Cher inconnu

8

DERECK
DANS LE PASSÉ

Ça ne fait seulement quatre mois que j'écris dans ce carnet, mais il me connaît mieux que quiconque dans ce monde. Un mois, un jour, une histoire. Une année, cinquante-deux semaines, 365 jours, une mort.

Ce soir le ciel est noir, encore plus que les autres nuits où ma fenêtre est ma porte d'entrée pour que mon père n'apprenne pas mes soirées nocturnes. Tous les soirs trois ans au paravent, c'était mon quotidien avec mon frère. Il m'emmène partout. Nous allions souvent à la colline, celle qui nous réunit. Je ne suis pas certain qu'il s'y rend encore, mais moi oui. Presque tous les soirs, c'est mon endroit pour camper. Et pratiquement tous les soirs, j'espère revoir mon frère.

Mes pieds claquent contre le sol à l'atterrissage dans un petit grincement contre le buisson. Mes pas se font légers quand je traverse la petite allée pour quitter la maison en récupérant mon vieux vélo, hérité de mon frère. Les détecteurs de mouvement de notre voisine se déclenchent quand je passe devant sa maison et j'accélère à toute vitesse, jusqu'au coin de la rue pour être certain que personne ne m'a vu.

Quelques lampadaires éclairent les trottoirs, qui sont sombres et vides. Aucuns bruits de pas, ni aucuns résonnent ici. Je renifle de froid. Mon bonnet rouge sur mes oreilles, ces ainsi que je me rends à la colline. C'est Eden qui me la fait découvrir un soir où mon père était trop ivre pour trouver notre chambre et nous montrer son mécontentement. On est sorties par la fenêtre, cette même nuit où mon grand frère c'est casser son bras en sautant, mais ça ne l'a pas découragé et il m'a amené à la Collin. Depuis, c'est mon endroit préféré, celui qui m'emportera sûrement.

La route n'est pas longue, mais froide avec ce temps d'avril. Arriver au sommet, quelques mètres plus bas un lac bleutés me fait face, un paysage à milles facettes. Le jour le soleil se reflète sur l'eau créant un lac qui nous donne envie de sauter à l'intérieur pour s'y noyer et il restait pour l'éternité.

Voilà un mois que j'ai reçu la lettre de mon frère pour mon anniversaire, et ce soir, j'ai décidé d'y répondre sans destination. Elle restera sûrement dans une boîte sans qu'il ne le sache jamais ou ici, l'endroit qui nous réunissait.

« Éden,

Tu me manques. »

Et c'est le vide, l'esprit embrouillait. J'ai tellement de choses à dire, à écrire, à vivre à ces côtés, mais un simple papier n'exprimera jamais mon désespoir d'être avec lui.

« Je ne sais pas exactement ce que je dois t'écrire, en sachant que tu n'auras jamais cette lettre entre les mains. Peut-être qu'à la fin, ça me ferait du bien. Ces derniers temps, ma vie est entièrement centrée sur la douleur et la peur. Comme quand nous étions enfants, nous nous cachions sous nos lits pour que le grand méchant loup ne nous trouve pas, pour qu'on ne subisse pas de coups. Aujourd'hui, ce n'est plus possible de me cacher. Peu importe l'endroit où j'irai. Le loup viendra sans cesse me manger et ruiner ma vie.

Je me demande souvent pendant mes nuits noires, ce que serait ma vie si je suis parti avec vous, ce jour-là. Aurais-je encore des couleurs des couleurs éclatantes dans les yeux ? Probablement.

Les tiens sont-ils encore blues océan, ce bleu qui illuminent les journées de maman. Les miens ont-ils illuminé ces journées ces derniers temps ? Probablement pas.

Tu me manques, Eden. Tous les jours. Maman me manque. Papa me frappe et me fait souffrir chaque jour. Nous nous reverrons jamais. Je ne cesserais pas de pensées à vous, peu importe l'endroit où j'irais.

Je t'aime. Pour toujours. À jamais.

Ton petit frère, Dereck. »

Je suis persuadé que cette lettre restera ici, dans le creux de ce rocher sans que mon frère ne la trouve. Avant de mourir, je viendrais la chercher pour que la personne inconnue qui trouvera mon carnet puisse lire mes mots sur ce papier et l'envoie à Eden. À ce moment, ça sera déjà trop tard. Il ne pourra pas me sauver.

Je suis désolé, mon frère, c'était vraiment difficile.