Chapitre 9 - La première prise

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Camille se dirigeait vers la salle de sport. Elle avait passé l'après-midi avec les enfants à leur concocter un atelier d'Halloween, elle avait imaginé une chasse au trésor pour les faire marcher, activer leur motricité et qu'ils puissent s'amuser en même temps. Ils avaient tellement adoré qu'ils lui en avaient redemandé un autre.

D'ailleurs, elle s'était mise à ce projet pendant son temps libre, elle créait des activités que pouvaient pratiquer ensemble des enfants avec différentes pathologies. Elle inventait aussi des chasses au trésor auxquelles tous les enfants pourraient participer. Elle avait lancé un site internet et embarqué deux personnes qu'elle avait rencontrées, au fil de ses recherches, une fille passionnée par le développement web et une autre qui aimait le marketing.

Elle arriva à l'intérieur de la salle. Philippe l'attendait, il finissait de ranger les tapis, les raquettes et les vêtements. Certains sacs traînaient par terre, on aurait dit que les enfants avaient oublié leurs affaires. Ici gisait une serviette, là-bas, une bouteille d'eau, un peu plus loin, elle voyait un tee-shirt.

Cet homme l'étonnait, impossible de deviner son âge. Il se dégageait de lui comme une énergie qui enlevait tous ses problèmes et il avait un charisme incroyable.

— Vous allez bien ? lui demanda-t-il en se tournant vers elle. Vous m'avez l'air beaucoup mieux.

Ses yeux verts brillaient quand il la regarda.

Elle ne pouvait s'empêcher d'être attirée par son regard. Elle s'imaginait plonger dans ces yeux. A l'intérieur, elle était comme attirée par une force intérieure. Elle y voyait ses rêves. Elle devenait une femme libre, qui prenait la bonne décision, qui osait. Oui, elle se voyait flotter et être apaisée. Elle qui passait sa vie à porter son fardeau depuis que Johanna n'était plus là.

La sensation lui parut incroyable, elle se sentait capable de devenir cette femme.

Une larme coula sur ses yeux.

— Qu'est-ce qui se passe ? Vous me regardez comme si j'étais Dieu et puis vous pleurez, lui dit Philippe.

— Oui, vous dégagez une telle sérénité. J'ai l'impression d'être capable de choses que je ne pensais pas possibles pour moi.

— C'est ce que j'essaie d'inculquer à mes élèves. Avec de l'entraînement, de la discipline et de la volonté, tout est possible. Après, à chacun de décider pour soi. On commence demoiselle ?

— Je suis là pour apprendre.

— On va tenter une prise simple. Imaginons la situation de l'inconnu qui vous a suivie. S'il avait cherché à vous attraper par derrière en agrippant votre col, comment pouvez-vous vous défendre ? Essayez de visualiser ce qui se passe.

— Ok.

Camille ferma les yeux et imagina une attaque par derrière elle. L'inconnu avait ses deux mains sur son cou.

— Ouvrez les yeux. Vous allez prendre le rôle de l'assaillant. Mettez vos deux mains sur mon cou derrière moi.

Camille s'exécuta et Philippe commença à expliquer la prise tout en faisant les gestes.

— Vous avez les deux mains sur mon cou. Je dois me défendre et riposter. Mon but est de me mettre sur le côté pour que je vous désaxe. Donc, je tourne ma tête sur la gauche, je vous regarde. Ensuite, je déplace mon pied gauche sur le côté et je le place derrière vos pieds. Je pivote mon bassin et là je suis sur le côté, mes pieds bien en équilibre et vous êtes à présent sur ma gauche avec vos deux mains toujours sur mon cou. Ok. Suivez bien. Je lève à présent mon bras gauche et je le mets au-dessus de votre bras jusqu'à agripper votre coude que j'encercle, ça va le bloquer. Il ne me reste plus qu'à prendre mon bras droit et vous lancer le coup de poing le plus fort possible dans votre cage thoracique ou carrément sur votre visage. L'assaillant est assommé, il ne me reste plus qu'à fuir le plus vite possible.

Tout en expliquant la prise, Camille se trouva placée sur le côté de Philippe. Elle le voyait dorénavant sur sa droite. Il mit son pied derrière elle et bloqua d'un coup son bras gauche. Sa cage thoracique et son ventre étaient complètement exposés et ses bras bloqués. Elle reçut le coup fictif sur le visage.

— J'ai compris dit-elle. On la refait ?

Ils s'entraînèrent un long moment puis Philippe lui demanda de faire les frappes avec la raquette. Cette fois-ci, elle parvint à cogner avec précision.

— C'est déjà mieux, lui disait Philippe.

— Oui, je me sens vraiment bien.

Ils finirent la séance avec des exercices de souplesse et de relaxation.

— La prochaine fois, on verra une attaque frontale. Contrairement à ce qu'on pense, il faut boire de l'eau tiède voire chaude pour se désaltérer après une séance intense. Je voulais me faire du thé, je vous prépare une tasse ?

— Volontiers, dit-elle.

— Thé vert ou infusion de plantes ?

— Je vais prendre une infusion. Merci.

Camille le suivit dans la cuisine.

— Vous n'allez pas rentrer trop tard chez vous ? lui demanda-t-elle

— Oh, ma famille est habituée. Quand je suis dans ma salle avec mes élèves, je me donne à fond, à mon âge, on a besoin de transmettre des valeurs pour cette nouvelle génération. Et quand je rentre chez moi, je profite avec les miens.

— Vous avez des enfants ?

— Oui, je suis marié, je vis avec mon épouse et nous avons deux enfants, j'ai un garçon et une fille, comme je vous l'avais déjà dit. Ils font mon bonheur. Maintenant, ils ne vivent plus avec nous mais ils viennent nous voir très souvent.

— Vous devez être un père génial.

— Je leur transmets ce que je peux pour qu'ils tracent leur route. Dès fois, on y arrive, d'autres fois, on voudrait les secouer un peu !

— Vos élèves aussi ont de la chance de vous avoir.

— C'est moi qui suis chanceux.

Elle alla vers le mur où étaient affichées toutes ces photos. Les enfants riaient avec leur maître. Dans une autre photo, on voyait les mêmes enfants plus grands toujours souriants.

— En plus, vos élèves restent fidèles au taekwondo, ils continuent avec vous ?

— Oui, c'est vrai, quand mes élèves commencent, habituellement, on reste ensemble un bon moment. J'ai le temps de leur apprendre les leçons de la vie.

Camille regarda une autre photo et une fille la toucha particulièrement. Avec ses longs cheveux blonds, sa peau pâle, elle ressemblait étrangement à Johanna.

J'ai réussi Johanna, si tu savais, pensa-t-elle.

Oui j'ai vu ça.

Était-ce vraiment Johanna qui lui répondait ou ses pensées qui lui jouaient des tours ?

J'ai appris à me défendre. J'aurais pu te défendre et tu serais avec moi aujourd'hui. Tu me manques si tu savais.

Tu me manques aussi.

Philippe sortit de la cuisine avec deux tasses fumantes et ils s'assirent tous les deux sur le banc dans la salle.

— Alors qui est Johanna ? lui demanda-t-il

— Qui vous a parlé d'elle ? Elle le regardait, les sourcils froncés et les lèvres pincées.

— C'est vous, quand vous avez fait votre malaise, vous n'arrêtiez pas de répéter son nom.

Le passeur d'âmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant