Chapitre 2 || Exutoire

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Pdv Max

Une fois rentrée, je laisse tout traîner dans l'entrée et pars directement prendre une canette de thé glacé dans le frigo.

Je me blottis dans le plaid de mamie en humant son odeur, comme chaque jour depuis sa mort mais le temps passe et l'odeur disparaît. Un téléfilm pourri avec une histoire d'amour bidon passe à la télé et je somnole devant. Ma canette finit par tomber et se renverser sur le tapis.

-MERDE !

Je me lève d'un bond et ramasse la canette, je la fixe pendant quelques secondes avant de la balancer contre le mur. Mes mains tremblent et j'ai besoin de me défouler. Mon regard tombe sur la petite table basse que je renverse d'un coup de pied puis je jette la télécommande contre la télé et l'écran explose.

La colère qui me submerge est si dévastatrice que même moi je ne peux rien y faire. J'ai trop mal, je suffoque dans mon propre corps. Tout passe entre mes mains, les coussins, les lampes, la table du salon avec cette horrible nappe jaune recouverte d'olives. J'ouvre le buffet et balance tous les verres en cristal auxquels elle tenait tant. Les assiettes, les flûtes, l'argenterie, sa théière en fonte, son service à thé en porcelaine bleu et blanc, même le service à sushis que j'adore.

Dix minutes sont passées, durant lesquelles j'ai complètement ravagé le salon, tout est brisé, comme mon cœur. Plus rien ne peut être réparé, comme mon cœur. Même le cadre où nous posions devant la plage l'été dernier est détruit, comme mon cœur.

Je prends le plaid qui traine par terre parmi les déchets et le secoue avant de me diriger vers la porte de sa chambre.

Je dors dans son lit depuis son décès, pour avoir le sentiment qu'elle est encore avec moi. Je sens la bonne odeur de sa lessive au jasmin sur les draps, son oreiller à mémoire de forme, sa couette double épaisseur parce qu'elle avait toujours froid.

Je m'allonge du côté droit, parce qu'elle dormait toujours à gauche et que j'aurais l'impression de prendre sa place. Je regarde la table de nuit, elle est comme ma mamie l'a laissée.

Il y a sa lampe de chevet rose pâle, son réveil-matin qui ne fonctionne plus depuis bien longtemps et dont elle n'a jamais pris le temps de changer les piles. Un cadre où nous étions toutes les deux trempées après une bataille d'eau avec les enfants du quartier. Son visage est lumineux, tout comme le mien, parce que nous étions ensemble. C'était l'été dernier quand nous avions organisé la fête du quartier. J'avais fait au moins deux cents bombes à eau avec des ballons. Une fois le jeu mis en place, les enfants avaient commencé à courir partout, même les adultes y avaient pris part rapidement.

Je n'ai plus de contact avec mes voisins, ça me fait trop mal de les voir. Je repense à tous les bons moments que nous avons passés ensemble. Des moments où elle ne sera plus jamais là, qu'elle ne partagera plus avec nous.

Ils ont tenté de m'aider, ils m'apportent des plats pour m'éviter que je fasse à manger, ils demandent sans cesse des nouvelles. J'ai juste arrêté de leur ouvrir la porte quand ils sonnent et quand je les croise dans les couloirs ou dans les escaliers, je les fuis.

C'était avec elle qu'ils avaient des relations. Moi j'étais juste sa petite fille débarquée de nulle part. Pourtant la plupart m'ont accueilli les bras ouverts et ils continuent de le faire. Ce sont sûrement les miens qui se sont refermés désormais.

Je m'allonge sur le dos et regarde la pièce en énumérant chaque chose, chaque objet de la chambre. Ça m'aide à m'endormir et je me remémore des souvenirs.

L'étagère d'angle, à droite où est posée sa télé et où nous passions des soirées entières à regarder des émissions de téléréalité. Moi, du côté droit et elle du côté gauche, un saladier de pop-corn entre nous, un pot de glace chacune, crème glacée fraise pour moi et chocolat menthe pour elle.

Affarione, Tome 1 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant