Retour en enfer

10 0 0
                                    

Adam se retrouve face à la porte d'entrée de l'appartement où il vit. Il n'a jamais considéré ce lieu comme son chez-soi, ou en tout cas il a arrêté de le penser, car cet endroit serait plutôt son enfer, et il y a probablement derrière cette porte le diable qui l'attend pour continuer sa punition, sa torture. Il n'a jamais pensé à fuir, ou à même en parler, car il se pensait incapable de vivre de lui-même, et même si cela était possible, qui sait ce qui se passerait si son père le retrouvait. Il préférait jouer la sécurité, ne pas prendre de risques, vivre dans le relatif confort de l'habitude. Mais l'attaque de Nathan a installé le doute dans sa tête. Peut-être qu'avec le Pandemonium, il pourrait vivre, libre. Mais cela signifierait aussi renoncer à sa morale, pour réaliser n'importe quelle mission. Serait-il heureux de cette manière ? Non, il ne le serait pas, il ne peut pas penser à agir de manière égoïste, il ne peut pas se permettre de faire du mal aux autres pour son propre "bonheur".
Adam s'est aussi rendu compte d'autre chose, la personne qui avait mis le bazar au fast-food lors de son éveil lui en veut toujours, et il veut également s'attaquer à Eva.

D'habitude, j'aurais laissé couler. Mais là, ça concerne Eva, et je fais ça uniquement de manière 100% platonique, parce qu'elle ne possède pas de Doppelgänger et ne peut donc pas se défendre. Je peux pas être tout le temps avec elle, c'est littéralement impossible. Il doit traîner au Pandemonium, je vais régler mes comptes avec lui, il ne doit pas être très fort, j'avais déjà un certain avantage la première fois et je suis devenu meilleur entre temps. Non, je ne dois pas devenir arrogant parce que j'ai battu un débutant. Ce mec, quel que soit son nom, doit avoir bien plus d'expérience que moi. S'il faut, c'est même un patron de mafia ou quelque chose du genre. Il faut que je m'entraîne.

Adam décide alors qu'il demandera à Samuel demain s'il peut l'entraîner. Mais d'abord, il doit survivre à l'enfer. Survivre, comme d'habitude. Il sonne enfin. Sa mère ouvre la porte.
Elle engueule Adam :
- Comment ça se fait que tu rentres à cette heure-ci ? Pourquoi tu ne répondais pas à nos appels et à nos messages ? On se faisait du souci pour toi tu sais ?

Alors si tu pouvais te faire un peu plus de souci dans des moments où je risque vraiment ma vie ce serait cool. Sinon comment vous expliquer que quelqu'un m'a envoyé dans une dimension parallèle pour m'assassiner ? Ah bah nan je peux pas vous expliquer, putain de merde. J'ai carrément oublié de parler de toute l'histoire avec Léa à Eva d'ailleurs, fait chier.

Adam répond d'une voix monotone, comme programmée, comme s'il récitait juste un texte appris par cœur :
- J'ai pas vu. Mon téléphone est en silencieux, tu devrais le savoir depuis le temps.
- À quoi il te sert alors ? On pourrait très bien te l'enlever, si je comprends bien ?

Adam ne pouvait plus perdre cet affrontement verbal, car s'il perd, il perd son seul moyen de communication avec Eva, principalement pour lui expliquer pourquoi Léa est dans un laboratoire top-secret pour se faire examiner, et en aucun cas car il aime tout simplement lui parler de tout, de rien, mais surtout de rien.
Cependant, le combat qui était en train de se dérouler était bien plus difficile que n'importe quel combat contre un Doppelgänger, car Adam ne possède pas de condition de victoire. En effet, la mère d'Adam, plus têtue encore que son fils, ne possède pas de notion d'objectivité ou d'esprit critique dans sa fiche de personnage.

Mais au moment où Adam allait répondre, sa mère lui dit que ce n'est pas grave, et que dans tous les cas, le dîner était prêt, qu'il devait poser ses affaires et venir.

Adam s'installe alors à table. L'ambiance est digne d'un enterrement. Tout le monde savait ce qu'il s'était passé plus tôt dans la journée, tout le monde avait entendu, mais personne ne voulait en parler. Ou plutôt, personne ne devait en parler.
Pour Adam, cela ne changeait rien, car il ne conversait jamais avec sa famille de manière générale. Il ne voulait pas leur parler, il n'en avait aucun intérêt. Son esprit était même de plus en plus décidé à simplement effacer leur existence de sa réalité, il les tolérait uniquement parce qu'ils lui servaient de domestiques, lui donnant de quoi vivre. Il n'aimait pas plusieurs membres de sa famille, notamment sa tante hypocrite, qui faisait semblant de l'apprécier, mais Adam, et toute la famille, savait qu'elle parlait mal de lui dans son dos. Elle crachait sa haine teintée de jalousie, essayant de le rabaisser dès qu'elle le pouvait, tout ça parce que ses enfants "n'étaient pas aussi bien que lui". Il y avait aussi une énorme partie de sa famille élargie avec laquelle il était mal à l'aise en leur présence, tout simplement car il ne les connaissait pas. Il ne leur parlait pas, non pas parce qu'il ne le voulait foncièrement pas, mais plutôt parce qu'il n'avait rien à leur dire. Il y avait seulement ce cousin, qu'il aimait bien mais qu'il ne voyait plus, habitant loin. C'est ce dernier qui a initié Adam aux jeux vidéo très jeune, dès l'âge de trois ans. Il avait déjà remarqué les réflexes exceptionnels d'Adam, comme s'il ne vivait pas dans la même temporalité que le reste du monde. Les deux aimaient surtout jouer à des jeux de combat ensemble, Adam avait à cette époque, pendant la primaire, un fort esprit de compétition, prenant chaque occasion de montrer qu'il était le meilleur, et son cousin était curieux de voir jusqu'où le niveau d'Adam pouvait aller. Ils étudiaient même leurs personnages ensemble afin de s'améliorer lors du goûter, ou lorsqu'ils avaient tellement joué que les parents les forçaient d'arrêter. Mais tout ça changea quand le cousin d'Adam déménagea à l'autre bout de la France entre le CM2 et la 6e. Ils ne se voyaient plus, ne jouaient plus, le jeu en ligne n'étant pas répandu et le père d'Adam refusait, de toute façon, catégoriquement cette fonctionnalité. Même les appels ont commencé à se faire de plus en plus rare. Jusqu'à ce qu'il y a environ quatre ans, plus rien, silence radio. On dit à Adam que son cousin est trop plongé dans ses études pour donner des nouvelles, sans savoir lesquelles, car quand ils ne parlaient pas d'école ou d'études quand ils se voyaient encore, uniquement de jeu. Alors depuis, il a arrêté d'espérer. Il savait déjà qu'on ne lui donnait que des excuses, sans comprendre cependant la raison.

Mein DoppelgängerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant