a aussi des mecs plus âgés.

– Qui sont mariés, ou en couple. Qui parfois ont des gosses.

– Pas possible !

– La masturbation est une sexualité à part entière.

– On la pratique même quand on est en couple, parce que c'est un plaisir particulier.

– Comme ces hommes ne peuvent pas vraiment trouver un moment pour se faire plaisir, ils cherchent un endroit où se satisfaire.

– Comment se passent vos séances ?

– Certains sont déjà habitués et viennent, à l'aise, se foutent à poil et on se lance.

– Pour d'autres c'est plus difficile. Il y a un gouffre entre avoir un fantasme et le réaliser. Dans les échanges de mails ou de SMS ils sont chauds, mais une fois sur place ils se bloquent.

– Heureusement, vous êtes experts pour décoincer les autres.

Alexis et moi échangeons un sourire.

– Ce n'est pas vraiment un don ou quelque chose qui s'apprend, il faut juste respecter l'autre.

– On ne force jamais personne. On se met sur le canapé, on lance un porno et plus l'excitation monte, plus les vêtements tombent.

– Il y en a qui n'y arrivent pas ?

– Une seule fois, un mec qui n'a pas réussi à franchir l'étape de la nudité complète. Il est parti.

– On ne lui en a pas voulu, évidemment, chacun ses limites.

– Vous les caressez tous ?

– Pas forcément. À la base, le principe de la branle entre potes est que chacun s'occupe de ce qu'il a entre les jambes, sans interagir avec les autres.

– Mais finalement, beaucoup aiment toucher et se faire toucher.

– Ce sont des homos refoulés ?

Fabien a baissé les yeux en posant cette question. Malgré toutes ses récentes découvertes, avec nous, le sujet reste sensible.

– Non, d'ailleurs on ne fait pratiquement jamais venir des gays.

– Pourquoi ?

– Parce que sous le prétexte de la branle entre potes, ils veulent toujours plus.

– Vraiment ?

– C'est pas évident de déceler que le mec est homo, c'est pas écrit sur sa tronche. Mais c'est arrivé plusieurs fois qu'un invité penche la tête pour essayer de nous sucer.

– Vous...

– Non, on n'a pas laissé faire. Ce qu'on aime, c'est la masturbation.

– Vous faites quand même d'autres choses ?

– Rarement. Je crois que, pour l'instant, à ce stade de nos vies, la sexualité qu'on préfère c'est de se masturber.

Fabien baisse à nouveau les yeux. Il sait qu'il peut tout nous dire, mais sa timidité est parfaitement compréhensible. Son éducation a érigé toutes les questions concernant le sexe en tabou. C'est compliqué de se défaire des habitudes qu'on a contractées et des préjugés qu'on a dans la tête.

– Tu te demandes si t'es gay.

– On ne diffuse plus de porno, donc on s'excite mutuellement.

– Parce qu'on a envie de se soulager.

– Mais je bande en regardant deux mecs à poil !

– C'est la situation qui est excitante. Tu as envie de nos corps ?

– Je...

– Tu as envie de toucher, de lécher, de prendre en bouche ?

– Non.

– On partage juste nos masturbations.

– Mais quand vous me pincez les tétons et me caressez les couilles, je prends du plaisir.

– Normal, la main de quelqu'un d'autre c'est toujours plus excitant.

– Je ne sais plus quoi penser.

– Si tu veux arrêter, tu nous le dis, y a aucun problème. Et nous on se fera plus discrets.

– Non, j'adore ces moments. C'est juste que, du coup, je découvre la sexualité avec des partenaires... hommes !

– Disons que tu expérimentes des trucs d'ado avec un peu de retard. Nous on a commencé en pleine puberté.

– Et faut voir le bon côté des choses. En moins de quinze jours tu as perdu ta pudeur.

– Tu es prêt pour d'autres formes de sexe.

Fabien se contente de sourire.

– Désolé pour mes questions, elles sont connes.

– Pas du tout, on s'est posé les mêmes.

Il semble un peu rassuré. Il aime ce que nous faisons, mais sa préoccupation essentielle est bien de savoir si cela fait de lui un gay ou non. Personnellement, je ne pense pas, la masturbation entre potes peut être expérimentée par tous...

Trois amis - Été 2022Où les histoires vivent. Découvrez maintenant