Chapitre 4 - Callisto

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Je rentre à toute vitesse dans mon appart et par réflexe file dans la salle de bain. Je m'apprête à réitérer les mêmes gestes que d'habitude, mais rien ne vient. Et puis je regarde cette jeune femme de vingt-trois ans dans le miroir. Elle a l'air heureuse mais perdue. Elle a l'air apeurée mais calme. Toutes ces émotions contradictoires me viennent par millier. Et puis je sens mon ventre se contracter, et ma nuque se tendre. J'ai mal à la tête. J'ai envie de vomir. Pourtant, ce soir tout est différent. Mais je crois que le problème est là, je ne sais pas gérer ce qui est différent. Et si ce n'était qu'une passade ? Et si je me trompais ? Je pars me coucher et allume ma veilleuse jaune. La pièce est plongée dans une obscurité apaisante. Cette petite lueur couleur soleil, me rassure. Comme chaque soir mes pensées vagabondent dans une danse enflammée. Qui est-il ? Pourquoi l'ai-je laissé s'approcher de moi ? Je sais très bien ce qui va se passer ensuite. Je sais ce que mon corps va me faire et comment je vais me venger sur lui.

Trois jours plus tard, je me dirige vers la bibliothèque avec un peu de retard. Ce n'est pas bien grave, il n'y a jamais personne le lundi matin. Il ne fait pas encore jour, mais les rues sont légèrement animées par les travailleurs et les enfants qui vont à l'école. Je pivote dans une petite rue en direction de mon travail. C'est alors que j'entends un violent bruit de portière. L'air dans mes poumons se compriment, et mes muscles me font mal. Je n'ai pas besoin de me retourner pour comprendre ce qui se passe. J'ai un très mauvais pressentiment. Je presse le pas aussi vite que je peux, mais ma vue se brouille. Ça y est je panique. Ce n'est vraiment pas le moment. Mes mains tremblotes et refroidissent à une vitesse éclaire. Quand j'entends des bruits de pas s'accélérer derrière moi, je me stoppe. Fait chier, fait vraiment chier. Putain Callisto court ! Bouge ! J'ai envie de partir en courant, mais je ne peux pas, je suis bloquée. J'ai peur, j'ai envie de pisser et la peur me paralyse. Soudain, je sens un corps s'approcher du mien. Ce n'est qu'une mamie bourrée. J'expire tout le souffle que j'avais retenu. Mon intuition était mauvaise.

‒ Ce n'était qu'une...

Je n'ai pas le temps de terminer ma phrase, qu'une main se colle à ma bouche. Une deuxième main agrippe violemment ma hanche et me tire en arrière. Je hurle mais mes cris sont étouffés par cette main d'homme rocailleuse. Je suis violemment projeter contre un mur. Mes lèvres toujours scellées, le reste de mon visage est figée par l'horreur qui est en train de se produire. Je tente de me défaire de la poigne de l'homme, mais mes sens se font de plus en plus faibles. Je suis tétanisée. Il pose son autre main sur mon sein gauche, puis le droit, et ainsi de suite. Je crois que je ne respire plus. Mes yeux suivent une ombre qui passe derrière cet homme répugnant, un enfant. Un petit garçon qui assiste à la scène et qui se met à hurler un son strident.

‒ Calli ! Putain Calli ! Crie une voix familière.

L'enfant continue de hurler à plein poumon, tandis que l'homme ne se gène pas pour continuer de balader ses mains sur mon corps. Il agrippe violemment mon épaule en hurlant mon prénom.

‒ CALLI ! BORDEL CALLI !

Mes yeux s'ouvrent d'un coup. Mon corps se redresse instantanément. Et je hurle à mon tour. Il fait jour, le soleil s'est entièrement levé. Je continue de pleurer et me tais quand je comprends que tout cela n'était qu'un cauchemar. Ma respiration est saccadée, je transpire de partout. Je meurs de chaud.

‒ Calli... me dit Tom tout en s'avançant prudemment suivi d'Alice.

Silence. Ils ne disent plus rien. Tom est assis au bout de mon lit et Alice adossée à mon mur. Tom se rapproche légèrement, et je lève la tête vivement.

‒ Ok ok. Je reste où je suis, dit-il aussi paniqué que moi.

Alice s'avance au même niveau que Tom.

‒ Calli, tu devrais prendre une douche. Ça te fera du bien. Je t'accompagne si tu veux.

‒ Et moi je vais changer tes draps, dit-Tom.

Je hoche la tête et suis Alice dans la salle de bain. Elle se retourne le temps que j'enlève mon pyjamas et que je ferme le rideau de la douche. Je laisse couler l'eau chaude sur ton mon corps et les sens se décontractés petit à petit. Et puis, mes larmes suivent le chemin de l'eau et ruissellent sur mon visage. Je les sens couler sur mon coup, puis sur ma poitrine et je les vois se fondre dans l'eau de la douche. Une bonne dizaine de minutes plus tard, je ferme le robinet. M'enroule dans une serviette et m'assoit sur le rebord de la baignoire. Alice est toujours là, assise par terre sur le carrelage froid. On se regarde et je lui souris. Elle fait de même en retour. Me raccompagne jusque ma chambre et me souhaite une bonne nuit. Je remarque que Tom a bel et bien changé mes draps. J'enfile un nouveau pyjamas et m'endors pour de bon cette fois.

*

‒ Excusez-moi mademoiselle, j'avais demandé un exemplaire de «Le Nouveau Monde» mais vous m'avez donné «Un monde pour toi», dit-une femme aux cheveux grisâtre.

‒ Oh, je vous demande pardon. Je vais vous le chercher tout de suite.

Après mon cauchemar de la nuit de vendredi à samedi, je suis claquée. Je n'arrive pas à rattraper mon sommeil. Ça allait mieux pourtant. Il a fallut que Stan soit bourré et me fasse flipper pour que mes nuits soient de nouveau perturbées. Depuis je ne l'ai pas revu, tout comme le garçon du sixième. A peine ai-je donné le bon livre à la femme, qu'une autre vient me demander un renseignement. Le mercredi aprèm, c'est toujours blindé. Une heure plus tard, je suis range les ouvrages dispersés un peu partout quand une main se pose sur mon épaule. Instinctivement, je me retourne et d'un geste brusque pousse la personne qui me touche.

‒ Wow wow, du calme Calli. Ce n'est que moi, dit Stan en chuchotant.

‒ Ah pardon. Ne me touche plus.

‒ Euh... Ok

Merde, j'ai peut-être été un peu froide.

‒ Je veux dire, avant de t'approcher de moi comme ça, annonce toi s'il-te plaît. Tu m'as fichu la frousse, dis-je en riant.

Il rit à son tour et me demande comme je vais. On poursuit une conversation banale et barbante. Je l'entends se racler la gorge.

‒ Je voulais te demander pardon.

‒ Pardon ? Mais pourquoi ? dis-je incrédule.

‒ Arthur... Arthur m'a fait comprendre que j'avais eu un comportement déplacé envers toi vendredi soir.

‒ Arthur t'as dit ça ?

‒ Pas vraiment. Il m'a plutôt dit «Espèce de connard, tu l'as fait flipper. Ne recommences plus où je te casse la figure.» dit-il en l'imitant.

‒ Oh...

Je ne sais pas quoi dire d'autre. Ça me surprend qu'Arthur ait remarqué ça et encore plus qu'il ait pris ma défense. On ne se parle jamais.

‒ Je ne sais pas trop ce que j'ai fait et il n'a pas voulu me le dire. Mais peu importe, la prochaine fois je ferai attention.

‒ Ce n'est rien. Tu n'avais plus les idées claires à cause de l'alcool.

‒ Non ce n'est pas rien. Je suis vraiment désolé. On s'entend grave bien et tout... Je ne voudrait pas que ça casse quoi que soit dans notre amitié.

Notre amitié... Comment lui dire que je ne le connais trop peu pour le considérer comme un ami. L'autre nuit, après que Tom et Alice m'aient aidé sans me poser la moindre question, j'ai compris qu'eux étaient de véritables amis. Cela ne fait qu'un mois que je les connais, mais je suis avec eux tous les jours non stop. Et dans la nuit de samedi, ils m'ont prouvés que je pouvais compter sur eux. En revanche Stan... Je ne lui ai parlé que trois ou quatre fois. Certes, nous partageons une passion pour les livres mais je ne me sens pas plus proche de lui que ça.

‒ Pas de souci. Je ne te connais pas encore assez pour émettre un jugement sur toi à cause d'une seule incartade.

J'espère lui faire comprendre que nous n'en sommes pas encore au stade d'ami. Ce qui ne risque pas d'arriver tout de suite, étant donné que mes amis ont toujours été constitués d'amie et non d'ami. 

This Unforgettable NightOù les histoires vivent. Découvrez maintenant