Chapitre vingt : Mila

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J'ai essayé de lui dire mais il m'a envoyée chier avant de me plaquer contre un mur. Ca fait plusieurs jours que je tourne en rond dans mon salon, préparant un speech débile alors que je me connais, je serai incapable d'aligner deux mots.

    Demain je pars pour la France. Les nouveaux papiers d'identité de Oskar ont au moins le mérite de me donner une nationalité française. J'ai pris cette décision sans en parler à Nate, ni à Peter pourtant, je dois bien les informer et comme en bonne employée modèle que je suis, je me dis que le plus tard sera le mieux. Voir, pas du tout en fait. Je pourrais décrocher et leur annoncer "Salut, je ne suis pas disponible, je suis en France". Peter me tuerait. Nate essayerait peut-être de comprendre avant de se venger et de m'envoyer faire les pires missions possibles. Je me demande même si je ne préfère pas sniffer de la coke, plutôt que de devoir lui annoncer mais voilà, j'ai culpabilisé et j'ai demandé à les voir. Alors j'ai rendez-vous dans une heure et demie. Bon, le plus gros reste à venir, le dire à Henders. Je ne peux pas le poignarder dans le dos. C'est ce que je vais faire mais il mérite d'être au courant même si je n'ai pas pris son avis en compte. Eryne n'est pas au courant. Non. Personne n'est au courant.

    J'attrape ma veste, regarde dehors pour vérifier le temps, il pleut et fait quasiment déjà nuit. Je prends mon portable et ouvre la porte. Merde. Il est là. Il fallait que je le croise sur le pallier, aujourd'hui, maintenant.

- Salut.


    Ma bouche est sèche. J'ai l'impression d'avoir mangé un saladier de semoule nature. Il est magnifique même s'il porte juste un sweat et un jean. J'ai le droit de me rouler en boule sous son sweat ? Juste une minute, je voudrais me cacher dessous, sentir sa chaleur m'apaiser, son coeur battre dans mes oreilles et ne rien penser à rien d'autre qu'à cette parenthèse.

    Son portable vibre dans sa main. J'appuie sur le bouton de l'ascenseur. Non, je devrais prendre les escaliers. Allez, à trois je lui dis. Je lui dis et je m'en vais. Un... Deux...

- Il paraît que tu vas voir Peter, tu veux qu'on fasse voiture commune ?

- Non.


    Vu sa réaction, j'ai peut-être répondu trop rapidement. Allez, je peux le faire. J'en suis capable. Il appuie sur le bouton de l'ascenseur. Non. Je vais prendre les escaliers. Je suis une femme forte, indépendante, souriante... souriante ? Je ne suis pas vraiment certaine de l'être en ce moment. Je m'approche de la porte des escaliers. Je lui dis et je me barre. C'est aussi simple que de dire bonjour. Je suis incapable de lui dire bonjour. J'ouvre la porte. Pourquoi c'est trop dur ? Ca l'était beaucoup moins de l'annoncer à une tombe. Je prends une inspiration. Passe une main dans mes cheveux. A trois. Un... Deux... Trois...

- Je suis enceinte, tu es le père mais je vais avorter, je débite.


    Je descends les marches en courant. Je ne veux pas voir sa réaction. Je ne veux pas lire le regret, la déception, la tristesse. Alors je cours. Je saute plusieurs marches. J'ai bien fait de mettre mes baskets. Je suis essoufflée. Je n'entends pas de pas derrière moi. Il ne m'a pas suivi. Je pousse la porte du garage et me dirige à pas plus lent vers ma voiture. Je fais attention. Je regarde partout, guettant qu'il ne soit pas là.

    Je me fige. Il est appuyé contre le capot de ma voiture, les bras croisés sur sa poitrine et me regarde de haut en bas. Il ne dit rien. J'essaye de l'ignorer mais ce n'est vraiment pas facile. Je le contourne, ouvre ma portière et je suis plus soulagée lorsqu'il se redresse et s'en va. Mais ce soulagement est de courte durée. Il ouvre la portière passagère et s'installe à côté de moi. Je suis dans la merde. Il veut parler. C'était beaucoup plus facile quand Oskar était mort. Je n'avais pas à me soucier de sa réaction parce qu'il était mort. Censé être mort. Est-ce qu'il m'a suivie ? Est-ce qu'il m'a vue aller à la clinique en Espagne ?

[L.3] LOVE & POETRYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant