KATE
23 novembre, Staten Island, New-York City
J'ai toujours détesté prendre l'avion. Mais aujourd'hui je n'ai pas le choix, si je veux participer au concours de pâtisserie qui peut faire décoller ma carrière, je dois faire des sacrifices. Même si ça m'engage à passer le vol au-dessus des toilettes. J'ai encore deux heures avant le départ de mon avion mais j'ai une terrible manie d'arriver toujours en avance quel que soit la situation. Je m'occupe donc avec des magazines et résiste à l'envie de m'acheter un paquet de chips qui doit certainement être deux fois plus cher que la moyenne. Quand une hôtesse annonce au micro que mon vol est prêt à l'embarquement, je me dirige derrière toute une foule de gens, avec la boule au ventre. Une fois assise sur mon siège, je me rends compte que je suis près du hublot. Ce qui pourrait être une bonne nouvelle si je n'avais pas l'habitude de vomir toutes les trente minutes. Je me prépare à demander à mon voisin d'échanger nos places dès que celui-ci arrivera, mais il n'est jamais venu. Ce qui m'arrange bien en fin de compte. Durant le vol, je n'ai étrangement pas envie d'aller aux toilettes. Bien que j'aie essentiellement passé le temps en vidant la fontaine à eau de l'aéroport, ma vessie me reste fidèle. Bien-sûr cela n'empêche pas les vomissements qui sont de plus en plus récurrents. Une hôtesse reste près de moi en cas de désastre, ce qui me stresse un peu plus que je ne le suis déjà.
L'atterrissage s'est bien passé. Certaines turbulences ont failli me refaire tomber malade mais à vrai dire je n'ai plus rien dans le ventre. C'est pourquoi je décide de m'acheter un brownie aux pépites de chocolat hors de prix en attendant mon deuxième avion pour Los-Angeles. Il est vingt-deux heures et j'ai encore une heure et demie d'escale avant de prendre mon prochain avion en direction de l'aéroport de Santa Monica. Je me mets près de la fenêtre et regarde la neige tomber accompagnée d'un torrent de feuilles mortes. Je manque de m'endormir à plusieurs reprises, j'ai hâte d'arriver jusqu'à mon hôtel. Je me réveille en sursaut de ma mini sieste lorsqu'une annonce résonne dans le hall, informant que tous les vols de ce soir sont annulés jusqu'à nouvel ordre à cause de la tempête. J'ai envie de pleurer. Il est hors de question que j'appelle ma mère à la rescousse alors que je ne l'ai même pas prévenue de ce départ. Je dois vite trouver une solution avant que tous les taxis ne soient pris. Je ne sais même pas si on peut circuler avec toute cette neige. Je me dirige vers la sortie et j'ai la chance de trouver un chauffeur peu de temps après.
-Bonsoir, où est-ce que je vous emmène ? Me demande l'homme à l'avant.
-Dans le motel le plus proche s'il vous plaît.
La route est parsemée d'une neige épaisse. Heureusement, les taxis de Chicago sont équipés de pneus neige, ce qui me permet d'arriver à destination après quinze minutes et sans encombre. Je remercie le chauffeur qui m'aide à transporter ma deuxième valise jusqu'à l'entrée du petit motel en bois dans lequel j'espère pouvoir passer la nuit. Dès que je passe les portes, une vague de chaleur me réchauffe de la tête aux pieds. Le hall est petit mais très chaleureux. Des lumières éclairent l'accueil dans lequel se tient une réceptionniste souriante. Je me dirige vers elle, priant pour qu'une chambre soit encore libre.
-Bonsoir, je vous en supplie dites-moi qu'il vous reste une chambre. Je suis prête à dormir dans la salle d'entrée s'il le faut.
-Je vais voir ce que je peux faire.
Je souffle de soulagement quand une voix résonne derrière mon dos.
-Bonsoir, j'espère que vous avez de la place pour une personne de plus.
Un homme grand et brun se tient maintenant à mes côtés. Son visage m'est étrangement familier. La réceptionniste annonce qu'il ne reste plus qu'une chambre et qu'il est impossible de dormir dans l'accueil du motel.
-S'il y a un canapé je suis prêt à partager. Dit l'homme en me regardant comme si on se connaissait depuis longtemps.
Quel culot ! Je suis arrivée avant. C'est à moi de décider si je veux partager ma chambre ou non. Je n'ai même pas le temps de donner mon avis que l'hôtesse réserve la chambre et nous y conduit. Sans surprise, la suite comporte un canapé. A croire qu'il connaissait l'endroit par cœur. La femme nous donne une carte chacun et nous souhaite une bonne nuit avant de retourner à son poste. Un blanc s'installe dans la suite mais il est vite coupé par une voix rauque.
-Comment vas-tu, Kate ?
Merde ! Je savais bien que je le connaissais. Je choisis de ne pas m'en préoccuper et répond :
-Super ! Et toi ?
-Tu ne me reconnais pas. J'ai raison ?
Quelle micro-expression ai-je laisser apparaitre pour qu'il le devine ? J'ai un peu honte de l'avouer, mais je ne peux pas mentir là-dessus. C'est pourquoi je choisis d'être franche.
-Non. Désolée...
-On était dans le même cours de théâtre au lycée, avec Mme Wilson.
Ça y est, je me souviens. Mark Anderson.
-Tu t'étais moqué de mes nouvelles chaussures. Mon ton est froid, ce n'est pas un très bon souvenir car c'est mon père qui me les avait offertes, et je les adorais !
-Ça me chagrine que tu te souviennes de moi comme ça, mais oui.
-Tu pensais me voir sauter de joie ?
-Non. Je suis désolé. J'étais stupide et je m'en rends compte trop tard.
-Tu es pardonné. C'est vrai qu'elles étaient moches. Maintenant si tu me permets, je vais me coucher. J'ai eu une journée difficile.
Je pars vers la chambre avec mes valises et je l'entends me dire bonne nuit d'une voix basse lorsque je ferme la porte. Je m'allonge sans retenue sur le lit qui n'attend que moi. J'enfile mon pyjama en vitesse et pars me coucher en pensant à ma journée. Quelle coïncidence de le croiser ici. Je me demande ce qu'il faisait. Je réfléchis à ce que je vais faire demain. Je devrais peut-être appeler ma mère, mais j'appréhende sa réaction.
Lorsque je me réveille, le soleil éclaire déjà les rideaux de la chambre. Je prends mon téléphone puis regarde l'heure. Un message apparait, le concours de pâtisserie est annulé lui aussi à cause des tempêtes de neiges qui s'abattent sur le pays. Aucun des participants n'a pu s'y rendre. Ma journée commence super mal. Mon vol retour est prévu pour le vingt-sept décembre et je ne pense pas que d'autres vols sont prêts à partir de sitôt. Je vais devoir appeler ma mère, ce que je redoute fort. Je sors enfin de mon lit et me rends dans le salon. Je n'avais pas remarqué à quel point la suite est grande. Ça va me couter cher. Je trouve un mot sur la table du salon :
J'ai dû partir tôt ce matin, c'était sympa de te revoir.
PS : J'ai payé la chambre.
Mark.
Finalement je n'aurais pas à dépenser d'argent. Je ne sais pas en quoi c'était "sympa de me revoir" alors que l'on a à peine discuté. Ce doit être l'effet de nostalgie.

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𝑼𝒏 𝒏𝒐𝒆𝒍 𝒂 𝑪𝒉𝒊𝒄𝒂𝒈𝒐
Short StoryLorsque le concours de pâtisserie de Kate est annulé, elle se retrouve coincée dans sa ville natale. Pensant repartir au plus vite, comment va-t-elle réagir quand elle croisera le chemin d'un ami d'enfance ?