Chapitre 2

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J'entre dans le bureau en manquant de me cogner la tête contre l'encadrement de la porte. Parfois, je me fais la réflexion qu'être grand peut être sacrément chiant. Marc, qui a remarqué ma chute manquée, m'adresse un sourire railleur. Il perd rien pour attendre ce couillon. Garry Murray, vêtu d'un costume de bureaucrate propret qui jure avec nos tenues décontractées serre la main de Marc et me salue d'un signe de tête avant de nous inviter à prendre place sur les fauteuils et d'aller lui-même s'asseoir derrière son bureau. La pièce est terne, mal éclairée et le bureau bancal mais l'endroit semble très bien entretenu malgré cette affreuse moquette beige tâchée de café. L'unique objet de décoration qui orne la pièce est un cadre photo sur le bureau et une plante qui meurt tranquillement en dessous de la fenêtre.

Garry Murray est ridiculement petit et souffre visiblement d'un gros complexe de supériorité. Un comble. Le dossier de son fauteuil est imposant et je devine qu'il l'a enchanté pour paraître plus grand que ses clients lorsqu'il s'assoit dessus. Je ricane ouvertement de satisfaction. Même avec son tour de passe-passe, il ne me dépasse pas. Le mec m'ignore et je devine que Marc est également amusé par son manège.

— Alors, messieurs, qu'est-ce que je peux faire pour vous ? commence Garry Murray.

Marc se redresse et lance un regard perçant au gratte-papier.

— Je souhaiterais implanter mon entreprise d'électronique sorcière en Irlande. Je suis à la recherche de locaux assez grands où nous pourrions gérer la production, le management et le marketing.

— Hum... je vois ici que vous êtes Anglais, dit-il après avoir consulté une fiche sur son bureau en mélaminé. Pourquoi choisir l'Irlande ? demande l'autre gringalet par-dessus ses lunettes.

J'aime pas du tout son air condescendant. J'ai envie de lui mettre une droite. Je souffle un grand coup par les narines. On dirait que je grogne. Le fonctionnaire tique mais ne m'accorde pas un regard, comme agacé.

— Vous savez pourquoi, répond Marc d'une voix mielleuse qui ne trompe personne.

— Je vois. Encore un opportuniste qui veut profiter de l'absence de taxes, fait Murray avant de balancer ses pieds sur son bureau.

— Pardonnez mon impolitesse, commencé-je impoliment, mais l'Irlande n'a-t-elle pas choisi d'éradiquer ces taxes pour inciter les entrepreneurs à investir ici ?

Les oreilles de Garry Murray commencent à rougir. Il daigne enfin m'accorder son attention.

— Et vous êtes...?

— Ici pour vous convaincre, je finis avec un rictus qui ne laisse pas de place à l'imagination.

Ma patience a des limites et je sens que Garry Murray meurt d'envie de connaître les miennes. Quel abruti.

— Si vous n'êtes pas partenaire de l'entreprise de votre ami, vous n'avez pas votre mot dans cette conversation, à vrai dire, vous ne devriez même pas avoir le droit de vous asseoir dans ce bureau.

Marc réprime un rire et commence à lorgner sur ses ongles, l'air complètement détendu. Mon sang ne fait qu'un tour. Garry Murray vient d'atteindre les limites. Ouais, elles ne vont pas très loin, je sais.

Plus fort que moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant