Prologue

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Je le hais. Je me déteste. Pourquoi ? Pourquoi a-t-il fallu que nos chemins se croisent ? Il n'y est pour rien, je le sais. Et pourtant... Je ne peux m'empêcher de le haïr. Non pas parce qu'il m'a trahi. Non pas, parce qu'il m'a menti. Mais parce qu'il a eu raison. S'il a fait tout ça, ce n'était pas pour me mettre à terre, mais pour m'aider à sauter ce pas que je n'ai jamais eu le courage de faire. Comment aurait-il pu imaginer tout ce que cela engendrerait par la suite ? Il a fait tout ça pour mon bien. Ce couteau qu'il m'a planté dans le dos est bien moins douloureux que cette plaie béante que je traîne depuis maintenant 1.095 jours. Aujourd'hui cela fait pile trois ans que l'on m'a annoncé le pire. Je me souviens encore de ce moment où madame Fevier ne m'a plus laissé d'autre choix que d'accepter la vérité.

‒ Callisto, s'il vous plaît. Écoutez-moi. Écoutez-vous.

‒ Par rapport à quoi ? dis-je calmement.

‒ Callisto... Vous savez.

‒ Non. Je ne sais rien madame Fevier. Il est bien là le problème. Je ne comprends rien de ce qui se passe en moi. dis-je la mâchoire crispée.

‒ Justement. Vous ne comprenez pas certes, mais vous savez. Vous savez pourquoi votre corps réagit de cette manière. Vous ne comprenez pas encore pourquoi il agit ainsi et pas différemment. Mais vous connaissez la raison Callisto.

‒ Je... Incapable de continuer ma phrase, je détourne le regard.

‒ Mon but n'est pas de vous brusquer, ni de vous blesser. Mais malheureusement, le mal est déjà fait. Et vous ne pouvez rien y changer. C'est affreux, j'en suis consciente. Mais tant que vous ne l'accepterez pas, vous souffrirez en silence. Et votre corps fera tout ce qu'il peut pour rejeter cette douleur. Plus vous repousserez ce moment, plus vous aurez mal. Autant mentalement que physiquement. Le corps reflète ce que le cœur n'est pas capable d'endurer.

‒ Alors si vous savez que je ne suis pas capable de le supporter, pourquoi me forcer à l'affronter ?Dis-je plus fort que je ne l'auras voulu.

‒ Si vous ne l'affrontez pas, vous prenez la décision de rester en conflit avec, et ce le restant de vos jours. Et ce n'est pas ce que vous voulez, n'est-ce pas ? Si vous souhaitez un jour que cette douleur s'estompe, vous devez l'apprivoiser et la combattre.

Une longue minute s'écoule avant que j'ose de nouveau prendre la parole.

‒ Et combien de temps cela va mettre ? De combattre ce démon qui me bouffe ?

‒ Probablement autant de temps qu'il vous aura fallu pour l'accepter, dit-elle calmement.

‒ Et comment dois-je m'y prendre ? Dis-je faiblement.

‒ Je suis là pour ça, je vais vous aider.

‒ J'ai si peur... Si vous saviez comme j'ai peur madame Fevier.

Elle pris entre ses mains les miennes qui étaient tremblantes. Sa peau est douce et chaude. C'était une sensation agréable et apaisante. C'est là que je compris, que je n'avais rien à craindre. Elle ne voulait que le meilleur pour moi. Et avec ce geste, elle me fit comprendre qu'elle resterait près de moi jusqu'à ce que ce foutu démon ne respire plus.

Et encore aujourd'hui, elle tient sa promesse. Après trois ans de lutte acharnée, bien qu'affaibli, ce démon est toujours bien vivant. Et elle m'aide quotidiennement à le dresser et à le ralentir. Beaucoup de choses ont changées ces trois dernières années. J'ai fait beaucoup d'efforts. Je me sens mieux. Je vis au jour le jour. Mais aujourd'hui, le neuf février, est le pire jour de ma vie comme chaque année depuis trois ans. Je monte dans l'ascenseur, appuie sur le bouton du cinquième étage. La lumière clignote un peu trop à mon goût. Pourquoi ces fichues machines disjonctent tout le temps. Comme si l'ascenseur en lui même n'était pas déjà assez flippant comme ça. J'entends le petit bip qui signifie que je suis arrivée à destination. Quand les portes s'ouvrent, mon cœur vacille au rythme de la lumière. Mes bras croisés sur eux-mêmes se détachent et tombent le long de mon corps. Il est là, devant moi, avec ses yeux fatigués et cernés. Son regard est vide, tout comme mon âme désormais. Je m'empresse d'appuyer sur le bouton pour fermer les portes, mais son pied en bloque la fermeture. Et nous revoilà, au même endroit, à la même heure qu'il y a dix mois. Le soir de notre rencontre. Cette soirée inoubliable où j'ai revécu mon pire cauchemar. En partie à cause de lui. 

This Unforgettable NightOù les histoires vivent. Découvrez maintenant