1. Quarante huit heures.

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J'entends les chênes du gardien de prison qui s'entrechoquent au rythme de ses pas. Les yeux bandés, les bras attachés, ce son est ma seule distraction.

Je sens une présence se rapprocher de moi, un rire grave, puis celui d'un verrou complexe suivit du grincement de la porte de ma cellule. Je ne sais pas à quoi elle ressemble, ni même où est-ce-qu'elle se situe dans la prison. On m'a endormi avant de m'enfermer dans ce sordide endroit. Et j'avais déjà ce bandeau sur le visage quand je me suis réveillé.

Mais je n'ai pas besoin de mes yeux pour reconnaitre ce chakra; son chakra. La seule chose qui me permet de tenir ici.

-Sasuke, c'est Naruto. Dit une voix emplie de douceur.

Ma poitrine se réchauffe immédiatement. Même sa voix paraît lumineuse.

-Uchiha, t'as de la visite. Tonne la voix de mon geôlier. Tu as cinq minutes de visite petit. S'il bouge un peu trop, appuie sur ce bouton. Ça lui donnera un petit coup de jus.

Sur ce, le gardien rit encore une fois puis s'en va. Il ne referme pas la porte derrière lui. Vu le nombre de ses pas, il ne doit pas être bien loin.

-Je ne l'aime pas du tout celui-là. Dit Naruto en s'approchant d'un pas lent pour venir s'asseoir à côté de moi sur la matelas posé à terre.

Tout de suite, plusieurs grands coups contre la porte se font entendre.

-Deux mètres de distance, gamin ! Ne me le fait pas répéter. Crie le bonhomme.

Je ne sursaute pas. J'ai l'habitude.

Naruto se lève et marmonne.

-Je ne faisais que m'asseoir.

Accompagné d'un soupir, je sens les chênes qui sont reliés à mes bras bouger en un cliquetis métallique.

-J'ai entendu dire qu'ils avaient renforcé la sécurité de ta chambre. Ça ne plaisante pas. Ils ont installé tout un système au mur pour t'arracher les bras si tu bouges trop.

Sa voix trahit sa peine. Mon coeur se serre. Je n'avais pas remarqué et personne ne me l'a dit. Ils ont sûrement dû faire ça pendant la toilette. On me drogue pendant la toilette pour ne pas prendre de risque de tentative d'évasion de ma part. Et je suis exclu des autres détenus. Je n'ai aucun contact humain hormis celui de mon geôlier et de Naruto qui vient me voir de temps à autre. S'il le pouvait, je sais pertinemment qu'il viendrait me rendre visite tous les jours. C'est la seule personne autorisée à me voir. Et en général nos visites ne durent pas plus de cinq minutes. Voire dix si le gardien est de bonne humeur.

-Comment tu te sens ? Demande t-il.

Je ne réponds pas. Comment est-ce-que je me sens ? J'en sais rien. Je me complains dans ma solitude et ce silence qui me rend fou. J'ai faim. Je n'ai pas vu la lumière du jour ou un visage humain depuis six longues années. Je garde la tête baissée, je ne bouge pas d'un centimètre, les menottes me lacèrent les poignées au moindre de mes mouvements, j'ai mal alors j'évite. Sans oublier le fait que mon geôlier se ferait un mâlin plaisir d'appuyer sur la télécommande permettant d'activer mes bracelets de cheville afin de m'électrocuter.

Je crois que la réponse la plus appropriée à sa question serait : Je suis fatigué. Mais répondre ne servirait à rien. Et puis, j'ai la gorge trop sèche pour ça.

Au bout de quelques secondes de silence, Naruto enchaîne d'un timbre plus joyeux.

-Si je suis venu, c'est pour t'annoncer deux super nouvelles ! Tu ne devineras jamais !

Silence.

-Je vais être hokage ! Clame t-il.

J'ai l'impression de reçevoir un coup en plein ventre. Hokage ... enfin. Ton travail a fini par payer, Naruto. Je savais que ton acharnement te mènerait au sommet alors que le miens n'a fait que me conduire dans les abysses de mes ténèbres. Je suis heureux pour lui. Sincèrement. Mon rêve illusoire de devenir le maître de ce village n'entache en rien ma joie d'apprendre cette nouvelle. Il le mérite plus que quiconque. Dommage, je ne serai pas là pour le voir. Il m'a rabâché tant de fois dans les oreilles qu'il allait être hokage et maintenant qu'il est sur le point de le devenir, je ne vais pas pouvoir être présent.

Maintenant que j'y pense, cela veut sûrement dire qu'il sera trop occupé pour me rendre visite. A cette pensée mon cœur se serre. Je vais le perdre lui aussi. L'amertume me gagne.

-La cérémonie aura lieu dans un peu moins d'un mois, mais je commence déjà à prendre mes marques. Beaucoup de tâches qui reviennent à Kakashi me sont déléguées. Pour te dire, j'ai même été à la tête de la réunion avec les autres Kages ! C'était incroyable. J'avais l'impression d'être le vrai Hokage. Shikamaru et Sakura m'ont accompagné, il ne manquait plus que toi.

Sa voix ralentie et descend de plusieurs octaves à la fin de sa phrase. Preuve qu'il comptait vraiment sur ma présence.

-Gamin, il te reste moins d'une minute. Crie le geôlier.

-Merde. Mumure Naruto. Je vais faire vite. Sasuke, ma deuxième bonne nouvelle c'est que

-Trente sencondes. Coupe le gardien.

-C'est que, tu vas sortir de ce trou. Je viens te chercher dans deux jours avec Kakashi.

Même s'il est pressé par le temps, Naruto prends la peine d'articuler et de parler lentement. Comme s'il voulait être certain que je comprenne parfaitement ses paroles.

-Vingt secondes.

-Je t'avais dit que tu me verrais devenir hokage.

Naruto s'approche rapidement, s'accroupit en faisant craquer ses genoux et pose une main sur ma joue. Ma peau semble s'enflammer au même moment.

-C'est l'heure gamin.

N'ayant pas fait de remarque à Naruto pour ce contacte physique, je devine que le gardien doit être adossé au mur  derrière la porte. Suffisament proche pour nous entendre mais avec un angle de vue qui l'empêche de nous voir.

-Courage. Me souffle t-il.

Je suis fouetté par sa douce odeur de fleur d'oranger. Après toutes ces années, il n'a toujours pas changé de gel douche. Mon corps entier frémit. Lorsqu'il retire sa main, cette dernière laisse en son passage une sensation de brûlure alors qu'un vide s'installe en même temps.

Les pas du gardien qui revient se font entendre, Naruto se redresse et recule. Sans une dernière parole, je l'entends qui s'en va emportant avec lui ma seule source de chaleur mais en laissant un pointe d'espoir derrière lui. La porte se ferme en un grincement. A nouveau seul dans ma cellule, je murmure pour moi-même d'une voix rauque qui ne semble pas m'appartenir.

-Plus que quarante-huit heures.

MY GREATEST STRENGTH  [ EN PAUSE ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant