Plus fort que moi

Chapitre 6

— Je suis un sorcier.

Mon cœur bat dans ma poitrine si fort qu'il me donne l'impression qu'il va en sortir à tout moment. Mes intestins sont noués et pourtant je me sens soudain plus léger. À fleur de peau, j'ai tout de même l'impression que je vais exploser. Je suis en apesanteur, au bord d'un gouffre et je retiens mon souffle car je sais qu'au moindre mouvement, tout risque de s'écrouler. Norah peut me prendre pour un fou, elle peut me tourner le dos, me détester, m'ignorer. Je suis sur le point de perdre le peu de considération qu'elle avait encore pour moi. Mais je sais qu'elle peut aussi me croire et je décide de me raccrocher à ce tout petit espoir.

Pourtant, je la vois hausser un sourcil suspicieux, plein de doute, de méfiance et de colère. Au moins, elle n'est pas encore partie, je pense pour me rassurer.

— Tu te moques de moi, commente-t-elle avec colère avant d'ouvrir la porte.

J'arrête de réfléchir et j'agis enfin. Je transplane dans un crac juste en face d'elle, sur le perron de Marc. Je vois alors deux choses dans les yeux de Norah : je comprends qu'elle me croit, mais surtout, que pour la première fois, elle me craint. Elle a enfin compris qui j'étais. Ce constat me terrifie.

— Est-ce qu'on peut discuter ? je lance, redoutant sa réponse.

C'est elle qui a l'air effrayé mais elle ne comprend pas qui celui qui doit vraiment avoir peur maintenant, c'est moi. Elle se retourne, comme pour voir derrière elle et tenter de comprendre comment j'ai soudain pu apparaître en face d'elle. Son visage fait des aller et retour entre l'endroit où j'étais et celui où je me trouve maintenant. Elle est confuse. Ma baguette me démange. Peut-être que je devrais l'oublietter finalement.

— Je ne m'attendais pas à ça, dit-elle.

— Si tu as besoin de temps...

J'essaie de me montrer compréhensif mais j'en suis incapable. Je ne veux pas qu'elle prenne son temps pour y penser. Je veux juste tout lui raconter et me soulager de ce poids sur mes épaules.

— Oui. J'ai besoin de temps.

Je hoche la tête en déglutissant et m'écarte du passage pour la laisser partir. Je crois que je n'ai jamais rien fait d'aussi difficile. Ma mâchoire se contracte. J'ai envie de balancer des sortilèges partout à travers la pièce. J'ai envie de laisser libre cours à ma fureur mais je suis piégé dans mon propre corps, piégé par cette nouvelle espèce de conscience que Norah m'a imposée. Je veux vraiment me laisser aller mais je sais que si je le fais, je la perds pour toujours. Alors, pour la première fois de ma vie, je prends sur moi. Je n'avais jamais fait ça pour qui que ce soit avant. Je m'étais toujours dit que je ne le ferais jamais. Mais Norah a débarqué dans ma vie et y a trop semé le chaos pour que je puisse rester moi-même. Ou alors, peut-être que pour la première fois, je m'autorise enfin à avoir des faiblesses.

Lorsque Norah disparaît dans la cage d'escaliers, je rentre à nouveau à l'intérieur de l'appartement et claque brutalement la porte derrière moi. Marc est assis nonchalement dans son canapé, comme si ce qui venait de se produire n'était rien du tout. Ses bras reposent sur le dossier et ses jambes sont étendues sur sa table basse. On dirait qu'il domine la situation. Je suis à côté de la plaque.

— Merlin, c'était putain d'intense.

Je ne réponds pas et viens m'affaler à ses côtés.