(Bonjour à tous, on se retrouve ici pour un stepbrother à la fois doux, mignon et sombre (sur le deuxième tome), comme d'hab, je vous propose quelques chapitres pour voir si vous aimez ou non. Le roman est en deux tomes, publié chez Black Ink. Bises à vous et bonne lecture !)
Billie
« Je te présente le nouveau membre de notre famille, voici Swan. Dorénavant, nous serons tous ensemble. »
La blague ! Une famille ? Je n'en ai jamais eu. Depuis que je suis toute petite, ça a toujours été ma mère et moi. Pas ce grand dégingandé qui prétend prendre la place de mon père – père qui s'est tiré voilà une foule d'années déjà – je m'en portais très bien jusqu'à maintenant. Et encore moins supporter un frangin douteux aussi mutique qu'un mur de briques. Swan Anconie. Au lycée, tout le monde se fiche de lui, parce qu'il n'ouvre jamais la bouche. Ils l'ont surnommé le Muet, très original, assurément. Personne n'a entendu le son de sa voix. Il ne communique pas non plus avec les mains. D'ailleurs, il ne communique pas tout court. J'en veux pour preuve qu'il me fixe, maintenant, muré dans le silence. À l'autre bout de notre nouveau super salon, dans notre nouvelle super maison, envahie de fleurs, avec un père tout neuf qui me sourit de toutes ses dents en tentant de paraître nonchalant, et de ma mère qui essaie de m'énumérer tous les bons côtés de notre vie métamorphosée. Moi, tout ce que je remarque, c'est Swan qui me dévisage sans ciller, les bras croisés sur la poitrine, avec un petit air à mi-chemin de la condescendance et de la raillerie. J'ai envie de lui tirer la langue. Les autres se moquent peut-être de lui, pour ma part, je me demande toujours si ce n'est pas lui qui se fout de nous. Il affiche constamment un air distant et blasé, comme s'il connaissait déjà tout de la vie, qu'il en avait goûté l'amertume sans jamais en savourer la douceur, alors qu'on a dix-sept ans tous les deux. Il scrute les gens, sans marquer la moindre pudeur, en donnant l'impression d'ôter les couches de façade dont la plupart s'entourent. Si quelqu'un l'insulte, ça semble le laisser de glace. Il est muet, pourtant pas sourd. De toute façon, il sait parler, son père me l'a confié. Il ne le fait pas, voilà tout. J'ignore pour quelle raison. Il s'agit d'un secret de famille jalousement conservé. Je crois que ma mère est au courant, mais elle prétend ne pas savoir. Quelle menteuse !
— Je vais dans ma chambre, annoncé-je brusquement, pressée de quitter le salon de plus en plus étouffant.
Et cela n'a rien à voir avec le soleil qui se déverse à gros rayons à travers les fenêtres.
— Tu peux monter ce carton, Billie ? sollicite ma mère en me désignant celui qui attend au pied des marches.
— Oui, il va où ?
— Dans la bibliothèque. Deuxième porte à droite, tu te souviens ?
— Ouais, grogné-je.
Je traverse l'immense pièce de notre baraque excentrique. Partout où Emma Cluzange passe, la normalité trépasse. Ma mère a déjà étalé sur le parquet un vieux tapis, en partie élimé, orné de grosses fleurs rouge sang. Des vases sont disséminés aux quatre coins de la pièce. L'odeur des fleurs séchées enfoncées dedans est entêtante, un peu désagréable, même si j'en ai pris l'habitude. Ma mère adore les fleurs. Elle en colle partout, sur les murs, à travers des tapisseries ringardes, les meubles et parfois même sur les couvertures en gros motifs. Avec ses goûts bizarres en matière de décoration, on croirait parfois avoir affaire à une vieille folle avec des chats, mais non, c'est une femme très séduisante. Elle m'a eue à seize ans avec un gars de dix ans son aîné qui a pris la poudre d'escampette sitôt que les nuits avec un « chiard » furent trop compliquées à gérer pour lui. Malgré son jeune âge, elle m'a toujours assumée, sans jamais baisser les bras, me traînant partout dans son sillage, dans des festivals, des voyages, à travers les pays, à travers ses folies. Je me suis épanouie au milieu des autres, des marginaux, des fêtards, des anticonformistes, des paumés, des anarchistes, des hippies en tout genre, une odeur d'herbe flottant autour d'eux. Maintenant, me voilà coincée entre quatre murs pour une durée indéterminée, avec une famille que je n'ai jamais désirée. Ma mère est tombée amoureuse de Lucyan, le père de Swan, à un concert de Tryo, l'an dernier. Je ne comprenais pas pourquoi nous restions plus que de raison fixées au même endroit, alors que nous bougions d'ordinaire tous les six mois, jusqu'à ce qu'elle me le présente et m'annonce qu'ils souhaitaient se marier. Le mariage... Elle, qui en avait une sainte horreur, comme si c'était une corde pour la pendre, venait de retourner sa veste d'un coup, m'imposant par la même occasion un rythme de vie auquel je n'étais pas accoutumée. J'ai changé d'école un millier de fois, au gré de nos pérégrinations. J'ai appris autrement que la plupart des étudiants, à travers les gens, les livres, les histoires, les civilisations. Je déteste être prisonnière ici, dans ce salon fleuri, avec ce nouveau père et ce nouveau frère, à devoir m'habituer à une vie normale.
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Love Memories (Black Ink Editions)
Romance« Je te présente le nouveau membre de notre famille, voici Swan. Dorénavant, nous serons tous ensemble. » Billie, jeune hippie, éprise de liberté, est contrainte de poser ses bagages pour vivre auprès du nouveau mari de sa mère et de son fils, le be...