Chapitre 12 - Ah ces yeux !

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Elle sortit lentement de l'escalier. Ses mains étaient moites, son cœur battait fort. Elle se sentait bizarre, elle essaya de respirer lentement pour faire passer ce mélange d'angoisse et d'excitation. Raphaël lui avait donné rendez-vous à la station Pont Neuf. L'air frais lui caressa le visage. Elle l'apercevait déjà, il l'attendait et lui souriait. Habillé d'un blouson couleur camel, il portait un jeans sombre et un pull en laine couleur brique, il était plutôt élégant pour une balade sur les quais. Ses cheveux étaient coiffés et il avait mis du gel. Il s'était préparé pour leur rendez-vous.

Dès qu'il la vit, il la scruta rapidement de la tête aux pieds, elle se sentait presque gênée. Elle avait choisi une tenue simple, un pantalon slim noir, un pull camel, une parka et ses derbies préférées. Elle avait relevé ses cheveux en une queue de cheval et s'était légèrement maquillée.

— Tu es magnifique, lui dit-il.

Elle était déjà mal à l'aise et baissa les yeux. Pendant quelques minutes, ils marchèrent sans se voir, ni se parler. Les arbres avaient revêtu leurs couleurs automnales. Les feuilles frémissaient et tourbillonnaient. Les rayons du soleil se reflétaient sur le fleuve. Ils se dirigeaient lentement vers le Pont des Arts dans un silence gênant. Camille se décida à briser la glace. Décidément, Raphaël était carrément coincé.

— Alors comme ça pour un premier rendez-vous, tu as prévu une soirée à rallonge ?

— Oui, je voulais qu'on ait du temps pour nous.

— Ok, ça va être vraiment long si on reste silencieux comme ça, on en aura du temps !!

Elle éclata de rire. Il mit la main dans ses cheveux comme pour se donner un peu de courage et lui sourit.

— Avec toi, je ne vais pas avoir de répit, allez autant se jeter dans la gueule du loup si je veux te garder toute la soirée avec moi !!

— T'as tout compris.

— Tu sais, j'ai revu le scénariste, lui dit-il.

— Et alors ?

— On va travailler ensemble les ajustements. Je lui ai sorti tes arguments et ils ont plutôt convaincu le bonhomme. Tu veux bien devenir ma négociatrice, franchement, tu serais trop bien ?

Ils se mirent à rire en chœur et ce simple rire changea tout. Ils étaient revenus dans leur bulle dans ce café avec leurs discussions enflammées ou encore au téléphone quand ils pouvaient rester des heures et des heures à se raconter leurs vies.

— Et moi, j'ai parlé aux enfants à l'hôpital.

— Ah oui ?

— Je leur ai dit qu'on allait leur projeter un film de Noël. Tu as une idée ? Je cherche un dessin animé poétique pour des enfants de 4 à 6 ans.

— Tu pourrais leur proposer une série de petits dessins animés. Je me rappelle d'un court métrage sur une histoire entre un papa et son enfant. Ce sont deux locomotives. C'était émouvant. Il y a aussi cette histoire d'une petite fille qui vit dans les rêves et qui va rencontrer des amis imaginaires et l'univers est poétique, sans paroles. Celui-là est absolument incroyable. Je te ferai une liste et tu regarderas ce qui te plaît.

— Je veux bien. Alors qu'est-ce que tu as prévu pour ce soir ?

— Je ne vais pas tout te dévoiler sinon tu risques de partir. On va sur le pont ?

Ils marchèrent, se taquinèrent et n'arrêtaient pas de parler de tous les sujets qui leur passaient par la tête. Elle remarquait seulement qu'il n'aimait pas parler de sa famille, alors elle évitait le sujet, ça lui convenait bien car elle ne voulait pas évoquer Johanna, pas encore.

Son téléphone sonna. Elle regarda qui appelait. Quentin ! Le banquier !

Non, pas maintenant ! Qu'allait penser Raphaël ? En plein pendant leur rencard.

Elle décida de répondre même si c'était le pire moment, elle allait sans doute décevoir Raphaël, mais elle ne pouvait pas rater cette occasion. Elle allait enfin dire à Quentin ce qu'elle pensait. Elle s'excusa vis à vis de Raphaël en lui disant que c'était important et s'éloigna le long des quais.

— Camille, tu es disponible ce soir ? Je suis à Paris, lui demanda Quentin.

— Tu me préviens maintenant ?

— Pour tout te dire, j'ai pris un billet eurostar à la dernière minute car je voulais te voir. Tu voudrais qu'on se retrouve dans un restaurant ?

Camille observait Raphaël au loin. Il regardait la Seine, accosté sur la rambarde. Elle avait trouvé une personne attachante, sensible et qui s'intéressait profondément à ce qu'elle était. Et puis si ça ne marchait pas entre eux, tant pis, dans tous les cas, elle n'irait pas voir Quentin.

— Écoute Quentin, la dernière fois, je n'ai pas été honnête avec toi, je pense que nous avons tous les deux des intérêts complètement différents. Je ne rêve pas d'aller à New York. Donc, je pense que tous les deux, ça ne peut pas marcher. Il vaut mieux que tu rencontres la personne que tu feras rêver. Je suis vraiment désolée.

Il y eut un long silence.

— Non, tu as raison de me dire franchement ce que tu penses même si c'est dur à entendre. Je suis déjà envieux du garçon qui te fera rêver. À bientôt Camille.

Elle raccrocha. Pour une fois, elle avait réussi à affronter une difficulté. Clairement, elle n'avait pas besoin d'être aimée de Quentin et puis c'était mieux comme ça. Il avait compris.

Elle se dirigea lentement vers Raphaël, en entendant ses pas, il se tourna vers elle. Il vit ses yeux rayonnants. Il comprit qu'en elle, quelque chose s'était affirmé.

Ses yeux bruns la happaient. Elle voyait son regard empli de tendresse et puis d'autre chose aussi. Un mélange d'envie et de désir.

Sans hésiter, elle s'approcha de lui. Il la serra contre lui d'un coup et quand elle leva les yeux vers lui, elle l'embrassa. 

Le passeur d'âmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant