Chapitre 2 - Guet - apens

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Maintenant


Elle longeait les longs couloirs sombres et pressait le pas. Elle n'avait pas vu l'heure passer trop contente de retrouver ses amies d'enfance, Clémentine et Nadine. Elles avaient dîné puis fini la soirée dans un bar du Marais à Paris. Inséparables depuis qu'elles s'étaient rencontrées en CE1, elles se surnommaient la bande des quatre : Clémentine, Nadine, Camille et... Johanna.

Il manquait Johanna, sa meilleure amie, celle qui la faisait rire, qui lui racontait tout, celle qui l'écoutait et qui l'appelait tous les soirs.

Vingt ans plus tard, Clémentine avait réalisé son rêve et s'occupait d'écologie maritime à Nantes. Nadine était installée à Lyon et avait lancé son activité de paysagiste. Quant à Camille, elle s'occupait de la rééducation des enfants hospitalisés. Elle adorait ce qu'elle faisait, redonner le sourire aux enfants en souffrance. Et elle avait posé ses valises dans la capitale.

Les trois amies se retrouvaient dès qu'elles le pouvaient et se racontaient leurs vies, leurs amours, leurs joies et leurs peines....Elles se parlaient de tout...

Sauf de Johanna.

C'était le sujet tabou.

Camille tenait absolument à prendre le métro pour rentrer chez elle. Il était à peine 23h00. Le vent s'engouffra par un couloir, elle referma sa veste et remit en place son béret. L'automne s'était bien installé. La prochaine fois, elle mettrait son manteau. Elle ajusta ses longs cheveux noirs et les serra bien dans l'élastique. C'était presque un plaisir de vadrouiller à une heure aussi tardive dans ces couloirs. Pas un bruit, quelques personnes par-ci, par-là. Elle pouvait prendre le temps de marcher, elle n'avait aucune chance d'être bousculée comme c'était souvent le cas aux heures de pointe.

Malgré tout, Camille ne voulait pas s'éterniser. Dans le métro, à cette heure-ci, elle ne se sentait pas à l'aise. Elle remonta son châle au niveau de son nez pour éviter les odeurs d'urine et de transpiration qui se dégageaient de ces longs tunnels.

Ses pas résonnaient. Elle regardait à droite et à gauche. Elle commençait presque à regretter la foule. Au moins, s'il y avait du monde autour d'elle, elle n'aurait pas ressenti ça...

La peur.

Car à cette heure de la nuit, elle pouvait voir des personnes seules comme elles. Certaines revenaient d'une soirée et rentraient chez elles mais d'autres semblaient louches. Elle s'en méfiait.

Elle trouva vite le panneau indiquant la direction de Laumière et attendit sur le quai.

Quatre minutes.

Elle lut le panneau lumineux qui était suspendu sur le quai.

Il n'y avait personne.

Quelquefois, quatre minutes peuvent sembler vraiment longues. Elle attendait de voir le métro sortir du tunnel tout sombre. Au moins, elle pourrait se mêler à d'autres personnes.

Les lèvres pincées, elle bougeait ses pieds de droite à gauche pour chasser ses démons. Ses yeux bruns scrutaient les alentours. À 27 ans, Camille empruntait souvent les transports en commun le soir pour rentrer chez elle pour ne pas dévaliser son budget alloué à ses sorties trop vite.

Mai au fond d'elle, elle ne parvenait pas à se défaire de ce se sentiment d'insécurité.

Elle s'imaginait rebelle et audacieuse et pour se calmer, elle répétait en son fort intérieur qu'elle serait chez elle dans une vingtaine de minutes. Elle avait rassuré ses copines en leur disant que son chemin de retour était tellement simple et "safe", alors qu'à chaque fois, elle revêtait comme un masque facial pour rester anonyme. Le visage sans expression, le regard droit au loin pour rester invisible dans la foule.

Pourquoi ne pouvait-elle pas voyager sereinement ?

Alors qu'elle se posait toutes ces questions, son sang se glaça. Un inconnu approchait d'elle. Avec ses trajets en métro, Camille avait acquis comme un sixième sens, elle reconnaissait le danger.

Cet homme se tenait trop près d'elle et sans le voir, elle savait qu'elle le mettait dans la catégorie individu louche. Sa démarche était féline, il ne semblait pas pressé d'aller quelque part et surtout, elle sentait son regard malsain posé sur elle.

"Mince, vite, le métro doit arriver," se dit-elle paniquée.

Elle restait immobile, à regarder en face d'elle.

Je ne dois pas tourner la tête. Je ne dois pas lui donner de l'intérêt, je suis invisible.

Son cœur battait à la chamade. Ses doigts étaient moites et elle pouvait sentir des gouttes de sueur perler sur ses tempes.

Je dois appeler quelqu'un. Qui est réveillé ? Qui peut venir me chercher ?

Camille vivait dans un appartement près du quai de la Loire dans le dix-neuvième arrondissement avec sa colocataire. Jeanne était malheureusement en week-end avec son copain.

Et Camille avait rompu avec son compagnon il y avait déjà plusieurs mois. Elle pensa à ses parents et voulait les appeler pour se donner un peu de courage. Mais ils étaient capables de rouler toute la nuit depuis la Rochelle pour s'assure que leur fille aille bien.

"Je reste calme", se dit-elle.

Enfin, le métro arriva. Elle pressa le pas pour faire diversion et sauter dans une rame avant que l'individu n'ait le temps de la suivre. Une technique qu'elle maîtrisait pour marcher vite tout en ne montrant aucun sentiment de peur. Elle s'engouffra dans la première rame, derrière celle du conducteur, mais elle entendit des pas la suivre.

L'homme était entré dans la même rame qu'elle. 

Le passeur d'âmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant