Chapitre 12 - Étann

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— Étann !

Ilan frappe une nouvelle fois à ma porte. J'attrape à la hâte le petit pot par terre et y plonge les doigts pour ensuite étaler le baume de camphre sur mes glandes olfactives. Je l'applique matin et soir, il y a donc peu de chance qu'il puisse sentir mon odeur, mais je ne veux prendre aucun risque.

— Laisse-moi, grommelé-je.
— Non ! Tu dois te lever. Si tu ne vas pas t'entraîner, au moins tu viens avec moi en cuisine.

Il se décide à entrer dans la pièce et je me cache sous la fourrure qui me sert de couverture.

— Qu'est-ce qu'il t'arrive aujourd'hui ? Ugh... Pourquoi est-ce que l'odeur de James-Karl est partout dans la pièce ?

Mon cœur s'emballe tellement vite que je le soupçonne de vouloir sortir de ma poitrine. Je ne bouge plus, les yeux écarquillés, sous le tissu.

Qu'est-ce que je lui dis ? Qu'est-ce que je lui dis ? Qu'est-ce que je lui dis ?

Quand je pense à ce que j'ai fait hier, je me consume de honte. Mais qu'est-ce qui m'a pris, bordel ? J'ai... senti James-Karl, le nez enfouit dans son cou et j'ai... oh non ! J'ai enfoncé mes griffes dans sa poitrine et...

Je laisse échapper un couinement mortifié.

Tuez-moi. Maintenant.

— Étaaaann ?

Je jette un coup d'œil furtif vers lui. Ilan me fixe, les bras croisés et les sourcils rehaussés.

— Tu aurais pas quelque chose à me dire ?
— Non, dis-je en me dissimulant à nouveau sous le tissu.
— Pourquoi ça sent le grand méchant loup dans ta chambre alors ?
— James-Karl m'a raccompagné hier soir.

Techniquement, ce n'est pas un mensonge.

— Je me sentais mal, je conclus.

Je ne peux pas lui dire ce que j'ai fait avec James-Karl. Ce serait trop humiliant. Il ne comprendrait pas mon comportement. Je ne saisis pas bien moi-même ce qui m'a pris. Je plaisantais avec les autres, nous passions une bonne soirée et soudain, l'ivresse m'a heurté de plein fouet. Je ne pensais pas avoir tant bu que ça, mais j'ai perdu toutes inhibitions.

— Je pense que l'alcool m'a tapé sur la tête.
— C'est très bizarre, car nous ne ressentons pas les effets de l'alcool. Notre système absout l'ébriété. À moins que cela ne vienne du fait que tu es encore un jeune loup? Dis-moi ce que tu as ressenti.

L'odeur de James-Karl, elle... elle était irrésistible. Je voulais qu'il me tienne, qu'il me serre, qu'il... me bloque dans la paillasse. Je rougis rien que d'y penser.

— Je ne sais pas. Je n'étais plus maître de moi-même. Comme envoûté. Tout était flou et mes jambes flageolaient. Je... J'en sais rien, Ilan. C'était bizarre.

J'ai délibérément léché ses plaies et j'ai adoré ça. Je baisse la tête. Je crois qu'il avait l'air d'aimer aussi. Mais ensuite, il s'est enfui.

Tout ça, c'était instinctif. Je ne répondais qu'au besoin de ne l'avoir rien que pour moi. C'était irrationnel. Irréaliste. Impossible.

C'est comme si une autre partie de moi avait pris le contrôle.

Je ne veux plus jamais sortir de cette chambre et avoir à croiser James-Karl. Ce serait trop embarrassant. Pourtant, nous devons nous entraîner. Encore aujourd'hui. Et je n'ai aucune raison valable de m'échapper.

Ça va être une torture.
—-

Quand j'arrive au terrain d'entraînement. James-Karl n'est pas encore arrivé. Je suppose qu'il doit passer du temps avec Awu. Le loup est toujours à la cabane de soin et guérit à son rythme. Je passerai le voir ce soir. En espérant que James-Karl ne me gronde pas dessus de jalousie.

Je suis toujours autant nerveux. Je me demande comment va se comporter l'Alpha après ce qu'il s'est passé hier. Pour patienter, je m'entraîne à l'arc, mais aucune flèche n'atteint sa cible.

Le moindre bruissement de feuilles me fait sursauter. Au bout d'un moment, je reconnais la délicieuse odeur de pluie et de pigne de pin qui flotte dans l'air et mes jambes se dérobent. Je peine à retenir un couinement et je coupe ma respiration pour inspirer par la bouche.

Pourquoi faut-il que son odeur m'impacte autant ?

James-Karl apparaît quelques secondes plus tard et je rougis furieusement. Je me retourne vers l'arbre et tends mon arc.

Calme-toi. Il ne peut pas savoir ce que tu ressens. Ton odeur est dissimulée.

Il faut absolument que je garde mon attention fixée sur autre chose que lui. Pourtant, je ne peux m'empêcher de me faire la réflexion que son odeur a encore évoluée depuis hier. Elle est plus intense, plus musquée. C'est très bizarre.

J'ai envie de me baigner dedans.

Je ne sais pas s'il le fait exprès ou non, mais c'est très dur de passer outre. Quand je lâche ma flèche, je suis surpris de la voir plantée au centre de la croix.

— Tu n'auras pas besoin de ton arc aujourd'hui.

Je serre les dents. Ce n'est pas la politesse qui l'étouffe.

Comme toujours.

Je ne réponds rien, interdit.

— Nous devons réapprovisionner le village en eau. Et pour ça, il nous faut monter à la source. Nous porterons chacun deux sauts et ferons plusieurs aller-retour. C'est très physique. Tu penses que tu peux y arriver ?

Je lève les yeux vers lui pour acquiescer mais ce que je vois me surprend. Il... il a l'air... malade ? Un nuage de sueur recouvre son front, comme s'il avait de la fièvre. Des cernes entourent ses yeux noirs et la lueur dans ses pupilles est bien moins perçante que d'habitude.

Qu'est-ce qu'il a ?

Je fronce les sourcils, méfiant.

— Ce n'est pas comme si tu avais le choix de toute façon. Ça ne serait pas de trop de t'épaissir un peu. On pourrait te briser en deux comme une brindille.
— Je suppose que tu ne serai pas contre, dis-je entre mes dents.

Je ne me fais pas de faux espoirs, je sais très bien qu'il m'a entendu.

Attends... Il vient de frissonner là ?

Un grognement s'échappe de ses lèvres.

— Ne me provoque pas, Étann. Je ne suis pas d'humeur. 

J'écarquille les yeux. Mais qu'est-ce qui lui prend aujourd'hui ?

Je dois dire que je suis assez satisfait qu'il n'aborde pas ce qu'il s'est passé hier - il est bien plus simple de laisser ça derrière nous -, mais je trouve ça surprenant qu'il se trouve dans cet état.

Je croyais que les loups ne pouvaient pas être malade ?

— Qu'est ce que tu as ?
— Rien. Allons-y.

Je m'avance, oubliant de respirer par la bouche et étudie son état de plus près. L'odeur me frappe de plein fouet et j'ai une envie irrépressible d'étendre ma nuque, mais je ne le ferais pas.

— T-tu as l'air... malade.
— Recule.

Je hausse les sourcils. Il m'a grondé dessus. Il n'a pas usé de son autorité d'Alpha mais ce n'était pas une demande courtoise non plus.

— Quoi ? Pourquoi ?

La tension monte. Il plonge ses yeux de jais dans les miens et mon cœur s'accélère. Il m'attrape par le col avec brusquerie.

— C'est pourtant très simple. J'ai dit recule où je t'écrase contre un arbre.

Il me relâche ensuite et me dépasse pour partir devant. Son odeur est implacable et je suis sur le point de défaillir. Ça va être une longue après-midi.

—-

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Merci énormément pour votre soutien ❤️ L'histoire est 5eme au classement, depuis des semaines. J'espère que nous pourrons atteindre la 4eme place pour la finale. 🤞❤️

D'OR ET DE JAIS - Tome 1 & 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant