Chapitre dix : Mila

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Je me penche au-dessus du lavabo, fini mon maquillage par le rouge à lèvre légèrement rosé avant de me redresser, satisfaite. Léger, sophistiqué et travaillé. Pas de paillettes, de provocation ou de tape-à-l'oeil. Je réajuste une mêche de cheveux qui tombe sur mon épaule et la coince dans la tresse qui rejoint un chignon. Une coiffure travaillée mais légèrement désorganisée et qui m'a pris bien plus d'une heure en appel visio avec Eryne. C'est elle qui sait se coiffer. Généralement, je me contente de lâcher mes cheveux avec un brushing.

- Bon et tu vas où habillée comme ça ?

Eryne est toujours affiché sur mon écran contre le miroir.

- Je ne sais pas. Henders est revenu de sa pause clope en me disant "va t'acheter une robe, on sort".

J'essaye de prendre sa voix, ce qui ne manque pas de faire rire Eryne. La porte s'ouvre derrière moi faisant apparaître Luka. Il est habillé d'un costume et mon dieu ! Il est magnifique.

- Je ne parle pas comme ça. Aller, bouge de là.

Je me redresse et mon cœur rate un battement quand je sens son contact sur ma peau. Même Eryne de l'autre côté du téléphone ne dit rien, ce qui devient très étrange. J'entends la fermeture de ma robe et sens mon corps se comprimer. Il dépose ses mains sur mes hanches, s'approche de mon oreille. Je sens son souffle chaud et l'odeur de café enivre mes narines.

- Rappelle-toi que tu m'appartiens. Tu en auras besoin quand tous les hommes s'approcheront.

Je déglutis puis reprends ma respiration quand ses mains quittent mon corps. Je ne réfléchis pas, m'empare de mon téléphone et me dépêche de sortir de cette salle de bain avant que ça ne dégénère, qu'il ruine ma coiffure et mon maquillage.

Je ne sais pas ce que je veux avec Henders. J'aime le sexe, c'est indéniable mais je ne sais pas si je veux plus. Non. Je ne veux pas plus. Je veux que l'on continue de jouer au chat et à la souris. Je veux qu'il me chasse. Je ne veux pas de lui dans mon coeur. Il faut que je ferme cette porte que j'ai déjà fermée pendant trois ans mais j'ai l'impression qu'il est en train de faire céder mes barrières. Je préfère lui faire croire que je ne veux que du sexe et rien de plus. Je dois me retenir de frissonner quand il me touche, faire continuer mon cœur de battre quand il me chuchote à l'oreille et surtout arrêter de le vouloir. Il veut que je lui appartienne mais je dois lutter pour aller voir quelqu'un d'autre. Je ne lui appartiens pas. Non. Oskar est le seul homme de ma vie et restera le seul homme de ma vie.

- Mila, je dois raccrocher mais on s'appelle demain.

Je la laisse faire pendant que je place la bande élastique contre ma jambe. J'ai l'impression de mettre une jarretière le jour d'un mariage. Je ne peux réfréner un sourire en pensant à ce jour. J'avais bien une jarretière blanche sous ma robe. Le mariage était quelque chose de léger. Il n'y avait que nous puis j'avais demandé à mes sœurs d'être mes témoins, Oskar avait demandé à un ami. On a signé les papiers à la mairie en tenue de civil puis on a pris la voiture direction la Slovénie. On ne s'est quasiment pas arrêté depuis Barcelone.

***

Neuf ans plus tôt

Arsenia et Rosa me regardent avec leurs faux sourires plaqués sur leur visage. On fait ça en douce, dans le dos de papa et maman. Arsenia est la cadette et elle n'a jamais été contre nos volontés alors que Rosa qui a deux ans de moins que moi a tenté de me raisonner mais elle ignore pourquoi je me marie avec Oskar. La veille, on s'est disputé. Les bouteilles ont volé, les murs ont tremblé et les chats du quartier ont fui. Ses reproches résonnent encore dans ma tête.

- Tu te maries sous un pseudonyme ! Papa va être fou de rage quand il l'apprendra !

- Papa n'apprendra rien parce qu'il n'en sera rien.

[L.3] LOVE & POETRYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant