Chapitre 9 - James-Karl

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— Allez chercher Bomsu, qu'il garde la cabane de soin. Lucy est déjà avec eux. Yaël et Ilan, avec moi. Je veux que personne ne nous dérange. Étann, tu devras nous attendre chez Ilan, tu resteras avec Umma, d'accord ? Profites-en pour te reposer. James-Karl ?

Je lève les yeux vers ma sœur.

— Il faut aller prévenir les aînés. Je peux te laisser t'occuper de ça ?
— Quoi ?! Non, quelqu'un d'autre peut s'en occuper, c'est de Yann et Automne dont on parle. Pas question que je reste à l'arrière.
— En tant que PackAlpha, je pense que ce serait le plus judicieux. Tu vas aller à l'encontre de ma décision ?

Ma sœur plisse un œil. Je ne veux pas lui désobéir, mais c'est injuste de sa part. Yann est mon ami d'enfance et mon futur second. J'ai le droit de savoir.

« Elle ne veut pas que tu aies de la peine. Ça veut dire que ça sent le roussi. »

— Pourquoi tu me laisses à l'écart ? Tu sais très bien que je n'accepterai pas ça.
— James.

Elle s'écarte du groupe et me regarde dans les yeux avec un grand sérieux. Elle est plus petite que moi, mais ça ne change rien à sa grandeur d'aura.

— Je t'ai dit d'aller prévenir les aînés. Tant que je ne pourrai pas être sûre que tu ne vas pas surréagir en voyant leur état, je ne te laisserai pas t'approcher à un mètre de cette cabane. Il nous faut un plan et garder la tête froide. Si tu crois que je ne tiens pas moi-même à Yann pour être certaine que c'est la bonne solution, je...

Elle baisse la tête.

Dans quel état sont mes amis ?

— Fais ce que je te demande. Je t'en prie.

Awu couine à ma droite et je bouillonne de frustration.

Je tourne le regard vers Ilan et celui-ci me fait un signe de tête.

Très bien.

— Les aînés apprécieront de te voir. Dis leur que Yann et Automne sont les seuls rescapés de ce qui ressemble à une attaque. Nous ne savons pas encore de quoi il s'agit. Mais je suis sûre que ça ne va pas tarder. On y va !

Tout le monde se sépare et il ne reste plus que moi et l'humain. Je suis contrarié. Quand je lève la tête, il me regarde avec ses yeux d'or remplis de compassion et ça me rend malade. Je tourne les talons et me dirige vers la cabane du conseil.

J'ai une envie d'écorcher des têtes et planter mes griffes dans un arbre.

« Exactement pour ça que Zaya ne t'a pas convié. »

— Merci Karl, grogné-je.

Je suis un chasseur. Un guerrier hors pair. Et me voilà contraint d'aller faire de la politique de bonne conduite pour mettre le conseil dans ma poche. Enfin celle de Zaya.

Je préfère m'attarder sur ce sujet plutôt que de m'imaginer le pire pour Yann, Automne et les deux autres lycans qui les accompagnaient.

—-

Quand je rejoins Ilan derrière le parc à jeux en bois une heure plus tard, il attend sagement.

Les aînés n'ont rien décidé à l'issue de ma tirade et ont demandé de réunir un conseil lorsque nous saurons ce que les blessés ont comme maux.

— J'ai prétexté aller voir Umma pour lui annoncer. Ce n'est vraiment pas bon, Jake.

Ilan est stressé. Son odeur de menthe tourne au désespoir et à la détresse. Ça ne m'ôte pas mes craintes.

— Lucy pense qu'il y a deux causes. Automne a une blessure purulente qui ne semble pas réussir à guérir aussi vite qu'habituellement. Ça ressemblerait à une trace de balle de fusils.

J'écarquille les yeux sous le choc.

— Mais à côté de ça. Elle s'est visiblement battue contre des bêtes sauvages. Je continue à penser que c'est un loup féral, mais on n'en est pas sûr. C'est bizarre, qu'un loup seul puisse éliminer deux lycans adultes et blesser un compagnon. Je ne sais même pas comment Yann s'en est sorti. Il est en pire état qu'elle. Il est inconscient. Il est arrivé tout à l'heure au village, il la portait autour de ses épaules. Avec le sang qu'il a perdu, je me demande comment il a fait pour la ramener en la portant tout ce temps. Ça relève du miracle.

Je ne suis pas surpris d'entendre que Yann n'aurait laissé sa louve entre les mains de la mort pour rien au monde. Si ça avait été Awu et moi dans cette situation, j'aurais réagi de la même manière. C'est les deux ensemble. Jamais l'un sans l'autre. Non, ce qui m'étonne. Ce sont les deux causes mentionnées par Ilan. L'une est humaine, l'autre est sauvage. Ça n'a aucun sens.

Et si Yann n'est pas conscient, il ne peut pas nous expliquer ce qui lui est arrivé.

— Il faut lancer une équipe de suite ! Nous devons partir en éclaireur pour comprendre qu'elle est cette menace et d'où elle vient. Je vais dire à ma sœur de préparer mon dép...
— Non. Non. James-Karl. Il est trop tôt pour prendre le risque que d'autres soient blessés. Nous ne pouvons pas perdre d'autres frères ou sœur. C'est beaucoup trop dangereux tant que nous ne savons pas à quoi nous avons affaire. Une bête sauvage armée. C'est juste inconcevable.
— On ne va certainement pas rester là à attendre que le temps passe. On ne sait même pas s'ils ont réussi à se débarrasser des affaires d'Étann. C'est peut être une menace pour toute la meute qui arrive sur nous. C'est hors de question de rester sans rien faire.
— C'est pour ça que Zaya ne te voulait pas dans la cabane de soins. Il faut rester patient JK. On ne peut pas foncer, tête baissée. Nous devons attendre le récit de Yann. Ne me fais pas regretter d'avoir désobéi à Yaya pour venir te tenir au courant.

Mes sourcils sont si froncés qu'ils se touchent presque.

Nous avons déjà perdu tellement de proches dans nos vies. C'est insupportable de devoir attendre sans rien faire. Je suis le futur chef de meute et je dois les protéger. C'est mon rôle.

Je dois empester tout le périmètre autour de nous car Ilan couine et vient me serrer dans ses bras. Je frotte ma joue contre sa glande olfactive et l'action nous apaise.

Tout pour la meute.

Je ressens que Karl tire sur sa ficelle à travers l'Empreinte dans ma poitrine également.

« Tu es un bon loup. Ça va s'arranger. En premier lieu, on s'occupe de Yann. Ensuite, la vengeance viendra. »

— Espérons qu'il se remette vite, chuchoté-je.

Ilan se détache de moi puis acquiesce.

— Je n'ai qu'à moitié menti. Il faut vraiment que j'aille prévenir Umma. Étann doit s'inquiéter aussi.

C'est à cause de lui que tout ça arrive. Ilan voit que je me renfrogne à la mention de l'humain et me demande d'être plus gentil avec lui. Il me quitte ensuite pour rejoindre son logis.

Dès qu'il est assez loin, je me tourne vers Awu.

— Garde et surveille la cabane d'Ilan cette nuit. Je ne fais pas confiance à cet humain, ordonné-je.

Awu me jappe à la gueule.

— Oh, tu peux gronder. Je m'en fiche. Il est louche et depuis qu'il est arrivé, tout va mal. Garde le à l'œil. Compris ?

Awu confirme et s'éloigne pour rejoindre la hutte d'Ilan. Moi, je pars trouver Zaya. Nous devons discuter.

D'OR ET DE JAIS - Tome 1 & 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant