7. ~Ranpo~

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-Et si l'on passait maintenant au cœur même de l'Agence ? Ranpo-kun, c'est ton tour !

Le brun ne flancha pas, se contentant de garder un visage neutre, vide d'expressions afin que l'homme ne puisse point s'en servir pour les retourner contre lui, tel une arme dont il prendrait sans peine le contrôle pour retourner le canon contre celui qui tendait le bras, pistolet en main. Il avait observé minutieusement sa technique d'intimidation, tel un chevalier espionnant l'ennemi pour se préparer avant la bataille.

-Pour ta part, j'espère que le plus grand détective du monde saura deviner son propre vœu, le nargua Yoshida, reconnaissant l'égo du brun comme l'un de ses points faibles et cherchant à l'atteindre..

-Je sais très bien ce qu'est mon souhait le plus cher, mais je n'ai pas envie de t'en parler, vois-tu ? Le plus grand détective au monde a bien d'autres choses à faire, débrouille-toi seul pour chercher tes informations.

Ranpo fit tourner sa chaise sur elle-même, comme pour se soustraire au regard inquisiteur qui semblait le brûlait. C'était toujours lui qui menait les débats d'ordinaire, posant les questions et poussant les autres dans leurs derniers retranchements afin de leur en tirer des aveux. Mais cet homme se jouait de lui, le manipulait sans aucune difficulté.

Les mots tournaient dans sa bouche sale qu'il rêvait de cloître, dissimulant leurs sens derrière une barrière qui les enjolivait, leur donnait une belle consonnance, les faisait résonner de leur écho clair et limpide aux oreilles de ceux qu'il rêvait de charmer.

Rien chez cet inconnu n'appelait à la méfiance, que ce soit son corps mince et frêle qu'il semblait si aisé de vaincre, de dominer. Ou encore de cette fumée éparse recouvrant sa peau pâle qui était de nouveau dissimulée aux yeux des détectives, ce brouillard que tout un chacun rêvait de disperser d'un simple souffle de voix, d'insultes criées.

Yoshida les mettait à nus, leur lançait la vérité à la face tel un claque, un baffe méritée reçue de nos parents pour nous disputer après une bêtise. Ranpo blêmit soudain, tandis que le visage de l'homme se tordait. Il était entré dans son cœur, dans son jardin intime, avait souillé le parterre de ses pensées de sa présence ingrate.

-Ne m'en veux pas de sonder ton âme alors que tu m'y as toi-même invité, cher détective, ricana-t-il, son corps pourvu d'un soubresaut. Et si l'on jouait un peu ?

Mais Ranpo n'avait aucun envie de prendre part à ce jeu dont l'homme était très clairement le maître. Il manipulait les cartes, changeait les règles au cours de la partie, influençant les résultats pour les tourner à son avantage. Il était pris au piège, alors il fit la seule chose qui lui permettait de garder un semblant de main mise sur la situation : il attrapa ses lunettes et les percha au bout de son nez aquilin encadré de ses yeux émeraudes si profonds.

Son interlocuteur se sentit presque honoré d'avoir droit à cette lueur verte perçante qui n'était offerte qu'aux plus puissants et redoutables adversaires du brun. Il considérait avoir déjà à moitié triomphé de l'amateur de sucrerie grâce à cela, s'amusant de sa détresse si enfantine, se délectant des tremblements de ses mains qu'il cacha sous sa veste pour ne pas avoir l'air trop affecté.

-Tu as plusieurs souhaits, comme tout le monde... mais ils sont pour la plupart liés entre eux. Et si je te les listais, et que tu devinais lequel d'entre eux est le plus important pour toi ? sourit-il.

-Je ne pense pas pouvoir refuser de toute façon, grommela l'autre d'un air boudeur.

-Hum... le premier serait d'être reconnu comme le détective le plus puissant du monde, n'est-ce pas ?

-MAIS JE LE SUIS DÉJÀ ! protesta le brun.

-Pas aux yeux de tous. Tu voudrais être reconnu à ce que tu considères comme ta vraie valeur, mériter le respect des autres... un peu barbant comme vœu, tu n'as pas mieux en stock ?

Malédiction ~Bungou Stray Dogs~Où les histoires vivent. Découvrez maintenant