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DERECK
DANS LE PASSÉ

Je n'aurais jamais pensé tenir jusqu'à ici. J'aurais du m'en aller l'année dernière déjà, mais me voilà une nouvelle année le carnet en main. À écrire à une personne inexistante, qui ne me connaîtra qu'à travers ces pages taches de mon ancre.

Elle sera qu'aujourd'hui le 8 avril 2018, j'ai 17 ans. 17 longues années à espérer que quelqu'un vienne me sauver. Je n'espèrerai plus longtemps, dans quelques mois, mon âme abîmée quittera ce corps chiffonné.

La maison est vide et froide. La lumière du soleil éblouit le seul meuble de cette pièce, mon lit. Je me débrouille pour me lever et marche avec le peu de force que mon corps ces crée durant les dernières heures. Les blues qui inondent ma peau passent au violet au reflet de lumière. Ce n'est plus quelques choses d'ordinaire chez moi, ces marques sont comme des tatouages qui se dessinent de nouveau chaque jour.

Dans le frigo traîne des légumes et une brique de lait dont je m'en empare. Le compteur de courant est coupé, mon père l'éteint à chaque départ pour le travail. Je n'ai pas le droit de regarder la télévision, ni de me doucher à l'eau chaude et de nettoyer mon linge à la machine. Je n'ai droit à rien que de respirer dans cette maison, d'après lui, c'est déjà une bonne chose.

Le vieux téléphone que j'ai retrouvé dans un carton que ma mère a laissé est le seul objet qui me reste. J'ai essayé un nombre de fois incalculable d'appeler le numéro de ma mère, puis celui de mon frère, mais jamais de réponses.

Aujourd'hui, c'est mon jour de l'année et pourtant aucun message ni appels, c'en est triste. Les heures défilées dans un silence profondément désespérantes. Un claquement se fit entendre dans le silence de cette journée et une minuscule enveloppe tombe face à mes pieds. Je me précipite à la porte d'entrée pour apercevoir le facteur s'en aller sur son vélo jaune. Ce n'est pas une blague de Marc et ces copains, pas aujourd'hui.

Une lettre blanche timbrée sans inscription. Je la relève pour la refléter au soleil pour savoir ce qu'elle contient, mais je ne distingue pas. Je peux l'ouvrir, mon père n'en sera jamais rien.

« C'est la cinquième lettre que je t'écris. Ou peut-être la sixième, sans réponse. Tu me détestes, c'est certain. Comment aimer une personne qui vous a de nouveau abandonné. Chaque lettre écrite pour toi et pour te demander pardon pour tout. J'aimerais venir te chercher, te prendre dans mes bras et te protéger comme quand nous étions enfants. Ce temps était tellement innocent. Mais la vérité, petit frère, c'est que je suis autant terrifiée que toi, je suis terrifiée de te libère de l'emprise de notre père, terrifiée qu'ils nous retrouvent et nous fassent autant de mal qu'avant. Mais, promis, Dereck je viendrais te chercher, même si je dois braver ciel et terre pour ça.

N'oublie jamais une chose. Je t'aime pour toujours et à jamais. Bon anniversaire, petit frère. On se retrouve bientôt.

Avec ton nom amour, Éden Shelby. »

Je ressuis les quelques larmes qui ont coulait le long de mes joues, effaçant mes peines en même temps. Je ne déteste pas mon frère, ça me serait inconcevable. Je déteste qu'il a dû prendre le choix de me laissé ici sans se soucier du mal-être qui allait suivre.

Mon père a dû intercepter les lettres, les brûler ou bien arracher pour que je ne tombe jamais dessus. Ça me surprendrait pas, tout ce qu'il veut, c'est de me voir malheureux.

Il me fait la promesse de venir me chercher, mais une petite voix me répète qu'il m'a abandonné autant que ma mère, et qu'ils ne reviendront jamais me chercher. Si cela était le cas, il serait déjà venue. Quand on veut, on peut, et même si cela est difficile, on s'en donne les moyens.

Je plie le morceau de papier pour le cacher dans mon carnet, l'inconnu découvrira que même ce en qui on a le plus confiance, ce qu'on aime le plus peuvent nous décevoir et nous pousser à tomber dans le précipiter.

Un bruit strident retentit dans la maison me signalant le retour de mon père, mes jambes trembles d'automatisme de peur. Les claquements de ses clés claquant contre son jean vibrent à mes oreilles.

Il me remarque et ses yeux changent de couleur, pour laisser place à mes haines. Il me lance un sachet froissé et me crache au visage :

- Ton repas de ce soir, que tu mangeras dans ta chambre. Je reçois mes collègues ce soir, et je ne veux pas te voir traîner en bas. Tu es pitoyable, qu'est-ce qu'ils vont penser de ça ? dit-il en pointant du doigt mes jambes blesser de ses coups. Je ne veux entendre aucun bruit, mais si cela arrive, je vais te donner des raisons de faire du bruit.

Un simple « bon anniversaire, mon fils » aurait égayer ma soirée, ça aurait pu faire de nouveau battre mon cœur... mais s'est-il au moins qu'aujourd'hui est mon l'anniversaire.

Je suis monté dans ma chambre et j'ai fait comme demandé. Aucun bruit. J'ai passé la soirée à regarder mon plafond à écouter ce silence qui était  devenu insupportable. Vers deux heures du matin, ses collègues sont partis, ces pas lourds ont retenti dans l'escaliers et sa porte de chambre a claqué. C'est à ce moment que j'ai écris la troisième page du carnet, en la suppliant de venir m'aider. Mais le jour où quelqu'un a découvert ce carnet, il sera déjà trop tard.

Bon anniversaire à moi, en espérant que ce soit le dernier.

Cher  inconnuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant