Chapitre 9

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Avec Maxime, on a relu la lettre de ma mère plusieurs fois. Celle-ci est tellement étrange... Et quand je dis étrange, ce n'est pas étrange comme d'habitude. Autant dans de précédentes lettres, elle me demandait des nouvelles de Maxon "comme si de rien n'était" mais de façon vraiment suspect, autant là elle ne le mentionne presque pas. Elle fait allusion à la famille royale oui, mais en parlant des rancœurs que le peuple a envers elle ; envers le système, envers les décisions que le couple royal prend pour changer Illeá. Mais qu'est-ce qu'il a ce peuple ! Pourquoi semble-t-il être tant sur les nerfs ? Au fond de moi, j'ai ma réponse. J'imagine que c'est pareil que pour la caste 0 : les gens ont peur du changement.Et puis en même temps, je conçois qu'il soit plutôt facile pour une personne de caste élevée de râler contre le changement. Ils sont en bonne position en haut de l'échelle ! Ils ne voient pas l'intérêt de retirer le système de caste… C'est pourquoi ils en veulent à la famille royale. Enfin tout de même... Je me demande à quel point ce sentiment fade les anime. Depuis l'intérieur du palais, il est assez difficile de se rendre compte.
- Est-ce que tu sentais que des gens étaient mécontents quand tu étais encore chez toi ?, me demande Maxime au bout d'un moment.
Je réfléchis un instant. Je ne veux pas spécialement parler de la rancœur que mes parents avaient envers tout ce qui touchait de près ou de loin au palais. Celle-ci venait d'histoires très personnelles.
Quant à mes amis, et bien je n'ai jamais trop senti une quelconque colère pour la royauté. Quoique... -il y avait bien toujours quelques tensions envers la caste 0 mais j'ai toujours pensé qu'elles s'éteindraient avec le temps. A en croire le dernier procès sur l'affaire de l'humiliation, j'avais tort...
- Je n'en sais rien, je finis par répondre. Tu sais, on a toujours en tête l'histoire du tyran qu'était en quelque sorte -excuses-moi- ton grand-père. Alors peut-être que certains ont conservé une certaine méfiance envers la royauté mais...
Maxime me coupe :
- Alors c'est la Sélection qui a lancé le déclic dans la tête de tous ces rageux !
Intriguée par son air à la fois sûr de lui et par son hypothèse intéressante, je lâche simplement :
- Développe.
Il fait une mimique étrange et tente d'expliquer son point de vue :
- Bah... disons que la Sélection –celle de papa, pas celle de Jojo–, c'est un peu ce qui a révélé à tout le monde le caractère manipulateur de grand-père Schreave. Du coup, le palais dois avoir peur que ça recommence. Faut dire que quand à la fin de la Sélection, tu apprends que tout ça était une diversion et que tu t'es fait arnaquer au possible...
Oui... Tu deviens méfiant, ça se tient. Je réfléchis. Ce n'est pas bête. Maxime continue :
- Et puis ça expliquerait pourquoi papa est mort de trouille à l'idée de faire la moindre erreur. Si le peuple craint de se faire arnaquer, il va augmenter la surveillance et comme le dit ta mère dans son message...
- Si on fait une seule erreur au palais, je finis à sa place : ils nous le reprocheront à la seconde.
En même temps, j'ai l'impression que quelque chose d'autre cloche. Il est vrai que cette explication excuserait le comportement étrange du roi. Mais en même temps... -je ne sais pas... -j'ai l'intuition qu'il y a encore autre chose. On tient presque la réponse mais... -il y a encore autre chose. Ma mère m'a dit de faire très attention. C'est carrément une mise en garde ! Mais au moins grâce à sa lettre j'ai conscience de ce qui se passe. Je vais tenter de faire attention. Et je vais réfléchir encore un peu à tout cela.

Maxime et moi avons fini par quitter ma chambre.
- Désolée de nous ralentir encore avec ces béquilles, mais ce n'est pas évident, je rappelle à Maxime que je force à marcher à deux à l'heure.
- Pas grave, on n'est pas press...
Soudain, Maxime s'interrompt.
- Quoi ?, je le questionne.
Je le vois me faire signe de me taire un instant. Je tends alors l'oreille et entends un rire venir du couloir adjacent. Deux rires même.
- Mais... Ce n'est pas Jojo ?, je lâche stupéfaite et surprise.
En écoutant plus, je secoue la tête. Non. On dirait un peu son timbre mais le "caractère" du rire ne lui ressemble pas vraiment. À ce moment, je m'aperçois que Maxime a les sourcils froncés. Apparemment, il a son avis sur la question mais ne compte pas me le partager.
- Mouai, dit-il simplement alors qu'un deuxième rire, plus féminin, reprend avec le premier. Un garde et une camériste sûrement, lâche-t-il plus pour lui-même.
Je hoche la tête et finis par conclure :
- Viens. Continuons. Ne restons pas planté là.

La Sélection de Victoria (T2) - Confidences Où les histoires vivent. Découvrez maintenant