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Le paysage de campagne défilait devant ses yeux. Remus Lupin, le front collé à la vitre, ne le regardait pas. Il s'était isolé dans un coin sombre d'un couloir du Poudlard express, après la réunion des Préfets. Celle-ci avait duré plus qu'à l'accoutumée car la nouvelle Préfete-en-chef avait voulu revoir, points par points, certains articles du règlement. Remus sourit en repensant aux éclairs lancés par les magnifiques yeux verts quand le Préfet de Poufsouffle avait émis la volonté d'abréger la réunion pour qu'il puisse rejoindre sa petite amie. Le malheureux ! S'attirer les foudres de Lily Evans n'était pas une idée brillante. Et, par sa faute, la session avait duré encore plus longtemps car elle l'avait sermonné sur le rôle exemplaire q'un préfet avait à jouer !

Mais Remus ne se plaignait pas. Cela lui avait permit de s'éloigner du compartiment qu'il partageait avec les autres maraudeurs. Ce n'est pas qu'il n'aimait pas leurs compagnies. Ils étaient ses meilleurs amis, les seuls qui ne l'avaient pas abandonné quand ils avaient appris pour sa lycanthropie. Ils étaient même devenus des animagi pour pouvoir être avec lui et l'aider durant les nuits de pleine lune. Oh oui ! Il adorait ses amis : James et sa chevelure indomptable, Peter et ses bonbons dans les poches, Sirius et son éternel sourire moqueur. Sirius... Voilà ce qu'il fuyait ! Deux yeux gris qui le poursuivaient, même dans ses rêves (« surtout dans mes rêves », pensa-t-il). Car il avait découvert cet été qu'il ne pouvait s'empêcher de penser à son meilleur ami, nuit et jour.

Il s'était rendu compte qu'il était amoureux de Padfoot quand ce dernier était venu passer une dizaine de jours chez lui, durant les vacances. Les Potter étaient partis visiter de la famille dans le Nord et Sirius n'avait pas voulu les déranger (il habitait chez eux depuis qu'il avait claqué la porte de la demeure familiale, l'année précédente). Dès que Remus l'avait vu surgir de la cheminée, il avait dû admettre que son ami lui avait terriblement manqué. Le vide qu'il ressentait depuis son retour de Poudlard était considérablement rempli par sa présence.

Dix jours passés seuls avec Padfoot : dix jours de bonheur mais aussi de souffrance. Il était ravi d'avoir son ami pour lui (« rien que pour lui ») mais il savait que ses sentiments ne seraient jamais partagés. Sirius est hétérosexuel. Il lui avait à nouveau prouvé en lui parlant constamment d'une certaine Jill Baddock, une serdaigle de leur âge. Elle lui avait tapé dans l'œil mais ne semblait pas s'intéresser à lui. Ce qui le rendait fou car peu de filles (voire aucunes !) lui résistaient. Le jeune Black avait un charme naturel et il faisait peu d'efforts pour séduire. Il lui suffisait d'un sourire, d'une parole gentille et la fille était à ses pieds. Mais cette Jill était différente. Très belle, elle était aussi très populaire. Elle était sortie avec peu de garçons car elle ne choisissait que les meilleurs, généralement plus vieux.

Pour le malheur du lycanthrope, Sirius lui avait demandé de l'aider à conquérir la belle. Et, bien sûr, Remus avait accepté.

Son ami ne savait pas qu'il était homosexuel (James et Peter ne s'en doutaient pas non plus) et il était loin de deviner que pour Remus ce « oui » fut très douloureux à prononcer. Depuis, le jeune loup-garou essayait de recoller son cœur brisé. Il avait été attristé et soulagé par le départ de son ami. Il avait ainsi pu se libérer d'un poids. Mais revoir Sirius sur le quai avait ravivé sa douleur. Il avait accueilli la réunion comme une délivrance salvatrice.

Jugeant que son isolement avait assez duré, Remus se dirigea vers le compartiment des maraudeurs.

« S'ils se rendent compte que la réunion a terminé il y a plus d'une heure, ils se dépêcheront de venir à ma rencontre, redoutant un piège des serpentards ».

Quand il l'atteignit ; il put entendre la voix grave et mélodieuse de Padfoot. Il parlait d'une manière séductrice, bas, sans que Remus ne puisse comprendre à qui il s'adressait.

« Il ne peut pas parler comme ça à James ou à Peter », pensa-t-il.

En regardant par la vitre de la porte du compartiment, il vit ses amis accompagnés de jeunes filles. Il se figea quand il reconnut Jill. Cette fille était réellement très belle avec ses boucles blondes, ses grands yeux verts et sa bouche mutine. Il ne pouvait détacher son regard de la scène se déroulant devant lui : à côté de Jill, se trouvait un Sirius souriant et charmeur, un bras passé nonchalamment autour de ses épaules et lui susurrant des mots à l'oreille. Ce devait être drôle car il vit la Serdaigle étirer sa bouche en un sourire éclatant. Les deux jeunes gens étaient si proches que Remus doutait que son ami ait encore besoin de son aide.

« C'est dans la poche, Paddy ! », pensa-t-il amèrement.

Entendant du bruit dans le couloir, Remus sembla sortir de sa torpeur. Il se rendit compte qu'il avait l'air d'un voyeur dans cette position. Mais il ne pouvait pas (et ne voulait pas) entrer dans le compartiment. Ne pensant plus à l'inquiétude de ses amis (qui avaient d'ailleurs l'air d'être trop occupés pour s'alarmer), il fit marche arrière.

Il trouva un compartiment quasi vide. A l'intérieur, il n'y avait qu'une jeune fille qui lisait un livre sur les potions.

« Bonjour, dit le Préfet, puis-je m'installer dans ce compartiment ? »

La fille le regarda interdite, surprise que quelqu'un se soucie de son opinion. Mais elle connaissait Remus Lupin, le préfet de Gryffondor et sa gentillesse légendaire. Elle lui souria timidement et balbutia :

« Oui, bien sûr. Installe-toi ! »

Elle n'essaya pas d'engager plus loin la conversation, sentant que cela arrangeait son nouveau compagnon.

Remus, soulagé par cette attitude, s'installa près de la fenêtre et reprit son occupation première : regarder le paysage défilé sans réellement le voir.

Sirius & remus- Empty Happy Song Où les histoires vivent. Découvrez maintenant