Chapitre 8

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- Hey ! J'ai battu mon record là non ?
Je lance un sourire fier à Maxime.
- Hum... Ouai... Possible. MAIS PAS LE MIEN !!
Le petit diable me tire la langue et s'élance, ses chaussettes le faisant glisser sur le sol de la salle de bal. Cette nuit, on s'est retrouvé là tous les deux, et Joshua ne devrait pas tarder à nous rejoindre.
- Alors ? C'est qui le vétéran de la glissade ?!
Je ris.
- Tu vas voir !
Je m'élance à la poursuite de Maxime en dérapant sur plusieurs mètres ! Quand soudain, je ressens une douleur dans la cheville.
- AHHH !!
Mon pied se tord légèrement et je perds l'équilibre.
- Vica !, cri Maxime en voyant la scène.
Je m'étale par terre comme... -une poupée de chiffon. Et à ce moment même, j'entends des éclats de rire incontrôlés venus de l'autre bout de la pièce.
- J'arrive... tellement au bon moment... apparemment..., fait la voix de Joshua qui est plié de rire sur le battant ouvert de la grande porte. Tu t'es cassé la gueule comment, si je peux me permettre ?, reprend mon prince en me servant un petit regard d'excuse.
Je lui lance un regard noir et fais la grimace :
-  En me foulant la cheville... Alors si tu pouvais également "te permettre" de venir m'aider...
Jojo perd son sourire à ces paroles pour prendre une expression inquiète.
- Ah mince... Vraiment ? Tu t'es fait mal ?
Joshua et son petit frère s'approche. Une douleur légère mais bien présente m'élance la cheville.
- Je crois que ça va, je dis. J'ai un peu mal mais...
Maxime secoue la tête.
- En fait, c'était peut-être pas malin les glissades...
Jojo examine délicatement ma cheville. Il l'effleure doucement pour estimer les dégâts.
- Aïe !, je lâche.
- C'est vraiment une entorse je crois. Bon, je t'emmène à l'infirmerie.
Je hausse les sourcils.
- Maintenant ?
Avec Maxime, on échange un regard entendu. Je vois que le petit diable pense à la même chose que moi : il est presque 1h du matin... Si on débarque tous les trois à l'infirmerie à cette heure-là, avec ma cheville foulée en prime, les infirmiers risquent de nous poser beaucoup de questions.
- On peut peut-être attendre demain, propose Maxime d'une voix un peu hésitante en regardant son frère. Rester couché n'aggravera pas la blessure d'ici là non ?
On se regarde tous les trois un instant sans rien dire. Finalement, on se met tous à rire devant nos têtes dépourvues et la situation cocasse. Ce n'était pas vraiment prévu cet incident...
- Bon, je finis par dire. Rester couchée ok. Mais sur le sol c'est peut-être pas l'idéal...
Jojo s'empresse de lancer :
- Je vais te porter jusqu'à ta chambre. Et on t'accompagnera demain à l'infirmerie. Tu leur diras que tu t'es foulée la cheville en... -en...
Maxime termine la phrase de son frère avec un sourire en coin :
- En te levant du mauvais pied.
Ces paroles nous arrachent un nouveau petit rire.

BORDEL DE...de... de pantoufle !!
Une semaine minimum en béquille ! Super...
Maxime, Jojo et moi sommes restés encore presque une heure à discuter dans ma chambre la nuit dernière, ma cheville allongée. Comme l'après-midi après avoir quitté la chambre de Valentine, je n'ai pas pu voir Jojo pour lui parler du dernier renvoi, j'en ai profité à ce moment. Il m'a confié, comme je m'en doutais, que de faire un renvoi collectif était une idée à son père. D'après lui, c'était une bonne chose de faire ça devant les caméras ça plairait au peuple...
Mouai...
Oh... en parlant du roi Schreave : ça ne serait pas lui ? Si, c'est bien ça. Il vient d'entrer dans l'infirmerie alors que je suis assise au bord d'un lit, une infirmière me bandant la cheville à mes côtés. Ce matin, c'est Maxime qui m'a accompagnée ici : il m'attend également.
- Oh. Miss Léger. J'ai entendu dire que vous vous étiez fait mal. J'espère que ça n'est pas trop grave.
Sans attendre ma réponse, il se tourne vers son plus jeune fils une expression impatiente plaquée sur le visage.
- Max, tu sais où es ton frère ?
Sa demande est rapide, sans sourire, et me fait m'interroger. Comme Maxime hausse les épaules, son père nous tourne le dos pour repartir aussitôt dans l'autre sens. Avant qu'il ne sorte, je remarque le journal qu'il tient à la main. Une idée me traverse l'esprit.
- Vous avez lu le journal aujourd'hui ?, je demande innocemment à l'infirmière qui me soigne.
- Oui madame.
- Et... heu... Il y avait quelque chose à propos de la Sélection dedans ?
A ma grande surprise, la femme prend un air un peu énervé.
- Oh... Quelques bêtises oui.
Voyant que j'attends la suite, elle me dit :
- Mademoiselle, c'est que... -certains trouve que la Sélection n'est pas assez... -croustillante.
Je fronce les sourcils.
- Croustillante ?, je répète, incrédule.
- Eh bien... -oui. Ils aimeraient que les caméras immortalisent plus de... –de rendez-vous, de rapprochements, de... -bécotages. Vous comprenez ?
Je soupire. On n'avait pas besoin de ça...

Bondidiou ! C'est tellement pénible les béquilles. Maxime m'accompagne à la sortie de l'infirmerie.
- Et ben... J'espère que tu vas t'en remettre vite. Sinon je vais être obligé de t'appeler l'Éclopée !
Je ricane. Ah... Heureusement que mon petit diable préféré est là pour me réconforter dans ce genre de situation.
- Bon... On va prendre le petit déjeuner maintenant ?
Je hoche la tête en clopinant dans le couloir.
Alors que l'on parcourt le couloir à vitesse diminuée, de par ma blessure, j'aperçois plus loin une silhouette qui semble attendre. Je n'y fais d'abord pas attention mais, plus l'on se rapproche, plus j'ai l'impression que c'est tout simplement nous que cette personne attend. Je ne la reconnais pas tout de suite. C'est un homme en costume de garde. Ah ! Mais oui... C'est le fils de Miss Marlee. Dis-donc, cela fait un moment que je ne l'avais pas vu celui-là. Comment s'appelle-t-il déjà ? Ke... Ka... Kile. Oui, Kile je crois. Maxime l'a apparemment remarqué également. Mais il ne dit rien avant qu'on arrive à sa hauteur :
- Qu'est-ce que tu veux toi ? C'est nous que t'attends comme ça ?
Le ton de Maxime est assez sec. Kile esquisse un demi-sourire de salutation, puis baisse la tête subrepticement sur mes béquilles avant de répondre :
- J'ai un message pour Mademoiselle Léger.
Ça : ça sent le message venant de ma mère... Elle a dû téléphoner à Marlee ce matin, quand j'étais encore à l'infirmerie.
- Et bien, donne-le-moi alors, je fais en tendant la main et en tachant de lui sourire malgré les appréhensions qui commencent à poindre.
Kile me sourit également et me donne un bout de papier plié que Maxime voit passer d'un air intrigué.
- Voilà... Si tu veux y répondre, tu sais où venir.
Puis, sans un mot de plus, le jeune garde nous tourne le dos et repart. Maxime et moi restons quelques secondes à le regarder partir, puis je dis :
- Bon... Je vais aller manger dans ma chambre, histoire d'aller lire ça au calme.
Maxime semble hésiter une seconde, puis demande alors :
- Je peux venir ?
Je souris, amusée de sa curiosité très visible - Ah bah ça y est... Je l'ai contaminé ! - envers le message que l'on vient de me faire passer.
- Bien sûr. Et vu que je marche lentement, tu pourrais aussi te charger de me devancer pour aller demander aux cuisines à ce qu'on nous apporte la bectance dans ma chambre ?
Maxime hoche énergiquement la tête pour confirmer et sautille pour partir à la mission que je viens de lui confier. Tandis que moi, je fais demi-tour pour retourner clopin-clopant vers ma chambre.

"Ma Victoria,
Comment vas-tu ? Je n'ai pas eu beaucoup de nouvelles de toi depuis le procès qui a eu lieu il y a une semaine de ça. Dis-moi un peu ce qu'il se passe au palais. J'espère que tout le monde va bien.
Je ne sais pas si tu as déjà pu t'en rendre compte mais en dehors, l'atmosphère est... Comment dire ?... : étrange. Ta sentence au procès a réussi à calmer un peu les ardeurs contre notre caste et je t'en félicite grandement. Quand nous t'avons vu au bulletin ce jour-là, ton père, tes frères et moi avons été particulièrement fiers ! Tu as été formidable et chaque membre de la caste 0 doit te remercier. Cependant il n'y a pas que la caste 0. Il y a aussi la famille royale.
En ville, on entend de plus en plus de piques lancées contre les Schreave. Des phrases innocentes, des plaisanteries un peu bêtes, mais qui m'inquiètent tout de même un peu. J'ai du mal à croire que ces attitudes resteront anodines bien longtemps. Avec mes relations dans les hautes castes que j'ai grâce à mon travaille chez Céleste –tu sais, Mrs Newsome, la patronne de la rédaction–, j'entends des choses... Les gens semblent en grand nombre guetter les faux-pas des résidents du palais. Si vous faites des erreurs... -ils n'attendront pas pour vous le reprocher. J'aimerais que tu me fasses part de tes impressions. En avez-vous conscience au palais ? En y pensant, je me dis que les attaques contre la caste 0 étaient peut-être des attaques déguisées, pas tant envers ce système de destruction des castes que contre la famille royale. Enfin, j'ai un peu de mal à saisir. Notre roi n'est plus le souverain autoritaire d'autrefois. C'est peut-être justement cette relâche d'autorité qui incite toutes ces rancœurs gardées jusque-là bien secrètes à s'exprimer enfin, même si elles n'ont plus vraiment de raison d'être. Je ne sais pas trop...
Bref. Tu dois te demander pourquoi je te dis tout cela. J'avais besoin de te savoir au courant. De pouvoir être sûre que tu en aies conscience. Ma fille, il faut que tu fasses attention. Ne fais pas d'erreur. Renseigne-toi sur les attentes du peuple. Et essaie de faire preuve de bonne volonté...
(Message d'Ame à confier à Victoria le plus vite possible.)"

J'ai lu tout cela à voix haute, d'une traite. Maxime est immobile, sa fourchette en suspension au-dessus de son assiette. Cette lettre a l'air bien plus sérieuse que les précédentes... Je ne sais pas quoi dire. Enfin si. Une seule chose me vient. Je repose doucement le papier près de moi, relève la tête vers Maxime qui a l'air entre l'ahurissement, l'inquiétude et l'énervement, puis je lâche :
- Les attentes du peuple... Et ben le peuple, il commence à me casser les...

La Sélection de Victoria (T2) - Confidences Où les histoires vivent. Découvrez maintenant