Cela faisait deux jours que Mercy ressassait les informations que sa mère lui avait transmises. Elle n'avait pas encore pris le temps de se rendre aux archives, préférant potasser les comptes-rendus statistiques des naissances de ce dernier siècle. La chute était drastique, mais quelque chose dans les chiffres la laissait penser que ce n'était pas apparu brusquement. Il semblait évident qu'un facteur était responsable de cette décadence qui les faisait sûrement plonger depuis plusieurs siècles.
Si elle avait passé tant de temps à s'inquiéter de ces taux de natalité, c'était avant tout pour éviter de trop réfléchir sur cet autre sujet qui la concernait bien plus directement : Jay. Il l'avait crue morte à cause de sa propre mère. Elle en avait maintenant la certitude, il lui avait dit la vérité. Il ne l'avait pas abandonnée. Cela changeait énormément de choses. Comment pourrait-elle encore le détester ? Il compliquait tellement les choses. Ne pouvait-il pas simplement conserver son rôle de connard et la laisser le haïr ?
Mercy soupira. Elle avait tellement voulu éviter le sujet qu'elle n'en était que plus perdue. Elle repoussait depuis deux jours l'inévitable. Il fallait qu'elle se rende à la cabane pour récupérer la robe qu'elle y avait laissée. Au beau milieu de l'après-midi, y avait-il un risque de croiser Jay ? Sans doute. Mais déjà moins que si elle se déplaçait en soirée ou en début de matinée. D'autant plus que, si elle avait bien comprit, il n'y vivait que par interludes. Décidée à régler ce détail au plus vite, la nymphe enfila une cape par-dessus sa robe et se faufila à l'extérieur de sa chambre. Elle sortit du palais aussi discrètement que possible, n'ayant que peu envie de trouver un mensonge pour justifier son absence.
Depuis sa blessure, elle était restée enfermée dans ses appartements afin de préserver son état des commérages. Aussi loin que possible de Silas, de préférence. Il valait mieux ne pas le croiser avant de savoir pleinement ce qu'elle comptait faire. Après avoir attenté à sa vie, qui savait ce qu'il serait capable de faire ?
Dès qu'elle se fut engoncée dans la forêt, Mercy arrêta sa progression derrière un tronc immense qui faisait au moins trois fois sa carrure. Le visage crispé, elle haleta un temps avant de reprendre son souffle. Elle avait marché vite, sans trop de précaution pour son corps encore un peu faiblard. Elle n'était plus très loin, il lui fallait traverser la rivière et elle pourrait ensuite rejoindre la cabane. Après une grande inspiration qui fit protester ses côtes, elle se hâta de parcourir la route qu'il lui restait. Tomber sur un satyre maintenant serait une terrible rencontre. Elle n'avait pas la force pour un combat.
Pour une fois, le destin devait être de son côté, peut-être la mère créatrice avait-elle décidé qu'elle avait assez souffert, car elle atteignit le chalet sans croiser personne. Une fois devant, elle hésita. Devait-elle frapper ? Il valait mieux, au cas où quelqu'un se trouvait à l'intérieure. Elle espérait juste que ce serait Jessmina et pas Jay. La main de Mercy se leva lentement avant de s'abattre sur le panneau de bois. Elle pria pour que personne n'ouvre et qu'elle puisse s'y glisser en catimini. Ce serait tellement plus facile de ne voir personne.
Comme rien ne se passait, elle allait ouvrir quand on la devança. L'impressionnante silhouette de Jay se dessina dans l'embrasure de la porte. Mercy sentit son souffle se couper devant la beauté du satyre.
Le haïr.
Elle devait le haïr.
— Qu'est-ce que tu fous là ? lui aboya-t-il presque dessus.
Mercy esquissa un sourire, presque amusée par son ton agressif.
— Je ne viens certainement pas pour tes beaux yeux, Jay. Je veux récupérer mes affaires.
— Et t'as pensé que c'était intelligent de te déplacer ? Jess est pas là, je peux te planter ma hache dans le cœur.
— Peut-être que c'est ce que je cherchais. Arrête de jouer aux cons et laisse-moi passer. J'en ai pour deux minutes.
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Rédemption
ParanormalDeux peuples ennemis. Un amour impossible. Une haine irréversible. Des années se sont écoulées depuis leur séparation. Ils ne se sont jamais revus. Il la croit morte. Elle croit qu'il l'a abandonnée. Ils ont promis de se vouer la haine qu'ils auraie...