Chapitre 27

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C'est perturbant de vivre comme ça. Depuis qu'Ethan est rentré, nous vivons ensemble, mais comme des étrangers. Nous nous adressons à peine un regard, nous dormons séparément et chacun vaque à ses occupations. J'ai plusieurs fois essayé d'engager la conversation, mais Ethan les a toutes balayés de la main comme un insecte insignifiant. J'ai fini par me dire que ce n'était pas plus mal, si personne ne parle, il n'y a pas de raison que l'on se blesse de nouveau. La voiture sombre d'Ethan traverse silencieusement la ville, à cette heure, il y a peu de circulation. Une musique de fond permet de rompre le côté sordide du voyage. Ethan a les yeux rivés sur la route, plongé dans une concentration imperturbable. Le reste du groupe nous attend, d'après le chanteur, nous devons parler affaires. Toujours à cheval sur les bonnes manières, Ethan m'ouvre la portière et me laisse passer devant lui quand il faut rentrer quelque part. C'est en quelque sorte le seul contact que nous gardons, les bonnes manières. Mon cœur se serre un peu quand nous arrivons au studio. Je sais que le malaise entre nous est palpable, je le vois dans les yeux de mes amis. Tout le monde essaie de faire comme si de rien n'était, mais c'est plus compliqué à appliquer qu'à imaginer.

- Alors, de quoi devons-nous parler ? Demande Ethan un peu agacé.

Damiano se racle la gorge, visiblement mal à l'aise d'avoir le rôle de déballer la nouvelle.

- Une nouvelle tournée, souffle-t-il en posant ses yeux sur moi.

- Quand ça ?

Victoria se raidit un peu.

- Dans cinq mois, aux états-unis.

Ethan stoppe son mouvement pour faire face au chanteur qui vient d'annoncer la nouvelle.

- Les USA ? Répète Ethan pour essayer de se convaincre.

- On ne pense pas accepter.

- Pas accepter ! Mais enfin pourquoi ? S'offusque le batteur.

Les trois autres membres du groupe se raidissent, moi aussi en comprenant pourquoi.

- Ethan...

Thomas semble en colère et en même temps offensé en prononçant le nom du batteur.

- Le bébé, je murmure, il est censé arriver dans cinq mois.

Cette fois, c'est Ethan qui se fige. Je vois sa mâchoire se tendre. Je me sens affreusement mal. Je me sens affreuse de briser le rêve d'Ethan à cause d'une de mes erreurs.

- Ce n'est pas grave, je déclare en me cramponnant au fauteuil, partez quand même c'est une chose que vous ne pouvez pas rater.

Victoria s'apprête à me reprendre mais c'est Ethan qui la devance.

- Dis pas de bêtises, Evy.

Tout le monde se mure dans le silence. On pourrait entendre les mouches voler.

- Merde ! S'emporte Ethan en abattant son poing dans sa batterie.

Tout le monde à un mouvement de recul tandis qu'il continue de jurer en italien pour finir par se prendre la tête entre les mains.

Est-ce de la peur ? De la colère ? Entre les mains d'Ethan, j'aperçois son visage blême, son regard noirci par l'émotion. C'est Thomas, par compassion, qui pose une main sur l'épaule de son ami qui se redresse presque instantanément. Pris d'un élan, Ethan s'avance vers moi avec une intention que je ne lui reconnais pas. Je place instinctivement un bras sur mon ventre, je détourne un peu la tête, prête à subir sa colère. Il plante ses deux mains sur les accoudoirs du siège, m'obligeant à lui faire face.

- Ne suppose plus jamais que tu es moins importante que le travail, murmure Ethan tout tremblant.

Je respire de nouveau, incapable de saisir les intentions de ses paroles. Son visage baissé est à quelques centimètres de mon épaule, je sens son souffle chaud à travers les mailles de mon pull.

Sotto il sole di RomaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant