Chapitre 15 - Partie 3 - James-Karl

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— Il faut partir, exigé-je soudain.

— Quoi !? s'étonne Étann. James-Karl, qu'est ce que tu dis ?

Mes pensées se bousculent dans mon esprit. Je siffle Awu qui entre immédiatement dans la grotte nous rejoindre.

— Le village est en grand danger. Je pense qu'ils s'agit des bannis de la Guerre des Clans. Si tu me dis qu'ils se sont rapprochés des humains pour se nourrir et tuer vos troupeaux, cela veut dire qu'ils s'organisent et cherchent à se nourrir en meute. Je ne sais pas comment un loup féral peut survivre en communauté, ils sont déviants et ne répondent à aucune règle, mais... on dirait qu'ils ont trouvé un moyen. Nous devons retourner au village au plus vite.

— Non, non. Attends... Attends, dit-il en se levant à son tour et délaissant sa nourriture.

Il s'essuie la bouche avec le bras.

— Nous devons réfléchir avant toute chose. Comment peux-tu en être certain ?

— Le soir où nous t'avons trouvé et que tu as été mordu. C'était en réalité le soir où ils avaient prévu de nous attaquer au village. Tu viens de me dire que leurs traces t'avaient mené à l'endroit où nous t'avons attaqué. Cela veut dire qu'ils ont franchi la frontière de notre territoire depuis longtemps. Et ce jour-là, nous étions en chasse. C'est pour ça que tu es mort. Tu t'es trouvé sur le chemin de notre traque et... nous sommes des prédateurs. Awu a dévié sa route sur toi. Tu sentais le sang, et je suis désolé, ton odeur c'est quelque chose, mais ton sang... à ce stade, c'est juste impossible de rebrousser chemin. Awu t'a attaqué et comme tu le sais, nous avons déjà tué des humains auparavant. Nous ne les aimons pas et ne leur faisons pas confiance. Nous avons trop de passifs avec eux. Donc tu aurais dû mourir. Seulement, tu n'es pas un humain comme les autres et Awu t'a ramené au village juste après t'avoir mordu. C'était insensé. Je n'ai pas compris sa démarche. Seulement, tu t'es trouvé au milieu d'un conflit qui ne te regarde pas. C'était un hasard. Personne ne pouvait savoir qu'un humain se retrouverait là.

Awu commence à couiner sur la droite. Il a apparemment déjà compris ce qui se trame.

— Mais comment sais-tu que ces loups voulaient vous attaquer ?

– La Guerre des Clans. Quand elle a commencé, il y a eu une mutinerie. Ils ont trouvé le moyen d'écarter mon grand-père de la meute pour le capturer et l'assassiner devant la totalité du clan Roé. Je pense que ceux qui orchestrent cette rébellion réitèrent la même chose. Ils voulaient probablement me tuer. J'étais à la chasse et ils devaient attendre leur moment. Tu les as probablement dérangés. Quand Yann est parti avec son équipe. Je suis persuadé qu'ils les attendaient de pied ferme. Leur plan déjoué, ils ont dû trouver une autre stratégie. Et quand l'aîné Kim m'a annoncé qu'on était entouré par le feu, il m'a orienté vers toi et les humains... C'était si facile quand j'y pense. Je ne te faisais pas confiance et je n'aurais jamais pensé...

Il y a un traître dans notre meute. C'est encore difficile d'avaler l'information. Nous n'aurions jamais dû quitter le village. Comment est ce possible qu'on ait corrompu le conseil ? Ils ont tous vécu cette guerre atroce, perdu des proches, vu la cruauté de nos ennemis. Qu'est-ce qu'a à gagner l'aîné Kim dans tout ça ?

« Le pouvoir, James. »

Est-ce que Bomsu est avec lui ? Un de mes plus fidèles guerrier ? Ma poitrine se craquelle, c'est insupportable. Je dois voir ma sœur. Tout de suite. S'il lui est arrivé quoi que ce soit alors que j'ai été aveugle et stupide pour prendre une décision trop hâtive, je ne le supporterais pas. J'étais tellement focalisé sur Étann et ma colère envers les humains. J'ai été un tel idiot.

J'ai mis la meute en danger.

— Il faut y aller.

— James-Karl. Je suis en chaleur. Je... c'est une mauvaise idée. Nous ne sommes que deux, trois avec Awu, et... au village, ils sont nombreux, organisés. Ils ne se seraient pas laissés faire.

Ils ont besoin de moi. Je suis l'Alpha-Pack. Tout est ma faute. Je dois être près d'eux. Mon Alpha rugit de toutes ses forces dans mon ventre.

— Tu ne comprends pas, répliqué-je, les sourcils froncés. Ils vont tous les tuer... c'est...

— Et si c'était fait exprès ? Et si on avait, au contraire, voulu te faire croire que le village serait assiégé ? Ces loups nous ont déjà attaqués au lac, puis une nouvelle fois, quand nous avons quitté le village. Qu'est-ce qui a changé ?

— Ce qui a changé Étann, c'est que je pensais que c'était toi, l'attaque des loups sauvages en sortant du village et ce loup ignoble au bord du lac, que tout ça, c'était à cause de toi. Que c'était de ta volonté, même inconsciente. Mais je me suis trompé sur toute la ligne. Il ne savent même pas qui tu es. Ils... ils veulent juste se venger.

— Mais de qui voudrait-il se venger ? On ne m'a jamais dit que vous aviez des ennemis. Pour moi, vous étiez en haut de la chaîne alimentaire.

Je laisse un soupir m'échapper et je ferme les yeux quelques instants.

— Nous sommes en haut de la chaîne alimentaire, oui. Mais même parmi les lycans, le pouvoir a un attrait particulier.

— Qui pourrait vous en vouloir de la sorte ?

— La meute Sylaé, déclaré-je. Nous avons gagné la guerre, mais il semblerait que ce ne soit pas terminé.

— Je continue de dire que l'on ne devrait pas partir comme ça. Pour le moment, ils ne peuvent pas nous attraper dans cette grotte.

— Je ne laisserai pas mon village se faire détruire et ma meute décimée en me cachant comme un lâche !

La colère me noue la gorge et je serre le poing.

— Je repars au village. Ce n'est pas une question. Tu peux rester là si tu le souhaites, mais je m'en vais.

L'Oméga fronce les sourcils. Il a l'air d'être en grand débat avec lui-même. Quelques instants plus tard, il se baisse pour attraper ma chemise et me l'envoie. Je l'enfile sans rien dire. Il fait de même avec la sienne.

— Je ne resterai pas en arrière. Si, comme tu le dis, les autres ont réellement besoin de nous. Je veux aider, annonce-t-il.

Je hoche la tête et nous éteignons le feu à la hâte. À l'entrée de la grotte, je regarde derrière moi pour vérifier que je n'oublie rien, puis Awu jappe pour lancer notre départ.

Nous dévalons la pente rocheuse, l'objectif sera d'atteindre l'orée du bois pour ne pas être repéré.

Il nous faut faire vite.

Malheureusement, quand nous arrivons tous trois en bas de la pente rocheuse, je suis bien obligé de reconnaître qu'Étann est intelligent.

Bien plus que moi.

Un lycan qui ne fait absolument pas partie de ma meute nous attend, les bras croisés et toutes dents dehors, un sourire satisfait aux lèvres.

— Tiens, tiens, tiens... On s'est enfin décidé à sortir.

Il siffle quatre fois entre ses dents et un cortège d'énormes loups sauvages nous acculent contre la roche. Awu se positionne devant nous, les crocs sortis, des grognements en guise de menaces.

J'ai signé notre arrêt de mort.

D'OR ET DE JAIS - Tome 1 & 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant