Chapitre 8 - Partie 3 - Étann

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Awu me lappe le visage. Je repousse le loup de toutes mes forces et celui-ci couine pour que je le laisse faire. Il a la sale manie de venir lécher mes plaies quand je me blesse et mon front s'est ouvert durant l'incident. J'ai été émerveillé de constater que cela permet de guérir plus vite, mais là ce n'est pas le moment.

— Awu, geigné-je.

Je me relève avec difficulté et essaie de cacher ma gêne.

Ugh... Pourquoi fallait-il qu'il me rattrape ?

Nous sommes dans un état pitoyable. L'odeur délicieuse du bois mélangé à la pluie est partout autour de moi. Mes genoux flageolent. J'espère qu'ils croiront que c'est une des conséquences de l'entraînement et non pas l'effet de l'odeur de James-Karl.

Mon ventre se serre car ce dernier me fusille du regard.

— J'ai rarement vu quelqu'un d'aussi empoté, grommelle-t-il en se relevant.

La remarque me vexe bien plus qu'elle ne le devrait.

— Personne ne t'a demandé de faire ça, rétorqué-je.
— Non, c'est vrai. J'aurais dû te laisser t'écraser au sol. Au moins, tous mes problèmes seraient réglés.

Pauvre James-Karl. Il va me faire pleurer.

Il me rend fou de colère. Je m'essuie le visage avec mon chandail et étudie mon environnement des yeux. Il faut que je m'occupe.

— Qu'est-ce que tu fais ? demande-t-il.
— J'y retourne.

Je cours et prends de l'élan pour remonter dans les arbres et retenter ma chance. Son envie de me voir me louper alimente ma rage de vaincre. Je veux réussir. Je ne supporte pas l'échec. Je n'y peux rien. C'est avec une grande satisfaction que j'arrive à terminer l'ascension et que je retombe au sol. Je suis encore trop long et je manque d'agilité, mais au moins, je n'ai pas chuté.

Je me tourne vers James-Karl. Le soleil tape et il fait très chaud. Je souris de ma réussite et Awu semble partager ce sentiment. Le PackAlpha, lui, reste de glace.

— Encore.

Je me retiens de lever les yeux au ciel. Je sens que cette journée va être longue.

---

Il m'accule au sol. De nouveau.

Un grognement de frustration m'échappe. Mais pourquoi doit-on lutter ? Ça ne va pas nous servir à la chasse. C'est insupportable. Je n'arrive même pas à bousculer James-Karl. Je finis toujours par être immobilisé en moins de quelques secondes. Peu importe que je l'attrape aux hanches, aux cuisses ou au torse.

— Tu es trop permissif. Tu manques de concentration.
— Après quatre jours éreintants, on se demande bien pourquoi, marmonné-je.

Je me relève avec difficulté. Je commence sincèrement à en avoir plein le dos. Je suis en sueur, j'ai mal partout et l'odeur de James-Karl me rend nerveux. Celui-ci est, bien entendu, ravi de voir que je ne m'améliore pas.

— Tu te reposeras plus tard. Demain est ton premier jour de chasse et c'est à peine si tu réussiras à nous suivre.

J'ai envie de mordre quelque chose.

— Peut-être que je n'ai pas envie de vous suivre et que si on ne me l'avait pas imposé...

James-Karl émet un grondement si autoritaire que je me tais. Je retiens avec peine un couinement obéissant.

— Je t'assure que si Awu ne t'avait pas épargné, nous n'aurions pas perdu tout ce temps à entraîner quelqu'un qui va être un poids pour notre meute. Tu ne sers à rien. Tu ne sais pas te nourrir, tu ne sais rien faire de tes mains et tu ne représentes aucun intérêt pour la reproduction puisque tu n'es qu'un lycan mordu et transformé. Tu devrais être heureux que l'on te garde en vie.
— Oh, merci votre altesse. Vous êtes si bon, si miséricordieux. Va te faire foutre James-Karl.

Je tourne les talons. J'en ai marre. Je rentre au village.

Seul son grondement me prévient de ce qu'il va se passer ensuite et je ne m'en rends compte que lorsque mon dos rencontre le sol.

De nouveau.

Sans pouvoir m'en empêcher, je réponds à son avertissement par un grognement.

Il s'impose de tout son poids sur moi, m'attrape par la nuque et soudain, tout mon corps faiblit. Ses doigts s'enfoncent dans mon cou et mes glandes olfactives avec force. Ses griffes sont à peine sorties et mon ventre se retourne. Quelque chose en moi désire lui donner allégeance et ça m'étourdit. Son odeur puissante et boisée n'aide pas. Mes yeux papillonnent quelques secondes. Le grognement roule dans sa poitrine et son regard est perçant de domination.

— Tu as un sale caractère... Je te conseillerais de te taire.

Mes lèvres se retroussent et je comprends que c'est lui que j'ai envie de mordre.

Je dégage sa main d'un mouvement de bras et plisse le front.

— Je t'ai dit, de ne pas, me toucher, dis-je, les dents serrées. Tu es peut-être leur commandant, mais je ne suis pas ton laquais, ni ton serviteur. Je mérite le respect.
— Tu veux du respect ? Démontre que tu es digne d'être un chasseur. Ramène de la nourriture à la meute demain. Et peut-être que je te démontrerai le respect que tu quémandes.

La tension est palpable. Je fronce les sourcils quand, tout à coup, son comportement change.

Il m'attrape les cheveux et étire ma nuque vers le haut. Son regard a changé. Il semble pris d'interrogations. Il renifle l'air.

— Rien... murmure-t-il.

Mes yeux s'écarquillent. De quoi est-ce qu'il parle ? Il se baisse et mon cœur bat comme un fou dans ma poitrine. Non ! S'il découvre que je cache mon odeur, c'est terminé. Je me débats avec ferveur, mais il a bien trop de force. Il a l'air complètement envoûté par mon cou.

— James-Karl. Lâche-moi. Lâche-moi. Laisse-moi partir.

Sa poigne ne s'affaiblit pas. Je panique.

J'essaie de lui donner des coups de pieds, mais rien n'y fait. C'est terminé. Il va découvrir que je suis un Oméga.

— James-Karl ?!

Je tourne la tête avec hâte car l'Alpha a libéré ma nuque de sa prise sous l'interruption d'Ilan.

— Qu'est-ce que tu fais ?

Je m'extirpe de sous son corps et recule de quelques mètres. J'entoure mes jambes de mes bras.

J'ai eu chaud. J'ai eu chaud. J'ai eu chaud.

— Qui y a-t-il, Ilan ? demande James-Karl d'une voix contrariée.
— C'est Yann et Automne. Ils sont revenus.

Il se tait quelques secondes puis ajoute :

Seuls.

D'OR ET DE JAIS - Tome 1 & 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant