Dans la gueule du serpent

Chapitre 5

Lorsqu'il ouvrit les yeux le lendemain matin, il s'aperçut dès le premier regard que le mage noir était assis à côté de lui. Harry avait l'impression que Voldemort préférait l'avoir sous les yeux en toute situation et il était fort probable qu'il ait passé toute sa nuit à lire sans bouger de sa place.

Il se redressa en grimaçant. Si le baume avait résorbé l'hématome, ses muscles protestaient douloureusement d'avoir été aussi maltraités la veille. Il avait réellement puisé dans ses réserves lors de son combat contre le troll et il sentit que sa marge de manœuvre serait bien plus restreinte aujourd'hui. Il comprenait du même coup les reproches de son mentor à son retour. Tirer sur son corps n'était bon pour personne, même pour un sorcier puissant.

Le Survivant se leva complètement de son lit et remarqua que Voldemort n'était pas en train de lire comme il le pensait mais en train de dessiner. Le mage noir avait encore subtilisé son carnet de croquis et traçait les derniers détails d'un dessin le représentant. Il y était vu de face, habillé avec sa tenue de Mangemort, baguette pointée vers le ciel, un air farouche au visage. En arrière-plan, un dragon dessiné en ombrages crachait des flammes. Harry trouvait déjà le dessin magnifique en soi mais lorsque Voldemort tapota le bloc de feuilles de sa baguette, celui-ci s'anima, jouant en boucle la séquence où Harry invoquait le Feudeymon jusqu'au moment où ce dernier décimait les Sépulturiens. Le mage noir avait réussi à retranscrire dans ses traits la fascination qu'il avait éprouvé à ce moment-là et Harry en resta bouche bée.

- Ouah... C'est classe !

- Un simple sortilège d'animation et un peu d'imagination...

- Je parlais aussi du dessin. C'est plutôt flatteur.

Voldemort leva le carnet à hauteur de ses yeux avec un sourire satisfait.

- Tu étais magnifique à cet instant. Tu irradiais de puissance. Je voulais graver ce souvenir dans ma mémoire.

Il reposa le carnet sur la table et se tourna vers son Horcruxe qui eut l'impression d'être déshabillé du regard. Harry était vêtu d'un simple pantalon de pyjama et il se sentit rougir. Il se détourna un peu trop précipitamment pour paraître naturel et se dirigea vers la salle de bain accompagné par le rire de Voldemort.

Il ignorait où son mentor s'était procuré la tente mais l'aménagement était très différent de celle qu'il avait partagé avec Ron et Hermione lors de la chasse aux Horcruxes. Leur abri avait beau être magique, il n'y avait ni chambre, ni salon, ni cuisine à proprement parler mais seulement deux pièces. La première était une grande salle qui comportait un lit de camp, une table et deux fauteuils. La seconde était une minuscule salle de bain avec une douche, un lavabo et un WC.

Sous la douche, le jeune sorcier essaya de démêler la tempête d'émotions que le mage noir faisait naître en lui. Depuis qu'ils avaient couché ensemble, il ne pouvait s'empêcher d'y repenser, ce qui était d'autant plus gênant que Voldemort pouvait lire son esprit d'un simple effort. Son mentor lui avait offert une expérience extraordinaire mais si dans sa candeur, Harry avait toujours associé l'acte sexuel à l'expression des sentiments amoureux, il était évident que le mage noir avait recherché autre chose... Il y avait le plaisir, sans conteste, car il lui semblait que Voldemort avait apprécié leur étreinte tout autant que lui, mais il y avait une autre raison, suffisamment forte pour amener le mage noir à se montrer si patient, à obtenir son consentement...

C'est alors que la réalité lui sauta aux yeux comme une évidence. Pour Voldemort, le sexe était une manière de le posséder... De le marquer encore davantage comme sien, de le toucher comme personne ne pourrait le faire et « être le seul à mettre en émoi [son] cœur ».

Il aurait sans doute dû être choqué et se rebeller face à cette constatation mais il n'arrivait pas. Après tout, il ne s'en était jamais caché : « Tu m'appartiens », « Je n'ai aucune intention de te marier », « je ne permettrais jamais que quiconque pose les mains sur toi », « Tu resteras pour l'éternité à mes côtés » ... Voldemort avait toujours été d'une sincérité désarmante face à lui et il avait simplement été trop idiot ou naïf pour le voir.