Chapitre 7 - Le premier pas

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Camille avait retrouvé Justin ce matin dans la salle de rééducation. Il était tellement content de la voir qu'il lui avait offert un dessin. Elle était touchée par son geste. Les enfants lui apportaient tant de bonheur. Elle avait d'ailleurs réussi à convaincre plusieurs associations et réunissait ainsi à l'hôpital toutes les semaines des dizaines d'enfants qui pouvaient se rencontrer, jouer ensemble et s'entraider. Malades ou pas, handicapés ou pas. Ils s'amusaient autour de thèmes qu'elles définissait. Elle passait ensuite son temps libre à imaginer des activités pour eux. Grâce à ces échanges, Justin avait énormément progressé en langage et motricité. Et il avait réussi à se faire des copains. C'était une énorme victoire pour cet enfant si timide.

En l'espace de quelques jours, le petit garçon s'était remis de son opération. Il pouvait marcher lentement. Ses parents se tenaient à ses côtés et ils l'encourageaient.

— Justin, à cette allure, tu vas bientôt marcher sur la Lune, lui disait son père.

Le garçon souriait et continuait à marcher malgré la douleur.

Il était transporté par ces paroles bienveillantes. Camille aussi s'était sentie bien avec Philippe. Elle ne saurait l'expliquer. Après sa crise la semaine dernière, il s'était occupé d'elle comme un ami ou plutôt comme un père avant de la raccompagner chez elle. Il ne lui avait posé aucune question et elle n'avait rien dit. Il lui avait juste tenu la main longtemps et sa présence lui avait procuré un bien fou.

Pourtant, elle ne le connaissait pas. Il l'avait encouragée en lui disant que dorénavant, elle irait mieux. Elle saurait se défendre.

Camille avait insisté pour continuer les cours, elle voulait apprendre à se battre maintenant et secrètement, elle aimait sa présence. À ses côtés, elle avait l'impression d'être revigorée.

La tête remplie de toutes ces pensées, elle sortit le midi s'acheter un sandwich, elle avait envie de se promener ensuite au parc à côté pour profiter du calme et remettre de l'ordre dans ce qu'elle ressentait.

Les rues étaient animées. Elle marcha rapidement pour se réchauffer, elle ressentait l'air glacé sur ses membres habitués à la douce chaleur de l'hôpital.

Arrivée au café, elle regretta de ne pas être arrivée plus tôt, la queue démarrait depuis la porte d'entrée. Elle réfléchit vite à ce qu'elle avait envie de commander, elle prendrait un sandwich aux tomates séchées, à la mozzarella et au pesto. Elle imaginait son planning : trouver un banc dans le parc, manger rapidement et marcher à sa guise dans les allées ombragées.

Satisfaite de son choix, elle se mit à observer les gens. Devant elle, un couple se disputait. L'homme voulait prendre un burger et des frites et sa copine tentait d'argumenter en lui disant que ça n'était pas sain. Elle apercevait des parents avec leurs deux enfants. Elle réfléchit, les vacances d'automne avaient déjà commencé. Elle prenait plaisir à entendre leurs discussions "c'était trop chouette le musée ce matin maman, après on fait quoi ?" La plus petite fille sautait partout. Avec les enfants, c'était tellement simple d'apprécier le moment.

Camille se le disait chaque jour. Elle voulait être dans le moment et ne plus penser à ses problèmes. Elle ne savait même pas pourquoi elle avait du mal à se battre ou à se défendre. Depuis petite, elle s'était dit que le monde irait mieux sans violence, mais sans doute était-elle trop extrême ? Elle devait aussi faire comprendre aux autres qu'elle ne pouvait pas tout accepter. Elle en était consciente. En réalité, elle s'était enfoncée dans ses convictions mais elle n'avait pas réussi à s'affirmer dans ses convictions. Alors à quoi bon ? Une pensée la frappa. Elle aurait pu choisir de se défendre et d'attaquer avec les mots. Mais elle n'y était pas encore parvenue.

Le passeur d'âmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant