[♥]

37 7 0
                                    

Alec

Je n'arrive pas à dormir, comme d'habitude. Mes insomnies ne datent pas d'hier, mais elles me fatiguent toujours autant que gamin. Je crois qu'elles ont commencé à se manifester le jour où j'ai failli me noyer en cours de piscine à l'école primaire et qu'une petite fille à la chevelure de feu, m'a repêché à temps. Son visage avec ses joues pleines et ses grands yeux chocolat me hante encore, et c'est dur de faire taire les battements de mon cœur qui n'en finissent jamais de pulser. C'est à cause — grâce — à elle que j'ai commencé à dessiner mes premiers croquis et par la suite, à créer mes premières peintures.

J'ai dû faire une série de dessins dédiée à son regard, l'expression de peur qui s'est reflétée dans ses yeux écarquillés ce jour-là. Ses bras frêles et son petit corps tremblaient tout contre le mien. Les sensations sont juste au bout de mes doigts, même plus de dix ans après.

Le petit garçon que j'étais, est amoureux de cette petite fille depuis les premières secondes où son regard a vraiment croisé le sien. Avant ce jour fatidique, elle n'était qu'une inconnue, une camarade de classe qui ne comptait pas vraiment. J'aurais préféré qu'elle le reste, puisque le petit garçon est devenu grand, mais son cœur est resté le même. Les sentiments en vrac et dirigés vers elle.

Comme à mon habitude, je vais peindre toute la nuit. Cette fois-ci, c'est un paysage qui apparaît dans ma tête. Le bord d'une piscine où le reflet du soleil caresse la surface de l'eau. Il y a une ombre à l'intérieur de ce grand bleu, qu'on ne reconnaît pas. On la distingue seulement. C'est comme si elle était aspirée au fond, le souffle le court, le corps tout mou.

Je me souviens encore de la panique que j'ai ressentie et la pression directement exercée sur mes poumons.

Soudainement, on toque à ma porte. Pas besoin de dire quoi que ce soit, je sais qui se trouve au pas de ma chambre : Liam. Dans notre trio légendaire, c'est lui le plus émotif. Il reconnaît les signes de mes inquiétudes et tente par tous les moyens de m'apaiser. Ce depuis qu'on est petit. Depuis que notre amitié a commencé.

— 'lut !

Je lui fais un signe avec mon pied, puisque mes deux mains sont prises. L'une tient un fusain et l'autre, ma palette. Je l'entends rire avant de s'asseoir sur mon lit. On reste un moment silencieux avant qu'il ne prenne la parole.

— C'est quoi le thème ce soir ?

Il parle de ma peinture.

— Rien de très gaie.

— Quoi précisément ?

Ah, un autre truc sur Liam, il nous fait beaucoup sortir de nos retranchements quand il veut qu'on exprime nos sentiments. Il est comme un exutoire.

— C'est très bleu.

C'est tout ce que je suis capable de lui répondre, parce que ma cage thoracique commence à me faire mal, à cause de la vilaine sensation d'oppression que je ressens à l'instant. Ma respiration s'accélère légèrement, mais heureusement pour moi, mes mains sont pleines. J'ai appris très vite, moi aussi, à voir les signes.

Tout de suite, je ferme les yeux.

— Ton cœur bat toujours, Alec, affirme Liam.

Quelques secondes plus tard, je sens sa main sur ma poitrine, qui me réchauffe. Je choisis ce moment-là, pour ouvrir les yeux. Mon meilleur ami me sourit, une mèche de ses cheveux effleurant son front.

— Tu es toujours avec nous.

Je hoche la tête, parce qu'il a raison.

— Quel mood ce soir ?

Je souris à mon tour, parce que c'est notre question favorite et vitale, depuis petits.

— Le vrai ou le faux ?

Je connais déjà sa réponse.

— Te fous pas de moi, abruti.

Je prends une inspiration. Mon souffle est redevenu normal.

— Ça continue de me hanter, donc un peu compliqué.

Liam grimace, tout en reprenant une posture droite. Il est assis sur mon bureau, juste à côté du coin peinture, près des baies vitrées. J'ai l'impression qu'il est venu pour une raison bien sérieuse. Mon cœur palpite dans ma poitrine.

— Jeudi soir, on a de la visite. Enfin plutôt Marty.

Je fronce les sourcils. Ma main se resserre un peu sur mon fusain.

— Angy vient ici ?

— Non... plutôt Clémentine.

Je déglutis difficilement. Pourquoi elle viendrait ici ? Elle n'a rien à faire ici, à moins qu'elle ait enfin réussi à mettre le grappin sur Marty. Je le croyais plus inaccessible que ça. Mais il faut dire qu'à la soirée, c'est lui qui a commencé à venir vers elle.

— J'ai entendu dire qu'ils étaient ensemble pour le grand projet des dernières années des AWP.

Je reste silencieux pendant longtemps. Trop longtemps, d'après les traits soucieux du visage de Liam, et c'est ce qui me trahit. C'est toujours ce qui me trahit avec elle : mon silence. Je n'ai pas l'habitude de la boucler, mais plutôt de répliquer. Seulement, cette information a fini par me couper le souffle sur le moment. De toutes ces années, ils ne se sont pas adressé la parole et maintenant, voilà qu'ils font un projet ensemble, comme s'ils étaient amis depuis toujours. Ça me gêne. Surtout avec le retour d'Angy en perspective.

— Mec ?

Liam me sort de mes pensées, en posant sa main sur mon épaule.

— Tu veux qu'on sorte ce soir-là ?

Je plisse les yeux, tout en imaginant Clémentine pénétrer à l'intérieur de notre maison. Bientôt, un sourire s'esquisse sur mes lèvres. Quelle sera sa surprise en me voyant ici, alors qu'elle pense sûrement être tranquille avec Marty ? Quel plaisir pour moi.

J'avoue qu'on pourrait me prendre pour un sadique, mais la provoquer, c'est plus facile pour moi, que d'éprouver beaucoup trop fort à son encontre.

C'est pour cette raison que j'esquive la proposition de Liam, tout naturellement. Il hausse les sourcils, la mine un peu plus renfermée.

— Tu te fais du mal, et...

Il ne finit pas sa phrase, mais je sais parfaitement ce qu'il veut dire. Il en souffre tout autant que moi, et au fond, je me sens comme un minable. Malheureusement, c'est la seule chose que je connais pour être près d'elle.

— Bonne nuit, mec.

— Bonne nuit, poussin.

Liam rit.

— C'est plutôt toi le poussin ! Regarde-toi.

— Je ne fais que ça, quand je ne sais pas quoi faire, je plaisante.

— Tu m'éclates le bide avec tes mots.

— Je préfère t'éclater le bide que de te faire de la peine.

Mon meilleur ami comprend tout de suite que je m'excuse pour mon comportement envers Titi, qui l'affecte aussi. Il se contente de hocher la tête, avant de refermer la porte derrière lui.

Moi, je continue à avancer sur ma peinture.

*********

Coucou !! J'espère que vous allez bien ?

Alors comment avez-vous trouvé ce chapitre ? Le fait qu'on s'introduit, cette fois-ci, à l'intérieur des pensées intimes d'Alec, vous a-t-il plu ? N'hésitez pas à me laisser des commentaires pour que je puisse connaître vos ressentis, face à ce nouveau point de vue. Merci pour votre soutien ! :)

Bisous.

Bad CrushOù les histoires vivent. Découvrez maintenant