Elle était Moi

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Elle était à moi... en quelque sorte. Elle était ma... . Ou plutôt, elle était en moi, elle y avait une place intégrante et je la ressentais chaque seconde. Et comme le contraire était inévitable, je faisais partie d'elle, j'avais une place qui m'était consacrée et je me sentais irremplaçable. Nous étions pareilles sans même nous ressembler, telles deux feuilles de chênes qui tombent à l'automne, l'une brune et l'autre jaune. J'étais elle. Et elle était moi. Elle participait sans compter à mon bonheur sans jamais avoir à faire le moindre effort. J'étais jeune, elle l'était tout autant, et pourtant elle me paraissait si grande et si mûre. Comme si elle pouvait tout faire, comme si elle avait toujours eu un temps d'avance sur tout le reste et que rien ne pouvait lui être interdit. Je voulais être comme elle, comme cette fille qui avait l'air de tout réussir et qui, surtout, arrivait toujours à m'éblouir et à m'impressionner. J'apprenais chaque fois quelque chose quand elle était là, ces choses inutiles mais qui, paradoxalement, vous apportent tellement plus que vous ne pouvez l'imaginer. Ces choses qui vous font sourire lorsque vous en parlez, que vous oubliez un temps plus tard, et qui, quand vous les ressortez des années plus loin, vous font encore étirer les lèvres jusqu'aux oreilles. Des choses que vous n'oubliez jamais vraiment, en fait.

Elle était spéciale. Elle me rendait spéciale. Je ne pouvais m'empêcher de l'admirer, comme on admire ces idoles à qui tout réussit alors qu'on souhaite la notoriété, la reconnaissance et la gloire. Mais je ne souhaitais aucune de ces trois choses, ce que je voulais, c'était devenir mon propre modèle. Stupide, pourrait-on dire. Et c'est vrai. Car sans être moi-même, nous n'aurions jamais eu ce que nous avons eu. Nous n'aurions sûrement jamais connu ces moments rien qu'à nous, ces moments où nos deux esprits étaient comme connectés entre eux. Et ils auraient pu l'être à des milliers de kilomètres l'un de l'autre. Des instants qu'on ne peut vivre qu'avec une personne, et une seule bien particulière seulement. Ces fois où on se sent totalement soi-même, où l'on sait que personne ne peut vous juger aux alentours, où on peut faire toutes sortes de choses plus stupides et immatures les unes que les autres, et personne ne sera là pour dire quoi que ce soit, et plus important encore, elle était là pour m'encourager. Et à mon tour, j'étais présente pour lui dire de continuer quand elle s'arrêtait, et je sais que j'en demandais chaque fois trop. Parce qu'elle en faisait bien plus qu'une personne lambda aurait pu faire durant toute sa vie. Parce qu'elle savait ce dont j'avais besoin, constamment.

Elle partageait tous ses secrets avec moi, enfin tous ceux que je pouvais comprendre. Ces secrets qui me faisait tantôt rire, tantôt ouvrir les yeux aussi grands que ceux que l'on voit dans ces dessins animés pour enfants. J'avais ce petit gargouillis dans le ventre chaque fois qu'elle me les racontait. Ses secrets. Je m'accoudais contre un meuble et posait ma tête dans mes mains, prête à l'écouter. Contrairement à ce qu'on peut penser, les secrets ne sont pas toujours un fardeau. Pour moi, ils constituaient une partie de notre histoire. Je voulais tout savoir d'elle et elle voulait tout savoir de moi. Comme si notre connexion avait parfois des interférences qu'il fallait régler. Et plus je me rendais compte qu'elle en avait qu'elle ne voulait pas partager, plus je voyais ces interférences me bloquer et former comme un bouclier invisible qui m'empêchait de me rapprocher un peu plus d'elle. Je les voyais même nous séparer quelques fois, mais ils devenaient peu à peu transparents quand un autre de nos moments apparaissait. Comme un trait au crayon qu'on aurait effacé, mais qui aurait tout de même laissé la trace de son passage et peut-être même froissé la feuille quelques fois. J'étais la feuille. Cette petite chose fragile de laquelle il faut prendre soin, cette petite chose qui vient pourtant d'un ensemble bien plus fort et imposant qu'elle. Et elle était le crayon de papier. Nous décidions d'abord quoi écrire, puis nous l'écrivions. Et si l'une d'entre nous n'était pas d'accord, si de nouvelles interférences apparaissaient mais cette fois par notre faute, alors nous prenions le temps de les effacer et il ne restait rien. Nous nous complétions et faisions parti d'un tout qui nous convenait, et nul autre ne pouvait intégrer ce monde que nous nous étions créé. 

Il n'y avait que nous. Elle et moi. Parce que j'étais elle, et qu'elle était moi.

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Hey ! Cette nouvelle est vraiment très personnelle pour le coup et veut beaucoup dire. J'espère qu'elle vous aura plu.
À bientôt !

Par-delà les apparencesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant