Entre deux mondes

Chapitre 5 : la découverte

Alexiane, en ce moment précis, avait l'impression, à chaque seconde qui passait, qu'elle allait faire une chute vertigineuse depuis le véhicule aérien d'Annie. Et ce malgré les rappels de cette dernière qui n'arrêta pas de lui soutenir, sans l'ombre d'une quelconque lassitude, qu'elle ne risquait absolument rien. La trentenaire ne put s'empêcher de s'agripper de toutes ses forces à la jeune infirmière comme si sa vie en dépendait. Elle finit par craquer et lui demander, avec une once de peur dans la voix :

« Tu pourrais ralentir s'il te plaît? »

« Pourquoi ? Questionna Annie. Tu ne te sens pas bien ? Tu as envie de vomir? »

« Non, c'est juste que.... Je trouve que tu vas trop vite et je n'ai pas vraiment l'habitude de voyager en l'air de cette manière. On ne volait pas de mon temps. Enfin, je veux dire pas comme cela. Et très honnêtement, j'ai un peu peur... » avoua Alexiane.

« Tu as quoi ? » demanda la brune souriante à sa passagère.

« Peur, reprit Alexiane. J'ai peur. Ou j'ai la trouille si tu préfères. »

Elle avait beau savoir que Annie maîtrisait l'engin, elle était encore moins rassurée de la voir se retourner vers elle. Mais à son grand soulagement, le véhicule ralentit puis se stoppa net.

« Tu as peur? » S'étonna Annie. Elle regarda Alexiane avec des yeux écarquillés au maximum.

« Oui. Affirma Alexiane. En quoi cela est-il étonnant ? C'est interdit d'avoir peur au sixième millénaire? »

« En quelques sorte. Répondit l'infirmière. Pour t'expliquer un peu, il est vrai que nos scientifiques ont trouvé le moyen de faire naître des enfants... Comment dire.... différents par rapport à ton siècle. Aujourd'hui, quand nous naissons, nous ne connaissons que le sentiment de joie. Je vais t'avouer quelque chose.... Au même moment, son engin s'arrêta net dans les airs et se mit à flotter comme une barque au milieu d'un lac. Depuis mon enfance, j'ai regardé par mal de choses sur l'histoire de l'humanité. Je me suis renseigné sur les mœurs et la vie des gens d'autrefois. J'ai vu beaucoup de simulations en trois dimensions dans ma tête comme si je vivais parmi ces gens. Et c'est ainsi que j'ai appris ce qu'étaient les émotions, ce que vous possédiez. Vous connaissiez ce que vous appeliez colère, peur,tristesse, surprise... Mais ces choses-là nous sont totalement inconnues. C'est vers l'an 3000 que les savants ont crée les premiers humains dépourvus de ces sentiments. À force de manipulations génétiques, ils ont finit par atteindre leur but. C'est pour cela que nous sommes toujours joyeux quelques soient les circonstances. Je sais que ces sentiments sont considérés comme signes de faiblesse, mais malgré tout, au fond de moi je suis une femme curieuse et j'aurais sûrement aimé savoir ce que ça fait de ressentir ce genre de sensations. Ne serait-ce quelques minutes. »

« Vous.... créez vos enfants? » interrogea Alexiane d'un air plus que choqué.

« Oui. Et ce depuis que les utérus artificiels sont opérationnels, soit depuis environ l'an 2030. Les scientifiques de ton époque avaient crée des prototypes pas très longtemps après ta mort, et après plusieurs expériences, les premiers bébés artificiels sont nés en parfaite santé. Et cette pratique est devenue banale un peu partout dans le monde, celui qui fut ta Terre autrefois j'entends. Cela a été une grande avancée pour la science et pour les femmes. Plus de nausées, plus de risques de descente d'organes, plus de risques de fausses couches parmi d'autres soucis. Et cela est plutôt une bonne nouvelle, non? » se réjouit Annie.

La trentenaire répliqua d'un air qui lui parut énervé :

« J'aurais voulu, moi, porter le vie quitte à subir les désagréments de la grossesse. Je n'ai pas eu cette chance ! »