Chapitre 13

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Mercy finit par revenir à elle en proie à une terrible migraine qui paraissait irradier dans la totalité de son crâne. Dès que ses souvenirs lui revinrent elle sursauta et s'empressa de se redresser. Ses sourcils se froncèrent lorsqu'elle découvrit avec étonnement la cellule dans laquelle elle se trouvait. C'était une pièce minuscule éclairée par une fenêtre  étriquée. Une paillasse était disposée dans un coin, contrastant avec le sol sale et parsemé d'un mélange d'eau croupie ainsi que de sang séché. Prise d'une soudaine révulsion, elle voulut se relever mais s'écroula sous son propre poids. L'étroitesse de sa cellule sembla croître d'une façon exponentielle et elle sentit sa respiration se faire erratique. Une panique grandit en elle jusqu'à devenir incontrôlable. Ses mains se mirent à trembler et la princesse finit pas ramener ses genoux contre sa poitrine, espérant en tirer une infime protection. Des images et une douleur insupportable lui revinrent en mémoire, ne faisant qu'empirer son état de terreur.

Les sifflements de sa respiration saccadée ne manquèrent d'alerter un garde qui s'approcha des barreaux. Ses traits juvéniles laissaient à penser que ce n'était qu'un novice. Il fronça ses sourcils couleur caramel et ne perdit pas de temps en réflexions inutiles. D'une voix au timbre doux il interpela le second soldat qui surveillait les geôles:

-Eli, on a un problème avec la nymphe je crois...

L'intéressé poussa un juron qui se répercuta contre les murs de grès et approcha pour admirer la scène d'un pathétique troublant.

-Que fais-tu encore là toi, aboya-t-il, va prévenir le général! C'est son problème. J'étais plutôt pour qu'on la tue.

Le plus jeune parut hésiter, mais il n'était finalement pas de taille à passer outre l'ordre direct de son supérieur hiérarchique.

-Bien. Mais je doute qu'il serait content si elle mourrait...

Cette dernière phrase resta en suspens, avertissement subtile déconseillant au garde de tenter quoi que ce soit. Il grogna lorsque la jeune femme s'écroula sur le sol, éprouvant une grande difficulté à respirer. Il soupira et saisit sa clé afin d'ouvrir la pièce exigüe.

-Je ne suis pas un infirmier pour nymphe moi, marmonna-t-il sur un ton bougon.

Alors qu'il était sur le point de pénétrer dans la cellule, un bruit de pas le fit froncer ses sourcils broussailleux. D'un ton peu agréable il héla ce qui lui paraissait être son collègue sans prendre la penne d'y jeter le moindre regard:

-Tu te moques de moi? C'est impossible que tu sois déjà revenu... Viens m'aider au lieu de faire la potiche.

N'obtenant aucun réponse, il était sur le point de se retourner lorsqu'une grande main se plaqua sur le côté droit de son crâne et fit entrer en contact, d'une façon aussi violente que possible, l'autre partie de sa tête et le mur de pierre. Sonné il s'écroula sur le sol avant d'avoir pu esquisser l'ombre d'un geste.

Un homme à la stature athlétique enjamba le corps et accourut aux côtés de la princesse. Il s'accroupit, laissant la pointe de sa longue tresse blanche traîner sur le sol, et la prit entre ses bras puissants. Sachant son temps compté il s'empressa de quitter les geôles. Pourvu de son fardeau Ryan se doutait qu'il serait compliqué pour lui de terrasser un quelconque ennemi. C'est pourquoi il saisit toutes les occasions possibles pour se cacher derrière une colonne ou un pan de mur. Son but était presque atteint quand il eut le temps, in extremis, de se mettre à l'abri. Trois soldats accompagnés d'un homme plus grand et à l'armure richement taillée passèrent à son niveau. Ce dernier aboya au plus jeune de ses compagnons:

-Tu aurais dû venir me voir dès le début. Eli à intérêt à faire ce qu'il faut ou bien je l'éventrerai moi-même.

Ryan les vit disparaître au détour du couloir et en profita pour se diriger vers la seule sortie du palais qu'il savait non-gardée. Elle avait servi, se rappelait-il, aux esclaves afin qu'ils entrent et sortent discrètement. Plus personne n'utilisait cet accès à présent quasiment oublié. Le précédent roi des satyres avait, depuis longtemps déjà, abrogé toute exploitation des nymphes en tant qu'esclaves, préférant décorer ses jardins de leurs têtes accrochées au bout d'un pic. Le patrouilleur parvint à quitter le palais et posa délicatement Mercy sur l'herbe fraîche. Avec un peu moins de douceur qu'il ne l'avait prévu il lui donna une gifle pour la réveiller. Elle ouvrit ses yeux citrine et se redressa brusquement, le regard chargé d'incompréhension et le cerveau tout embrumé par le manque d'oxygène. La nymphe fut prise d'une quinte de toux et dévisagea celui qui venait de la délivrer avec étonnement.

-Ryan, souffla-t-elle, que fais-tu ici?

Il lui tendit la main et l'aida à se lever.

-Ce n'est pas le moment d'en parler. On doit retourner sur notre territoire au plus vite. Tu t'en sens capable?

Elle hocha vivement la tête, refusant de se laisser arrêter par une misérable crise de panique. Ils coururent aussi vite que cela leur était physiquement possible jusqu'à se réfugier dans la forêt verdoyante. Arrivés jusque-là, Mercy savait que le plus dur était fait du moment qu'ils ne croisaient pas d'autres de leurs ennemis. La lune ayant commencé son ascension, la princesse sut que la probabilité de faire une mauvaise rencontre était amoindrie. Sans considérer les quelques soldats qui les poursuivaient sans aucun doute.

Ils évoluèrent lentement, suivant les indications de la nature afin de retrouver le chemin jusqu'à la rivière. Ils eurent la malchance de croiser un couple de satyre, mais fort heureusement pour eux ceux-ci étaient trop occupés pour remarquer leur présence.

Mercy ressentit une série de picotements lui parcourir la nuque. Elle avait l'impression qu'ils étaient suivis ce qui la motiva à hâter le pas. Ryan et elle arrivèrent enfin au cours d'eau qu'il recherchaient, synonyme de leur délivrance. Cette petite rivière symbolisait l'entrée dans le territoire des nymphes, toutefois de nombreux satyres s'y aventuraient tout de même, tout comme les nymphes avaient tendance à aller de l'autre côté de la rive. Mercy fut la première à prendre son élan avant de s'élancer par-dessus le liquide glacé. Elle retomba sans grâce à terre, se heurtant par la même occasion l'épaule contre une pierre. La princesse se releva rapidement et vit Ryan l'imiter. Cependant il sauta trop tôt et glissa à l'atterrissage. Si la jeune femme n'avait pas été là il aurait sans douté été emporté par le courant, mais elle avait eu le réflexe de l'attraper par le bras et le hissa sur la terre ferme à l'aide de ses dernières forces. Il la remercia d'un bref coup d'œil et lui fit signe de se dépêcher. Acquiesçant elle le suivit, mais ne put se retenir de se retourner. Il lui sembla apercevoir une silhouette entre les arbres, mais elle ne pouvait pas en être sûre tant la fatigue lui tournait la tête.

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