Le fantôme au coin de la rue [Terminée]

T

Samedi 05 Octobre.

Axel fixe le plafond. Il est minuit deux. Ça y est, on est samedi. Il ne cesse de repenser à ce premier toucher. Des légères étincelles bleues étaient apparues entre lui et Nyl, et pour la première fois, Nyl lui avait sourit. Seulement avec les yeux: sa bouche n'a pas bougé, mais le gris de ses iris s'était quelque peu illuminé. Axel l'avait trouvé magique, sur ce moment. En soit, Nyl est déjà magique, c'est un fantôme.

Toujours est-il qu'Axel garde obstinément le regard perdu dans le noir. Au début de la soirée, alors qu'il voulait se changer, il avait surpris le regard du garçon fantôme sur lui et lui avait lancé un regard si noir qu'il avait déguerpi sans demander son reste. Nyl était revenu plus tard, après le repas.

-Désolé, avait-il dit.

-Désolé, avait répondu Axel.

Malgré tout, Axel apprécie bien le fantôme. Il est curieux, et après vingt heures, il est bien plus loquace qu'en plein jour. Un fantôme peut-il être fatigué? Axel n'entend pas la respiration de Nyl dans la pièce. Évidemment, puisqu'il est mort. Cette pensée fait frissonner le lycéen. C'est vrai ça, Nyl est mort. Comment? À vrai dire, Axel est partagé: il veut à la fois tout savoir sur le fantôme et oublier jusqu'à son existence au coin de cette rue.

-Nyl? souffle-t-il. Tu dors?

-Je ne dors plus depuis longtemps.

-Donc les fantômes ne dorment pas?

-Non.

Axel se retourne: Nyl luit doucement dans la noirceur de la chambre, son halo bleu l'entourant tel un bouclier. Il est assis en tailleur dans les airs. Bien sûr, rien de plus normal qu'un garçon flou et fluo assis dans le vide dans la chambre d'un lycéen.

-Comment t'es mort? ose demander Axel.

-Je ne me souviens pas.

-Tu ne te souviens de rien?

-Si.

-Alors de quoi tu te rappelles?

-Des yeux marrons-dorés. Mon uniforme. Mon prénom crié par quelqu'un.

-Oh...

-Dors. Il est tard.

-Facile à dire, tu ne dors plus depuis... depuis combien de temps en fait?

-Je ne sais plus. J'ai arrêté de compter le temps au bout de trois mois.

-Compter le temps... Ça se compte, le temps?

Axel rit à la propre stupidité de sa question.

-Ne réponds pas, c'était stupide. Bonne nuit, Nyl.

-Bonne nuit, Axel.

Axel frissonne, mais il ignore pourquoi. Il plonge sous sa couverture et ferme les yeux.

"Et s'il était humain? Ça aurait changé quelque chose?"