Elle entra dans la salle, et, sous les indications de l'homme face à elle, s'assit sur le fauteuil. Elle avait les yeux bouffis, les mains jointes comme si elles renfermaient la chose la plus fragile et précieuse du monde. L'homme regardait ce visage écarlate, mais son regard n'était pas échangé. Elle gardait les yeux baissés, on semblait lui avoir enlevé toute l'énergie dont son corps disposait.
Il attendit un instant, la regardait par-dessus ses lunettes rectangulaires, essayant de capter un signe, un son. Ses mains se crispaient de plus en plus sur cette mystérieuse chose qu'elles renfermaient. Il aurait voulu les prendre pour la calmer, mais il savait pertinemment que ce n'était pas la solution.
Elle ferma les yeux, une larme coula sur sa joue rougie. Elle avança ses mains toujours jointes vers le bureau, et les ouvrit pour y laisser tomber des morceaux noirs et informes. L'homme remonta les lunettes sur son nez et haussa les sourcils.
— Qu'est-ce que je dois faire ? demanda-t-elle d'une voix faible, sans intonation.
Le médecin avait entendu parler de ce syndrome, mais il n'avait jamais croisé un cas aussi rare de toute sa carrière. Il n'osa toucher ces morceaux noirs, mais il les regardait avec attention. Son regard divaguait parfois vers le visage de la jeune femme.
— Expliquez-moi, dit-il soudain.
Les yeux de la jeune femme regardèrent le précieux objet tombé sur le bureau. Il ne ressemblait plus à rien. Sa couleur avait disparu, sa chaleur... Dans cet état, il ne servait plus à rien. Elle se rappela du moment-même où il s'était brisée, la douleur qu'elle avait ressenti, les larmes qui s'étaient mises à couler. C'était son bien le plus précieux au monde, il renfermait tous ses secrets, la plus belle boîte qu'elle n'ait jamais eu.
Elle ouvrit la bouche sans qu'aucun son ne puisse sortir. Elle dû rassembler toutes ses forces ne serait-ce que pour parler, alors que les images lui revenaient en tête comme des flashs incessants. Des larmes se mirent à couler, elle ne les remarquait même plus.
— Il s'est brisé... Je n'arrive pas à expliquer la douleur que ça a provoqué en moi. J'ai mal à la tête, mal au ventre, j'ai envie de vomir mais rien ne sort... Je ne mange plus, je ne dors plus... Quand je l'ai récupéré, il était comme ça.
Elle n'arrêtait pas de pleurer, pleurer. Les yeux de l'homme se mirent à briller, il pinça ses lèvres.
— En avez-vous parlé à quelqu'un ?
Pour simple réponse, elle hocha la tête. Il prit une feuille blanche derrière lui, un stylo qui traînait entre deux dossiers, et commença à écrire tout en dictant ses indications à la jeune femme.
— J'ai reconnu votre maladie tout de suite quand je l'ai vue. Je ne peux rien faire si ce n'est vous prescrire quelques médications. Tout d'abord, et le plus important, prenez du temps pendant au moins un mois, à renouveler si besoin tous les mois. Ensuite, une fois par jour, le soir, une sortie, pensez à bien vous aérer l'esprit. Je vous ajoute également du soutien, à prendre sans modération, c'est un dérivé de l'homéopathie.
Il se retourna une nouvelle fois et récupéra une petite boîte de couleur. Il l'ouvrit sur le bureau, et fit signe à la patiente de récupérer les morceaux et de les placer dans la boîte. Sans conviction, elle se rapprocha et prit avec la plus grande délicatesse les petits morceaux noirs. Elle referma la boîte, et la prit sur ses genoux.
— La chose la plus importante qu'il vous restera à faire, c'est d'essayer, chaque jour, de recoller les morceaux. Vous prendrez le temps qu'il faudra, mais c'est important d'y consacrer au moins une minute par jour. Au début, ça va vous faire peur, mais vous verrez bien vite que vous aurez besoin de ce cœur, et qu'un jour, il reprendra de la couleur, de la chaleur, et que vous l'entendrez battre.
Il lui tendit l'ordonnance, retira ses lunettes pour les nettoyer, les remit, et une fois fait, regarda la jeune femme droit dans les yeux.
— Le cœur brisé est une des maladies les plus douloureuses au monde. Mais je vous promets que jamais personne, depuis son existence, n'en est mort. Vous vous en sortirez, vous aussi. Je vous le promets.
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Merci d'avoir lu, et surtout n'oubliez pas de prendre soin de vous !
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Par-delà les apparences
Short StoryJe me suis rendue compte que ce que j'écrivais de mieux était ce qui me venait à l'esprit sans même y penser. Et ces pensées sont devenues des petites nouvelles. Alors je vous propose de les découvrir dans ce recueil qui contient toutes sortes de se...