Chapitre vingt-six : Mila

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Quatre ans plus tôt

    Je suis encore à la bibliothèque en train de réviser. Ralf est en face de moi, le nez plongé dans ses livres. Sa tignasse brune n'a plus aucune tenue contrairement quand il arrive le matin ou même s'il ne se coiffe pas, il a un semblant de tenue. Il porte son sweat de révision et quand il place le bout de son crayon dans sa bouche c'est qu'il est en train de se questionner. Nos partiels arrivent bientôt. On n'a pas le droit à l'erreur.

    Je baisse la tête prête à me replonger dans la procédure pour placer un défibrillateur automatique implantable. L'intervention dure entre trente et soixante minutes, réalisée sous sédation et anesthésie locale. Ensuite je me redresse, ferme les yeux. Je m'imagine prendre un scalpel, faire une légère incision entre quatre et cinq centimètres sous la clavicule droite ou gauche. Puis je trouve la veine, m'aide du système de radiologie pour placer des sondes qui relient son cœur à l'appareil. Je les place correctement à l'intérieur du cœur. Je souris. Je peux sentir son coeur battre entre mes mains.

- Qui est-ce que tu opères ?

- Bart, cinquante ans, a une insuffisance cardiaque sévère. Le défibrillateur va lui permettre de traiter ses arythmies ventriculaires

- Comment tu fais ?


    J'ouvre les yeux tout en souriant.

- Tu n'as pas observé la procédure ?


    Il referme son livre dans un bruit qui résonne à travers la bibliothèque et commence à ranger ses affaires.

- Si et tu avais l'air de savoir y faire.


    Je le suis, rangeant mes affaires à mon tour. Il ne reste plus que nous à l'étage de la bibliothèque. Dehors, il pleut, il fait nuit mais Oskar ne rentre pas ce soir. Du moins, je n'ai reçu aucun message et avant de partir il m'a annoncé qu'il partait un mois. Ça ne fait que trois semaines.

- Bien sûr que je sais m'y faire.

- On mange ensemble ?

- Chez Franck ?

- Ok mais je paye cette fois-ci.


    Je hoche la tête. On n'a pas mis un pied dehors que je grimpe sur son dos. Il attrape mes jambes et je pose mes bras sur ses épaules.

- On n'est pas un peu grand pour faire ça ?

- Grand ? On n'a que vingt-trois ans. On ne sort pas en boîte. On ne participe pas aux soirées étudiantes et on fait des nuits de six heures maximum.

- Et Oskar, ça ne le dérange pas ?


    Je hausse les épaules. Il ne m'en a jamais parlé.

    Ralf me dépose devant la porte et l'ouvre en me laissant passer. Je lui fais une imitation parfaite d'une révérence avant d'entrer. On s'installe au comptoir comme à notre habitude. Franck ne nous questionne même plus sur ce que l'on veut manger parce qu'on prend toujours le même repas. Hamburger frites. Ce n'est pas très diététique mais c'est tellement bon. Je ne m'en lasserai jamais, surtout ses frites si croquantes et moelleuses à l'intérieur.

- Tu pars en vacances cette année ?


    Je hausse les épaules tout en buvant une gorgée de bières. Je ne sais pas vraiment où je pourrais aller. Oskar peut avoir des missions d'un instant à l'autre et je ne tiens pas à être planté sur une plage ou au milieu d'une ville. Peut-être que l'on partira en week-end ou peut-être pas. En ce moment, quand il rentre il est crevé. Il dort. Je suis à la fac. C'est à peine si on se croise la journée.

[L.3] LOVE & POETRYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant