Chapitre 4

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Je n'ai pas vraiment compris là où Joshua voulait en venir Cependant, je n'ai pas eu le temps d'y réfléchir. Les rapports lus dans le bureau du roi ne m'ont pas vraiment rassurée, ils m'ont finalement donné encore plus envie de parler à mes parents. J'arrive vite dans les appartements où loge Marlee.
Maintenant  que je suis devant sa porte, j'hésite. J'ai l'impression que je ne l'ai pas vu depuis une éternité. Elle m'avait proposé de lui rendre visite, mais les récits de Maxime et Jojo me disant que leur père passait de plus en plus de temps chez elle ne m'avait pas donné envie de la revoir. De plus, je l'avais soupçonnée de faire l'intermédiaire entre le roi et ma mère, ce que je n'approuve pas. Cependant, j'ai aujourd'hui besoin d'elle. Je frappe à la porte de bois d'un mouvement décidé. Pendant quelques secondes, je reste plantée là sans qu'on ne vienne m'ouvrir. Puis j'entends du mouvement de l'autre côté de la porte.
- Oh... Victoria ! Que fais-tu là ?, me fait Marlee de sa voix douce quand elle m'aperçoit en ouvrant.
D'une traite, je lui réponds :
- J'ai besoin d'appeler ma famille.
Marlee semble très légèrement surprise de mon attitude un peu directe. Mais elle n'attend pas pour me répondre avec un sourire aimable :
- Bien sûr... Heu... Tu peux attendre une seconde ?
C'est à cet instant que je remarque une expression un peu gênée sur le visage de l'amie de ma mère.
- Qu'y-a-t-il ?, je ne peux pas m'empêcher de demander d'un ton suspicieux.
Je vois que le malaise s'installe doucement sur le visage de Marlee. Elle qui a l'air si douce, si honnête et bienveillante, ça ne colle pas avec son personnage. Et là je l'entends. Une voix que je ne m'attendais pas à entendre ici me parvient. Elle n'est pas très forte mais certaines paroles arrivent malgré tout jusqu'à moi :
- ...oin de vous Ame. Tu as Céleste, garde-la près de toi, elle pourra vous protéger d...
Je comprends alors que Marlee n'est pas seule. Et je ne suis pas la seule à avoir eu l'idée de contacter ma mère. Le roi est là.
Marlee me bloquant le passage pour rentrer, je lui demande le plus poliment possible :
- Tu peux me laisser passer s'il-te-plait Marlee ?
Voyant mon expression ferme, elle se décale pour me laisser entrer. Ce que je fais en sentant une certaine colère monter. C'est à moi d'appeler ma famille ! Et pas à Maxon !
- Majesté !!, je lance d'une voix presque plus sèche que je ne le veux.
Je n'ai pas besoin de dire un mot de plus. Quand le roi m'entend l'interpeller et me voit avancer dans la pièce, il blanchit soudainement et se tait d'un seul coup.
J'entends vaguement la voix de ma mère qui sort du combiné comme un murmure.
- Maxon ? Tu es là ?
Après un instant de flottement pendant lequel Maxon et moi nous nous regardons dans les yeux sans rien dire, la voix déformée de ma mère revient :
- Maxon ??
Ce dernier se reprend subitement. Il se reconcentre sur le téléphone et lance simplement à travers le combiné :
- Je te passe ta fille.
Sur ce, il me tend le combiné, en me regardant intensément mais sans un mot. Dans son regard, je ne vois pas le roi qu'il est aujourd'hui, il a quelque chose en plus. Peut-être ce quelque chose qui faisait de lui le prince qu'il était lors de la dernière Sélection.
J'attrape le téléphone et demande d'une voix beaucoup moins assurée que quelques instants plus tôt.
- Maman ? Tout va bien ?
La réponse me fait trembler :
- Pas vraiment ma Vica.

Bon... Finalement, le bilan n'est pas si catastrophique. Heureusement.
Ma famille n'a pas subi d'agression. En fait, c'est plutôt sur le moral que ça pourrait aller mieux. Au niveau de la réputation, on sent bien que notre caste 0 n'est pas un avantage. Quand ma mère a répondu que tout n'allait « pas vraiment bien. », elle pensait surtout à ça. Et surtout à mon frère...
Cône ne parvient plus à trouver de travail. Il fait bien des petits boulots mais à cause de l'étiquette que lui colle la caste 0, beaucoup refuse de le prendre à son service. Ma mère s'inquiète pour son moral. J'ai pu lui parler un peu après avoir entendu ma mère. Il m'a avoué que cette situation lui pesait. Parce qu'être de la caste 0 et être de plus rejeté par tout employeur potentiel était difficilement supportable. Très mal vu...
J'ai ensuite appris - avec stupéfaction - de la bouche de mon père que Mrs. Keenmer avait des difficultés à retrouver des commandes en ce moment. Après mon départ, la couturière qui m'employait a repris à son service une jeune fille de caste 0. Ce qui a déplu à certains de ses grands clients qui aimerait apparemment empêcher les castes 0 de, je cite : « voler l'emploi de vrais citoyens qui ont une vraie caste, donc une vraie place ». C'est étrange... Toutes ces discriminations étaient bien présentes avant l'histoire de l'humiliation publique, mais elles étaient comme en sommeil. J'ai l'impression que l'article de journal a réveillé ces rancœurs. Comme si les rendre officielles avait suffi à les rendre parfaitement tolérables ! Je trouve ça écœurant...
Après la conversation avec mes parents, je suis allée me réfugier dans ma chambre. Personne n'est venu me rendre visite et je ne me suis levée pour personne. J'avais besoin de calme. De réfléchir à tout ça. Comment une situation peut-elle basculer aussi vite ?
Là, je repense à mon frère. Quand il m'a raconté ses difficultés avec sa recherche d'emploi, j'ai hésité à lui demander la raison pour laquelle il avait quitté le restaurant. Cependant, maintenant que j'y pense, je me félicite de m'être retenue. En réalité, je me demande s'il a vraiment quitté ce travail volontairement, ou bien s'il y a été forcé, à cause de cette discrimination contre la caste 0. Plus j'y pense, plus je me persuade que c'est le cas. Je ne préfère pas embêter mon frère avec ce souvenir de perte d'emploi certainement peu agréable.
Le reste de la journée a semblé me filer entre les doigts. Rose a profité de l'événement pour nous faire un cours d'histoire sur l'apparition de la caste 0, sur le pourquoi elle a été créée et sur les bienfaits qu'elle va pouvoir apporter à la société. J'ai trouvé ça d'un maladroit affligeant. C'était tellement visible qu'elle essayait de nous convaincre pour nous garder de leur côté... Ce n'est pas nous qu'il faut convaincre ! Ce sont ceux qui méprisent les gens de ma caste, et qui les martyrisent !
Du reste, je n'ai pas bien dormi cette nuit-là. Quant au jour suivant, il est passé aussi vite que celui de la veille. C'est seulement deux jours plus tard que le prince nous a enfin annoncé quelque chose d'intéressant...

La Sélection de Victoria (T2) - Confidences Où les histoires vivent. Découvrez maintenant